Accueil Actu Vos témoignages

"Où part cet argent?": indépendant, Gaëtan paie 200€ par an pour la "prévention au travail" et se pose des questions

Gaëtan travaille dans le secteur informatique depuis 9 ans. Gérant d'une entreprise composée trois personnes, le Bruxellois se demande pourquoi il doit continuer à cotiser chaque année pour de la prévention au travail. 

"Dans mon cas, sur ma facture Mensura, cela représente 204 euros pour un an. Mais où va cet argent ? Je reçois maximum un mail par an ? Pour quel service ?", s'interroge-t-il. "Je trouve que pour une petite société, comme nous, qui avions précédemment des bureaux, et qui sommes passés maintenant à un travail à domicile, la prévention au travail, c'est important bien sûr, mais dans ce cadre-là... Nous avons tout le confort qu'il faut chez nous." 

Pour Gaëtan, le montant forfataire à payer est trop élevé. "Que ce soit pour une société de 3 ou de 20 personnes, je trouve ça un peu démesuré. Je paie ce montant depuis 9 ans. Je trouve que pour les sociétés qui travaillent depuis leur domicile, ce n’est plus justifié. Entre temps, cette facture est payée. Ce sont des règlements qui datent encore d’il y a 20 ans. Et je pense que la situation économique d’aujourd’hui ne justifie pas le montant de ces factures. C’est aussi simple que ça. C’est un coup de gueule, mais ce n’est pas pour ça que je suis un mauvais citoyen. Je ne sais pas où part cet argent. J’imagine qu’il faut payer des structures, des caisses sociales… Mais si chaque société doit payer ce montant…" 

Il faudrait un autre système qui protège les PME travaillant depuis leur domicile

Et de poursuivre: "Il faudrait un autre système qui protège les PME travaillant depuis leur domicile. Cela ne transparait pas dans les services offerts aujourd’hui par Mensura. C’était bon à l’époque où tout le monde travaillait au bureau pour s’assurer que la chaise correspond bien à ce qu’il faut, que le plan d’évacuation était bien... Mais ici, à la maison, je ne vois pas ce que ça apporte de plus. C’est démesuré par rapport à notre infrastructure et à l’effort que nous faisons de travailler à la maison. Ce montant, c’est forfaitaire, c’est comme ça… C’est la loi, c’est la loi. Cela devrait être adapté à la situation économique actuelle. Il faudrait revoir cette loi." 

Où va cet argent? Pourquoi cette cotisation est-elle utile?

Pour répondre à ces questions, nous avons notamment contacté le SPF Emploi.

En ce qui concerne la tarification, les employeurs sont répartis sur base de leur activité principale et de leur taille: il existe ainsi 5 tarifs pour les entreprises comptant plus de 5 travailleurs, et 5 tarifs réduits pour les entreprises comptant 5 travailleurs ou moins. (en savoir plus sur les montants des cotisations)
 
"Ces cotisations que l’employeur paie au service externe pour la prévention et la protection au travail auquel il est affilié, sont en fait un payement pour des prestations que l’employeur peut – et dans un certain nombre de cas, doit – demander de ce service, justement parce que c’est sa responsabilité en tant qu’employeur", précise Anne-Cécile Wagner, conseillère au sein de la direction de la communication au SPF Emploi.
 
Sur base d'une loi de 1996, un employeur est "responsable du bien-être de ses travailleurs lors de l’exécution de leur travail".

"En principe, un employeur aura l’obligation de disposer d’un conseiller en prévention interne, mais un petit ou très petit employeur (comme c'est le cas ici, avec 20 travailleurs ou moins), peut, conformément à l’article 33 de la loi, lui-même exercer la fonction de conseiller en prévention pour ses travailleurs", rappelle Anne-Cécile Wagner. "Dans la mesure où le bien-être des travailleurs exige certaines obligations que le conseiller en prévention (ou ici : l’employeur) ne peut pas lui-même fournir, l’employeur est obligé de faire appel à son service externe pour la prévention et la protection au travail, qui dispose des conseillers en prévention spécialisés dans tous les domaines du bien-être, notamment la santé au travail, la sécurité au travail, l’ergonomie, l’hygiène de travail et les aspects psychosociaux du travail."

Des experts peuvent assister le conseiller en prévention (ou l’employeur) à faire l’analyse des risques et de proposer des mesures de prévention afin d’éviter les accidents du travail, les maladies professionnelles ou tout autre problème de santé lié au travail, comme le burnout, les troubles musculosquelettiques, le harcèlement, etc.

"S’il s’agit ici surtout de travail sur écran qui se fait à domicile, cela apportera toujours des risques pour les travailleurs : l’employeur est donc obligé de faire une analyse de tous les risques de ce travail, par exemple liés aux problèmes de santé et d’ergonomie (troubles de l’appareil locomoteur) ou psychosociaux (burnout, isolation, stress etc.)", ajoute Anne-Cécile Wagner.
 
Pour les PME, le service externe doit fournir des prestations de base en contrepartie de la cotisation forfaitaire. 

"Il s’agit entre autres des visites d’entreprise et de la collaboration active à l’analyse des risques par l’élaboration et l’actualisation régulière de l’avis stratégique, mais aussi la collaboration à l’analyse et la proposition des mesures de prévention concernant le travail sur écran, les consultations spontanées des travailleurs chez le médecin du travail, certaines missions du conseiller en prévention aspects psychosociaux, etc. L’avis stratégique est un instrument très utile pour les PME, puisqu’il vise à élaborer une politique de prévention efficace et adapté à l’entreprise, en identifiant les 5 priorités de prévention concrètes et en proposant des mesures de prévention adaptées à l’entreprise pour permette à l’employeur de répondre à ces 5 priorités de prévention le plus efficacement possible."  
 
Le SPF Emploi conclut qu'il est conseillé aux employeurs de s’adresser directement à leur service externe "afin de parvenir à des arrangements concrets avec celui-ci pour recevoir les prestations auxquelles l’employeur a droit en contrepartie des cotisations payées."

La loi ne tient pas réellement compte de ce cas extrême

Hélène Thierry, conseillère en prévention chez Mensura (le service externe de prévention et de protection au travail qui a envoyé la facture à Gaëtan), s'est également exprimée sur le cas du gérant d'entreprise bruxellois.    

"Dès qu’on a un travailleur salarié, il y a une obligation d’avoir un service de protection et de prévention de travail interne complet. Avec une si petite structure, il est évident qu’il n’est pas complet. La loi met donc à disposition un ensemble de personnes qui complètent ce service interne. Donc ça va se faire via un service externe", précise Hélène Thierry.

"Pour être complet, il faut quelqu’un qui s’occupe de la prévention santé, la prévention sécurité, la prévention de l’ergonomie, de l’hygiène industrielle, de la charge psychosociale, de l’embellissement du lieu de travail et de l’environnement où vous travaillez. Dans les petites structures, il n’y a jamais quelqu’un qui peut s’occuper de tout ça. C’est la raison pour laquelle, les services externes sont là pour compléter le panel de gens qui manquent. En dessous de 20 travailleurs, l’employeur s’occupe de la prévention en interne et il vient compléter avec le service externe. C’est la loi. Dès qu’une personne travaille dans votre entreprise, le système s’enclenche. Elle doit être affiliée à un service externe de protection de travail.  L’employeur ne pourrait pas assurer toutes ces missions. Il faut des qualifications bien particulières. Même dans les toutes grosses structures, on a des services quasiment complets mais rarement avec un médecin du travail par exemple." 

Dans une petite structure comme celle de Gaëtan, la cotisation forfaitaire droit à certain nombre de services.

"S’il y a lieu de faire des visites médicales, on en fait, mais ici ce sont des personnes qui travaillent à domicile. Donc au niveau des risques professionnels, ils seront repris certainement aux risques 'poste écran', car ils passent sans doute plus de 4h devant leur ordinateur. Cela devrait être à peu près tout au niveau du risque lié à l’activité. C’est le médecin du travail qui définit les risques professionnels." 

Et de poursuivre: "Dans le forfait, il y a les visites médicales. Dans ce cas-ci, il n’y en aurait pas. Deuxièmement, il y a une visite des lieux de travail qui a lieu tous les 2-3 ans. Mais ici, c’est chez eux… Ce n’est donc pas un bureau d’entreprise en tant que tel. Dans le forfait, il y a tout ce qui concerne le psychosocial. Vous allez me dire, que peut-il leur arriver ? Ils ont des clients donc on pourrait imaginer qu’il y aura le domaine psychosocial par rapport à des tiers. Entre les 3 membres de l’entreprise, ça va être un peu plus compliqué, mais on peut imaginer qu’il y ait du stress, des problèmes d’ordre psychosociaux. Il est vrai que dans ce genre de cas un peu extrême, la loi n’en tient pas réellement compte. C’est général et après il faut adapter au cas particulier. Ici, cela pourrait manquer de sens. Pour leur poste écran, on envoie des enquêtes pour savoir s’ils sont bien installés. En cas d’accident de travail, quand ils vont chez un client, il y a une analyse qui se fait dans le contexte de cette cotisation."

La conseillère en prévention chez Mensura dit comprendre le raisonnement de Gaëtan: "Il y a quand même des matières, mais elles sont fortement réduites. C’est la cotisation la plus faible, mais je conçois qu’on puisse se demander comment elle est utilisée. Un accident de travail, s'il se produit, couterait par exemple plus cher que la cotisation forfaitaire. Les cotisations sont légiférées. Ce ne sont pas nous qui faisons les prix", conclut-elle.

À lire aussi

Sélectionné pour vous

Commentaires

3 commentaires

Connectez-vous à votre compte RTL pour interagir.

S'identifier S'inscrire
  • Eh oui , en Belgique , tout est bon dans le cochon "payeur " !

    pierre thiry
     Répondre
  • Un accident de travail, s'il se produit, couterait par exemple plus cher que la cotisation forfaitaire... Elle oublie (sic) de dire que tout bon employeur possède aussi pour ça une assurance particulière... Bref, à nouveau du blabla à deux balles d'un ministère, pour justifier une obligation (parmi tant et tant d'autres) de payer..! C'est pas pour rien que le belge est champion européen et quasi "champion du monde", coté taxes en tous genres..!!!

    Gérard G
     Répondre
  • La prévention au travail peut être utile dans certains métiers, mais en général ils ne font qu'imposer des règles restrictives qui, à la limite, retardent ou empêchent le travail. Je suppose que dans ce cas, ils vont conseiller un siège à cinq pieds, plus stable, une position qui ne fatigue pas le dos et des pauses pour reposer les yeux...et demander 200 euros pour ça !

    roger rabbit
     Répondre