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Inde: "la nation hindoue" prime sur la caste pour l'électorat de Modi

La victoire électorale du Premier ministre indien Narendra Modi, qui brique un troisième mandat aux élections générales, repose sur les Indiens nés au bas du système de castes hindou, immense réservoir de voix pour le parti nationaliste hindou au pouvoir.

Plus des deux tiers du 1,4 milliard d'Indiens se situent au bas d'une hiérarchie sociale pyramidale qui détermine, dès la naissance, le rôle et le statut social de chacun depuis des milliers d'années.

Tous les partis politiques ont courtisé les Indiens de basses castes avec des programmes de discrimination positive, tels que des quotas dans le gouvernement, des emplois et un système d'éducation ou encore des subventions spéciales pour tenter d'atténuer les inégalités.

Mais le parti nationaliste hindou Bharatiya Janata (BJP) de M. Modi a tenu un autre discours pour s'imposer en force politique dominante et faire primer l'hindouisme avant la caste.

Le BJP est parvenu à forger une nouvelle coalition politique pan-hindoue en manifestant son respect pour les "symboles culturels, les icônes et l'histoire" de basse caste, en vue de bâtir sa "nation hindoue", selon la politologue Sudha Pai.

- "les marginalisés" convoités -

"La base du BJP parmi les marginalisés s'est élargie à chaque élection depuis 2014", ajoute-t-elle.

Narendra Modi a offert à son parti deux victoires écrasantes en 2014 et 2019 en jouant sur la fibre religieuse de l'électorat hindou.

A Agra, où se situe le Taj Mahal, chef-d'oeuvre architectural moghol, les affaires d'Anil Sonkar, poissonnier de 55 ans, "n'ont jamais été aussi mauvaises".

"Il n'y a pas d'emplois, pas d'opportunités économiques", déclare à l'AFP ce dalit que l'on appelait autrefois "intouchable", soit un "hors caste".

"Mais sous ce gouvernement, nous nous sentons en sécurité et fiers en tant qu'hindous", dit-il

Le parti nationaliste hindou a réuni de nombreux groupes de castes en un seul bloc de soutien, mais la discrimination de caste reste une réalité tant en politique que dans la société en général.

Moins de 6% des Indiens se sont mariés en dehors de leur caste, selon le dernier recensement du pays en 2011.

L'ascension de M. Modi a coïncidé avec le déclin des partis de caste qui, depuis des décennies, dominaient la politique de l'Uttar Pradesh, l'État le plus peuplé de l'Inde, son bastion électoral le plus important.

Les partis de cet Etat ont été accusés d'orienter les programmes sociaux vers leurs propres groupes de caste. Cette situation, selon certains, a changé avec l'arrivée de M. Modi au pouvoir en rendant ces programmes accessibles aux électeurs défavorisés.

"Mes semelles se sont usées à courir partout pour essayer d'obtenir une carte de rations (alimentaires) gratuites", se souvient Munni Devi, femme au foyer de 62 ans.

"Mais Modi m'en a offert une dès son arrivée au pouvoir", affirme-t-elle à l'AFP dans un rassemblement électoral du BJP, rythmé par des battements de tambours et les décibels d'une musique endiablée.

- "les démons de ces contradictions" -

Le Premier ministre lui-même appartient à une basse caste, les milieux de la politique, des affaires et de la culture restent largement le pré carré des élites des hautes castes. De même, l'administration du pays demeure aux mains de fonctionnaires de castes supérieures.

"Notre député est issu de notre caste et du BJP", confie Patiram Kushwaha, un agriculteur.

"Pourtant, il ne peut rien faire pour nous parce que ceux qui sont au sommet ne l'écoutent pas", explique ce partisan de M. Modi qui reconsidère désormais son allégeance.

Plus de deux douzaines de partis d'opposition ont fait campagne sur la promesse de s'attaquer aux causes structurelles de la discrimination, s'engageant à organiser un recensement national basé sur les castes et à orienter les ressources vers les plus défavorisés.

Les analystes s'attendent néanmoins à ce que le BJP triomphe haut la main.

Toutefois, selon Neelanjan Sircar, chercheur en politique au Center for Policy Research, un groupe de réflexion à New Delhi, le parti nationaliste hindou est confronté à "un exercice d'équilibre consistant à maintenir ensemble des groupes qui ne s'entendent pas vraiment entre eux".

"C'est extrêmement difficile à long terme", déclare-t-il à l'AFP, "à un certain moment, il faudra affronter les démons de ces contradictions."

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