D'après ce message sur Facebook, des islamistes ont tenté d'assassiner un archevêque orthodoxe à Bruxelles: il n'en est pourtant rien…

Ce genre de publication est courant sur les réseaux sociaux. Un texte provocateur, une image choc, un discours stigmatisant une communauté. Publiée le samedi 3 décembre, la publication a été partagée près d'un millier de fois et a suscité plus d'une centaine de commentaires, propageant ainsi un message trompeur.

Une citoyenne s'est laissé abuser. "Je suis choquée du silence médiatique à ce propos. Une tentative d'assassinat sur un représentant de l'église orthodoxe de Bruxelles!", nous a envoyé Stéphanie via le bouton orange Alertez-nous. Face à la publication, d'autres personnes ont rapidement douté de sa véracité: "Pardon mais là faut qu'on m'explique comment il s'est retrouvé archevêque en Belgique", a commenté Vadim.

Un représentant de l'église orthodoxe de Bruxelles? Une tentative d'assassinat? Une violente agression à caractère haineux et religieux? Le mélange est explosif... et pourtant, il ne s'agit que d'un pétard mouillé. Voici pourquoi.


Jean Abboud ne représente absolument pas l'église orthodoxe

Le message publié sur Facebook joue sur l'image mais aussi sur la prétendue identité de l'homme en question. Il s'agit de Jean Abboud. Dans la publication, il est présenté comme "Son Eminence Jean de Marie Abboud, Archevêque orthodoxe de Bruxelles et Vicaire pour les Chrétiens d'Orient". L'homme n'a pourtant rien à voir avec l'Eglise orthodoxe.

"Il n'est pas orthodoxe, il n'est pas archevêque, il n'a aucune fonction. Il peut se nommer comme il veut, mais ça ne va pas plus loin", explique le Métropolite Athénagoras de Belgique, c'est-à-dire le représentant officiel de l'église orthodoxe en Belgique. "Je l'ai rencontré une ou deux fois, il disait être d'une église catholique melkite. Il n'était pas orthodoxe. Il disait vouloir devenir orthodoxe, mais il n'y a jamais eu de suite", précise le Métropolite Athénagoras.

En réalité, l'homme a été excommunié de l'Eglise grecque catholique le 29 août 2015, comme l'indique L'Orient le jour. Une sanction que Jean Abboud conteste. En 2015, l'individu a créé sa propre église à l'avenue Charles Woeste, à Jette, avant de créer une nouvelle ASBL en 2016 appelée l'Archevêché du Benelux de l'Eglise de l'Unité... une association qui n'est absolument pas reconnue par l'Eglise orthodoxe officielle.

Parallèlement à son parcours religieux, Jean Abboud a été incarcéré en France pour une affaire d'escroquerie entre mars et avril 2016. La justice française le soupçonne d'avoir volé 326.000 euros à un retraité dépressif, comme l'explique La Croix. En Belgique, l'homme est aussi poursuivi pour d'autres faits d'escroquerie.


Tentative de vol selon le parquet

L'un des éléments les plus frappants de la publication Facebook est l'image. À gauche, un homme porte une tenue religieuse et arbore la croix chrétienne sur son costume. À droite, vraisemblablement le même homme, mais cette fois couché sur un lit d'hôpital, présente un visage ensanglanté.

Sans pouvoir confirmer la véracité de la photo supposément prise à l'hôpital, l'homme a bien été agressé. "Nous pouvons vous confirmer qu’un dossier a été ouvert suite à des faits de vol avec violences survenus vendredi 2 décembre vers 18h à Jette. La victime est J.A.", explique le parquet de Bruxelles. "Dans l’intérêt de l’enquête, qui est secrète, nous ne pouvons pas vous donner plus d’informations à ce sujet actuellement", ajoute la cellule communication du parquet.

La justice ne fait donc aucunement référence à une attaque à caractère religieux et encore moins à un attentat islamiste. En matière de terrorisme, c'est le parquet fédéral qui est compétent, et il n'intervient pas dans ce dossier. D'ailleurs, Jean Abboud a été interrogé par nos confrères de la RTBF, et lui-même ne parle pas d'attaque islamiste. "Je ne souhaite pas évoquer des mobiles plus affolants car je ne pense pas que cela soit le cas", a-t-il précisé.

Du côté de l'Eglise orthodoxe, une source nous laissait entendre que l'agression serait plutôt liée à des problèmes financiers.

 
Dans son témoignage à nos confrères, Jean Abboud parle cependant d'une tentative de meurtre et d'un acte prémédité. Deux hommes auraient pénétré chez lui et l'auraient violemment frappé. Un troisième homme les aurait rejoints. Un témoin aurait entendu les agresseurs affirmer vouloir tuer Jean Abboud. La victime a finalement pu s'échapper et sortir dans la rue pour appeler à l'aide, provoquant la fuite de ses agresseurs.


Jean Abboud prétend avoir reçu un message de sympathie du pape

Selon Jean Abboud, il a un nez cassé et des hématomes. Sur Facebook, où il se présente comme "Son Eminence Jean Abboud", il affirme que le pape François lui a fait part de sa préoccupation et souhaité un prompt rétablissement.

Mais la publication est fausse. Le compte s'appelle "The Pope", ce qui n'est pas du tout le compte officiel du Souverain Pontife... car François n'a pas de compte Facebook. Le pape est présent sur Twitter ou Instagram, mais pas du tout sur Facebook.


Conclusion

Une agression s'est bien déroulée le vendredi 2 décembre à Jette en début de soirée. Cependant, au contraire de ce que prétend le message publié sur Facebook, elle ne ciblait pas un éminent représentant de l'église orthodoxe. L'acte ne serait pas non plus à caractère terroriste.

L'enquête pourra mener la police vers de nouvelles pistes, mais à l'heure actuelle, rien ne permettait à la page "Assyro chaldéen l'histoire continue" de laisser croire à une attaque islamiste. Son message a pourtant été relayé de nombreuses fois, et a provoqué son lot de réactions haineuses sur le réseau social.

@David Fourmanois