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En visite à Marseille, le pape appelle à la solidarité envers les migrants: "C'est un devoir d'humanité, c'est un devoir de civilisation"

Le pape François est arrivé vendredi à Marseille pour une visite de deux jours. Elle est consacrée à la Méditerranée et au défi migratoire, dans un contexte d'hostilité croissante envers les candidats à l'exil au sein d'une Europe tentée par le repli.

A son atterrissage, le chef de l'Eglise catholique a été accueilli par la première ministre Elisabeth Borne. En fauteuil roulant, il s'est levé pendant l'exécution des hymnes, avant de saluer en souriant les officiels présents. "(Nous avons) peu de temps, mais tant de choses (à faire) dans cette ville qui est une porte, une fenêtre sur la Méditerranée", avait-il déclaré aux journalistes l'accompagnant dans l'avion, dénonçant une nouvelle fois le "terrible manque d'humanité" qui se jouait sur cette mer.

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Il est immédiatement parti pour la basilique Notre-Dame de la Garde, la "Bonne mère", symbole de la deuxième ville de France, juchée sur une colline dominant la baie de Marseille. Après une prière avec le clergé, il se recueillera sous un ciel radieux, dégagé par le mistral, avec des représentants d'autres confessions, devant le mémorial dédié aux marins et migrants disparus en mer.

Les personnes qui risquent de se noyer doivent être secourues

Le pape François a dénoncé vendredi les "trafics odieux et le fanatisme de l'indifférence" face au sort des migrants, qui "doivent être secourus" en Méditerranée, au premier jour d'une visite à Marseille. "Nous ne pouvons plus assister aux tragédies des naufrages provoqués par des trafics odieux et le fanatisme de l'indifférence. Les personnes qui risquent de se noyer, lorsqu'elles sont abandonnées sur les flots, doivent être secourues. C'est un devoir d'humanité, c'est un devoir de civilisation", a insisté le pape, qui dénonce régulièrement depuis son élection il y a dix ans le sort fait aux migrants.

"Nous sommes à un carrefour: d'un côté la fraternité, (...) de l'autre l'indifférence, qui ensanglante la Méditerranée. Nous sommes à un carrefour de civilisations", a lancé le chef de l'Eglise catholique, dénonçant "la paralysie de la peur".

Il s'exprimait lors d'une cérémonie de recueillement interreligieux devant le mémorial des marins et migrants perdus en mer, au pied de la "Bonne Mère", l'emblématique basilique Notre-Dame de la Garde, qui domine la deuxième ville de France. "Croyants, nous devons (...) être exemplaires dans l'accueil mutuel et fraternel", a plaidé François, entouré de représentants d'autres religions avec lesquels il a observé un temps de silence. "Devant un tel drame, les mots ne servent à rien, mais des actes", a expliqué le souverain pontife. "La Méditerranée est un immense cimetière où est ensevelie la dignité humaine". "Mais avant cela, il faut de l'humanité", a-t-il ajouté.

Humanité qui coule

Cette visite se déroule sous haute protection, avec quelque 6.000 membres des forces de l'ordre mobilisés et un "dispositif hors norme", selon un haut responsable policier.

Quelque 60.000 personnes sont attendues samedi pour la messe que le pape doit célébrer au stade vélodrome, autre symbole de la ville, précédée d'une déambulation en papamobile le long du Prado, grande avenue de la ville pavoisée aux couleurs jaune et blanche du Vatican, à laquelle 100.000 autres personnes sont attendues.

En France, pays régi par le principe de laïcité, la visite de Jorge Bergoglio a été diversement reçue, certains à droite critiquant une "ingérence" politique. "Il faut espérer qu'on ne retienne pas de ce message la critique qui en est faite, mais que la Méditerranée peut être un point d'union", a affirmé à l'AFP l'archevêque de Paris, Laurent Ulrich. 

"Nous attendons des paroles très fortes, c'est notre humanité qui coule si l'Europe ne fait pas quelque chose", avait commenté vendredi matin François Thomas, président de SOS Méditerranée, ONG basée à Marseille qui affrète un navire pour venir en aide aux migrants en détresse.

Des élus de gauche ont appelé Emmanuel Macron à écouter le message d'accueil "courageux" du pape, au moment où une nouvelle loi sur l'immigration est en préparation en France. 

La gauche radicale s'organise

La France insoumise organise de son côté vendredi soir un rassemblement "laïque" à Marseille "en solidarité avec les victimes de la barbarie antimigrants". Plusieurs de ses députés ont par ailleurs récemment accusé le président français Emmanuel Macron de "piétiner" le principe de laïcité en participant à la grande messe du pape au Vélodrome.

Près de 500 ans après la dernière visite papale à Marseille, ce déplacement est le premier d'un pape en France depuis Benoît XVI en 2008. François s'était brièvement rendu en 2014 à Strasbourg, dans l'Est, mais c'était au Parlement européen.

Malgré le déclin du catholicisme en France, accéléré par la crise des violences sexuelles dans l'Eglise, la visite suscite un fort engouement.

Véronique Dembele, 47 ans, arrivée il y a cinq ans du Mali avec son fils Michel, 15 ans aujourd'hui, est venue de Gap, à près de 200 kilomètres de Marseille, dans le département des Hautes-Alpes. "C'est une joie immense et un honneur. C'est incroyable mais vrai" de voir le pape, dit cette femme qui dispose désormais d'un titre de séjour. Et elle ne trouve pas "que cette visite soit politique": le  pape "vient pour soutenir les migrants, mais aussi pour remercier l'Etat de ce qu'il fait pour les migrants. Et il dit a l'Etat d'en faire encore plus".

Il s'agit du 44e voyage à l'étranger du pape, qui se déplace désormais en fauteuil roulant et a reconnu début septembre que voyager ne lui était "plus aussi facile qu'au début".

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