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Walter a poussé sur le bouton orange Alertez-nous pour dénoncer les difficultés à se réinsérer dans la société après un séjour en prison et le manque d’accompagnement des anciens détenus. Il a commis un braquage à main armée en 1996 et a passé 5 ans derrière les barreaux. Plus de 20 ans plus tard, il se dit toujours impacté par cette erreur commise voilà près de 30 ans.
"Je voudrais juste attirer votre attention, sur la soi-disant réinsertion d'anciens détenus", nous écrit Walter, via le bouton orange Alertez-nous. "Rien n’est fait pour les anciens détenus. Où est cette fameuse réinsertion ? J'ai moi-même été victime de cette discrimination, alors que cela faisait un an que je travaillais comme intérimaire... et en une minute, TERMINÉ", poursuit cet ancien détenu.
Walter est sorti de prison en 2001 après avoir purgé une peine de 5 ans. Il avait commis un braquage à main armée en 1996 et avait été pris en flagrant délit. Plus de 20 ans après sa sortie, il ne voit pas le bout du tunnel. Son parcours est semé d’embûches et cela l’empêche de se réinsérer dans la société.
L’homme de 53 ans a l’impression de subir une double peine. "Une fois qu’on a payé sa peine, il ne faut plus avoir un papier qui nous suit pendant des années. Ça fait 20 ans que ce certificat de bonne vie et mœurs me suit", déplore Walter, avec une pointe d’émotion dans la voix. "On reste taulard à vie", glisse-t-il encore.
Une rencontre avec la juge d'instruction
Pour tenter de l’aider et de répondre à ses questions, nous lui avons proposé une rencontre avec Anne Gruwez. La juge d’instruction, fraîchement retraitée, est bien connue au sein du monde judiciaire bruxellois.
Elle a aussi un avis bien tranché en ce qui concerne la réinsertion des anciens détenus. "C’est un des gros problèmes de la prison, vous êtes complètement désinsérés. On s’habitue à une vie monastique et au bout de 5 ans, quand on ressort, on est dans un monde tellement différent. On doit se réhabituer à tout alors que tout a changé", reconnaît Anne Gruwez.
C’est précisément ce à quoi a dû faire face Walter à l’époque : "Pendant 5 ans, notre vie est régie, on vous dit quoi faire, et vous vous habituez à ça. Et du jour au lendemain, vous devez prendre toutes vos décisions vous-même et tout seul", confie l’ancien détenu.
Une fois dehors, il faut en effet faire face aux problèmes administratifs : trouver un logement, un travail… malgré le poids du casier judiciaire. "Et personne ne vous dirige ou ne vous aide", regrette Walter.
À sa sortie de prison, Walter a malgré tout rapidement pu trouver un travail dans une carrière. Il y a travaillé durant un an. "Quand il a fallu remplir la feuille d’impôt, mon patron m’a dit qu’il n’avait toujours pas mon certificat de bonne vie et mœurs. Je lui ai répondu qu’il n’était pas vierge et du tac au tac, il m’a dit qu’on n’allait plus pouvoir travailler ensemble… C’est une deuxième claque dans la figure", nous raconte l’homme de 53 ans.
Le lendemain de la sortie de prison, les huissiers sont là pour saisir les biens
Le fameux extrait de casier judiciaire (anciennement certificat de bonne vie et mœurs) est un document presque systématiquement réclamé par l’employeur. Et il peut donc parfois poser problème pour les personnes qui ont un passé judiciaire. C’est pour cette raison que l’ancienne juge d’instruction plaide pour un sursis du casier judiciaire ainsi que de l’amende pénale – qui accompagne souvent les peines de prison – afin de laisser au détenu la possibilité de se reconstruire et de pouvoir "se présenter avec un casier judiciaire vierge", souligne Anne Gruwez.
"Il est fréquent d’avoir quelqu’un qui sort de prison avec 20.000 euros d’amende. Généralement, la personne rentre chez ses parents et le lendemain, les huissiers sont là pour saisir les biens des parents. Avec un sursis à ces amendes, on fout la paix pendant 1 an ou 6 mois, et on vient voir après où la personne en est… Mais il faut arrêter de directement venir réclamer l’argent chez les gens", insiste l’ancienne juge d’instruction.
Comment aider à la réinsertion ?
Pour préparer les détenus à leur vie d’après, il existe des maisons de détention et des maisons de transition. En Belgique, on compte actuellement 4 établissements, soit deux de chaque. Et une troisième maison de transition ouvrira ses portes l’année prochaine. Ces établissements accueillent au total une centaine de détenus. Alors que notre pays en compte 11.493. C’est donc largement insuffisant.
En dehors du monde carcéral, des associations aident aussi les détenus et anciens détenus à se réinsérer, notamment au niveau professionnel. "On voit comment on peut les aider, on cherche des solutions afin de trouver une formation ou un emploi", nous explique Wim Huybrechts, coach au sein de l’ASBL Groep Intro à Bruxelles.
Des listes d'attente à rallonge
Chez eux, la méthode "collaborative" prime : "On ne propose pas d’offres d’emploi à l’avance. Il y a d’abord un entretien pour comprendre ce que la personne recherche vraiment. C’est très important ! On s’est rendu compte que c’est la meilleure manière, car c’est très important de savoir ce qu’elle veut vraiment et ce qu’elle est capable de faire pour faire un meilleur matching", rajoute Wim Huybrechts.
Problème ? Ces structures sont dépassées par la demande. "En Région bruxelloise, nous sommes deux organisations. C’est très peu pour le nombre de détenus qui sont en demande de se faire accompagner. Les listes d’attente sont parfois longues…", reconnaît-il.
Pourtant, la réinsertion est un enjeu majeur. Sans accompagnement, le taux de récidive des anciens détenus est de 70%. Il chute à 35% lorsque les personnes sont guidées dans leur reconstruction. "Si on réfléchissait vraiment mûrement à comment financer de manière correcte la réinsertion socio-professionnelle, on n'en arriverait pas à des chiffres si catastrophiques", conclut notre interlocuteur.