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Appel à la solidarité pour un éleveur de Lierneux: "Il est victime du burn-out des agriculteurs"

Un message d’appel à la solidarité pour aider un agriculteur a circulé sur Facebook. Mathieu (prénom d’emprunt), agriculteur à Lierneux, connait actuellement des problèmes de santé, cumulés à des soucis financiers et administratifs, principalement dus aux difficultés du secteur agricole. Louis Maraite, conseiller communal à Liège, touché par son histoire a décidé de réagir en lançant un appel à la solidarité sur Facebook.

Il y a deux semaines environ, Cathy repère sur son fil d'actualité Facebook un appel à l’aide en faveur d'un agriculteur habitant Lierneux dans la province de Liège. Elle nous en informe peu de temps après, grâce au bouton orange Alertez-nous. Si elle n’est pas agricultrice et n’a rien à voir avec le milieu, la mère au foyer comprend ce qu’est "une vie de labeurs" et ce que c’est que "donner sans compter toute sa vie". Et puis surtout, une étrange coïncidence veut qu'à 17 ans, alors qu'elle participait à un camp de son mouvement de jeunesse, elle et ses compagnons avaient aidé au nettoyage de la cour d'un agriculteur de... Lierneux.

À l'origine de cet appel sur Facebook, il y a Louis Maraite, qui exerce notamment la fonction de conseiller communal à Liège. L'homme politique a été sensible à la situation particulièrement compliquée d'un éleveur de vaches viandeuses. "Il est en grande difficultés de santé, en difficultés sociales et en divergences de vues administratives. Et ses 180 bêtes aussi. Nous ne porterons pas de jugement. Il est victime du burn-out des agriculteurs et il faut l'aider en urgence" écrit-il dans sa publication partagée plus de 4 000 fois. Avant d’entrer dans les détails le lendemain, suite à sa rencontre avec l’éleveur, qui souhaite rester anonyme pour le moment. Dans un nouveau message, il évoque alors une blessure à cause d’un accident avec un taureau, une "succession difficile" suite au décès d’un proche, et enfin des ennuis financiers et administratifs. Difficile de s’occuper de ses 180 vaches limousines dans ce contexte, d’autant que cette accumulation aurait fini par plonger l'agriculteur dans le burn-out.


La solidarité agricole à l’œuvre

Dans son premier message, le conseiller communal en appelle à la "solidarité agricole". Il demande aux personnes ayant des notions en agriculture (professionnels, étudiants) de venir mettre la main à la patte pour nettoyer l’étable de Mathieu, à Lierneux, où les vaches, embourbées dans le fumier, peinent à se déplacer. Opération réussie grâce à l’aide d’un agriculteur à Sprimont et au prêt d’un bulldozer de chantier. Une mobilisation qui a permis à l’agriculteur et ses fils de sortir les bêtes et nettoyer l’étable, avant d’y remettre du foin. De quoi nourrir les animaux pour encore 8 jours, informe Louis Maraite sur son profil Facebook.



"SOS agriculteurs wallons en détresse"

Pleinement investi dans sa mission, l’homme à l’origine du mouvement a pris contact avec le bourgmestre de Lierneux, Fabrice Léonard, qui s’est depuis entretenu avec Mathieu pour discuter de son problème.

"Ce cas m'a profondément interpellé. Dans nos campagnes, tout le monde se connaît, il est difficile de rester de marbre lorsque vous êtes informé de pareille situation.", déclare le bourgmestre. Louis Maraite est également entré en contact avec les cabinets du ministre wallon de l’agriculture René Collin et du ministre fédéral des indépendants, Willy Borsus, avec qui une réunion est programmée afin d’examiner le cas de Mathieu, les causes et les solutions à son burn-out.

Enfin, il a créé un groupe Facebook "SOS agriculteurs wallons en détresse", avec le soutien du député européen PS et bourgmestre d’Anthisnes, Marc Tarabella. Le groupe, qui réunit d’ores et déjà 400 membres, n’est pas uniquement destiné à Matthieu, mais bien à tous les agriculteurs wallons en situation de difficulté.


Mathieu, illustration d’une crise agricole générale

Mathieu est loin d’être le seul agriculteur en situation de crise.

La baisse du nombre d’exploitations agricoles en Belgique d’année en année en atteste.

Selon l’étude Chiffres clés de l’agriculture en Belgique, le nombre d’exploitations agricoles a diminué de 68% en 35 ans.

En 1980, on comptait 113 883 exploitations agricoles dans le pays, pour 36 913 en 2015. "

Au cours de cette période, le rythme de disparition a été le même en Flandre et en Wallonie (-3,2% par an en moyenne)", peut-on lire en introduction de l’étude.

Parallèlement, le secteur enregistre une baisse de 60% du nombre de travailleurs occupés aux activités agricoles, entre 1980 et 2013.

A l’inverse, "la superficie moyenne par exploitation a, dès lors, presque triplé", indique le rapport. 


40% des agriculteurs belges gagnent moins de 1 000 euros par mois

D'après Marianne Streel, la présidente de l’Union des agricultrices wallonnes (UAW, branche féminine de la Fédération wallonne des agriculteurs), la crise des agriculteurs part d’abord d’une crise financière, avec des difficultés pour les exploitants et éleveurs à payer leurs factures. Il y a aussi une "surcharge administrative avec une législation et une administration complexes" et une crise de confiance, les médias et la société ne reflétant pas toujours la réalité du terrain, nous explique-t-elle. "Tout ceci génère aussi une crise de stress", ajoute-t-elle.

Pour le bourgmestre de Lierneux, Fabrice Léonard, la politique agricole européenne n'est pas étrangère à cette crise. La volonté de cette politique commune de "produire à outrance" aurait eu diverses répercussions: "investissements, emprunts importants, primes, production unique mais démesurée, emploi de produits chimiques pour contrer la nature, dérèglements environnementaux, apparition d’évènements incontrôlables, effet "papillon" de certaines maladies...".

Pour lui, la solution reviendrait à produire moins, mais mieux : "Seules la diversification, la qualité et la diminution de la taille des exploitations permettront [aux agriculteurs] de pouvoir retrouver des revenus équitables et une qualité de vie soutenable", soutient-il. En 2016, une enquête menée par la société iVox auprès de 1 131 agriculteurs belges nous apprenait que 40% des agriculteurs gagnent moins de 1 000 euros par mois, quand ils déclarent travailler en moyenne 68 heures par semaine. Seulement 14% d’entre eux gagneraient plus de 2000 euros par mois.


"Une aide de pair à pair"

Ainsi, ce déploiement de solidarité sur le web et cette série d’initiatives veulent combler les dysfonctionnements du "système d’aide d’urgence en cas de détresse grave d’un agriculteur", qui ne fonctionne pas selon Louis Maraite.

Pourtant, Marianne Streel assure qu’il existe plusieurs solutions pour les agriculteurs en difficulté, à commencer par le groupe de soutien aux agriculteurs de l’UAW. Créé il y a une quinzaine d’années, le groupe propose aux exploitants qui le demandent la visite de deux agricultrices bénévoles, pour apporter leur aide.

Solitude, classement de papiers, accident, difficultés dans le couple ou entre les générations sur l’exploitation, les raisons peuvent être diverses. "Tout ce qu’on peut faire sur le terrain nous-mêmes on le fait. C’est une aide de pair à pair" nous explique-t-elle. Lorsque le domaine les dépasse, elles peuvent orienter les agriculteurs vers des spécialistes s’ils souhaitent être aidés. Le groupe de soutien compte ainsi une trentaine d’agricultrices bénévoles et formées, et enregistre environ 4 appels par semaine. "Depuis six mois on reçoit beaucoup plus d’appels, et depuis 3-4 mois les demandes sur le terrain sont en forte augmentation" reconnait la présidente.


Accompagnement psychologique, gestion, remplacements...

Il existe également Agricall, une organisation qui s’occupe "d’accompagner tout agriculteur en Wallonie et sa famille qui rencontrent des difficultés d’ordre technique, juridique, psychologique ou social dans la gestion de sa ferme", peut-on lire sur le site internet. L’organisation propose ainsi un soutien psychologique, et compte aussi Finagri, une "cellule d’appui à la gestion financière", mise en place récemment, et qui aurait l’avantage d’intervenir beaucoup plus rapidement, nous dit Marianne Streel. Enfin, les agriculteurs ont la possibilité de faire appel à un service de remplacement agricole, en cas de maladie, d’accident, ou même de vacances. Ce service, payant, s’occupera d’envoyer des agents de remplacement sur la ferme, contre une cotisation de 200€ par an et la rémunération de l’ouvrier (cette rémunération varie en fonction du motif du remplacement, la durée, etc.). En dernier lieu, Mariane Streel évoque les syndicats : "un syndicat agricole ça n’est pas uniquement de la défense collective, c’est un également un soutien individuel à ses membres". Mais elle rappelle que le premier réflexe à avoir, avant de s’embourber dans une situation inextricable, est de discuter avec les gens de son entourage professionnel. "En cas de difficulté, la première chose à faire c’est de parler à son fournisseur ou à son banquier" dit-elle.


Prochain rendez-vous le 1er mai

Mathieu, quant à lui, bénéficiera certainement d’une autre démonstration de solidarité le 1er mai prochain. L’objectif de ce prochain rendez-vous : sortir les vaches dans le pré et réparer les clôtures qui en ont besoin. D’ici là, Louis Maraite compte sur la bienveillance des agriculteurs et fermiers environnants pour faire don de quelques ballots de paille et bottes de foin à l’éleveur.

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