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Hier, cela faisait 22 ans que Jean-Marie Le Pen se qualifiait au second tour de l'élection présidentielle en France. Un séisme à l'époque. Aujourd'hui, son ex-parti, le Front National, Rassemblement National aujourd'hui, est en tête des sondages pour les élections européennes et tout le monde semble trouver ça normal. Alors, que s'est-il passé en 22 ans ?
Le 1er mai 2002, un million et demi de personnes sont descendues dans la rue à Paris pour faire barrage à l'extrême droite. Il y avait même de nombreux Belges. Je me souviens d'ailleurs d'avoir interviewé l'écologiste Isabelle Durant au cœur de la manif. Elle était à l'époque vice-Première ministre. C'est vous dire à quel point le score de Jean-Marie Le Pen fut une déflagration en France, en Europe, et même dans le monde. La presse américaine notamment en avait beaucoup parlé.
En 2022, 20 ans plus tard, Marine Le Pen réalisait le score de 41,5% au second tour de l'élection présidentielle. 23.000 manifestants sont descendus dans la rue pour s'en offusquer … dans toute la France, c’est-à-dire presque personne. L'ex-Front national a réussi sa dédiabolisation, et même sa banalisation.
Au dernier sondage, Jordan Bardella, tête de liste du RN, est donné à 31,5% devant Renaissance, le parti d'Emmanuel Macron qui plafonne à 17,5%. C'est un peu la panique, à tel point que le président de la République va s'engager en personne pour essayer de redresser la barre.
En quelques années, Marine Le Pen a réussi à effacer l'image de son père et son parti, transformé, a progressivement éliminé le souvenir des ex-SS ou autres nostalgiques de l'Algérie française, présents lors de la fondation du Front National en 1972. Élection après élection, le désormais RN a gagné en respectabilité. D'abord en conquérant plusieurs villes, dont Perpignan, puis en entrant massivement en 2022 à l'Assemblée nationale avec un groupe qui compte 88 députés. Ce score lui a permis d'entrer dans les institutions du Parlement. Ainsi, le RN compte deux vice-présidents qui régulièrement montent au perchoir pour diriger les séances. De surcroît, il y a quelques semaines, le RN était bien présent lors d'une manifestation contre l'antisémitisme et Serge Klarsfeld, le tombeur de Klaus Barbie, s'était réjoui de les voir ainsi changer. Il n'y a plus de front républicain contre eux. D'ailleurs, le Premier ministre Gabriel Attal l'a dit : l'arc républicain, c'est l'hémicycle. Et comme le RN possède 88 députés, il fait partie de l'arc républicain.
La prochaine étape pourrait donc être une victoire de Marine Le Pen à la présidentielle de 2027. Ou peut-être une accession de Jordan Bardella à Matignon en cas de dissolution de l'Assemblée nationale après les européennes. Emmanuel Macron y songerait pour carboniser le RN lors d'une cohabitation. Ça s'appelle jouer avec le feu.
