Accueil Actu

Menaces de mort, enfant tabassé à l'école, insultes: ces acteurs de l'affaire Dutroux racontent ce qu'ils ont subi

Dans la tourmente de l’affaire Dutroux, la Justice a été souvent décriée et critiquée. Parfois à raison, parfois à tort. Vingt ans plus tard, ces acteurs du dossier ont gardé des souvenirs amers de cette tempête. Eric Van Duyse les a rencontrés, pour le RTLINFO 19H.

1995: dans la tourmente des disparitions, la crainte s’installe sur la Belgique. Le pays a peur pour ses enfants. Durant plus d’une année, nous allons tous vivre et espérer avec les parents de Julie et Melissa. Un espoir anéanti en août 2006: la Belgique découvre alors Marc Dutroux. Avec lui, l’innommable a un visage, et pour beaucoup il focalise la haine. Une colère qui parfois va se tourner contre ceux qui symbolisent la Justice. Aujourd’hui encore, ils s’en souviennent.


La fille de l’avocat de Dutroux frappée à l’école

"Je peux dire qu'en tout cas les deux premières années ressemblaient à s’y méprendre à l’enfer pour un avocat. Mes proches étaient sans cesse soumis à des mesures de représailles. Par exemple, ma mère, qui était déjà assez âgée, voyait sa façade barbouillée d’inscriptions on ne peut plus malveillantes. Ma petite fille, qui avait l’âge de Melissa et qui se prénomme Marlène, on l’appelait Marlène Dutroux. On lui cassait la figure, commotion cérébrale et hospitalisation, dans une cour de récréation à l’école primaire, sous les yeux d’une surveillante qui ne pipait mot et qui n’intervenait pas", confie Julien Pierre, avocat de Marc Dutroux de septembre 1996 à janvier 2003.


Nihoul : la tête du coupable

Un autre visage apparaît : celui de Michel Nihoul, très vite la justice à la conviction qu’il n’a rien à voir avec l’affaire Dutroux. Mais pour la foule, il a la tête du coupable. "Chaque fois qu’on parlait de Monsieur Nihoul, on remettait la même face, où il avait été tabassé. Donc il passait vraiment pour un repris de justice, pour un ignoble personnage", explique Anne Thilly, ancienne procureur général de Liège.


Des menaces de mort tous les jours

Michel Nihoul, à l’époque, a un jeune avocat. Aujourd’hui, il a 47 ans, il sort d’une longue maladie. Lui aussi s’est trouvé au cœur de la tempête. "Il y avait des menaces de mort tous les jours, par courrier, par téléphone, les insultes dans la rue, dans les restaurants. Je dirais qu’aujourd’hui encore, il y a des gens qui n’ont tellement pas avalé l’arrêt d’acquittement que je les subis encore", explique Frédéric Clément de Clety.


Aujourd’hui, on parlerait de "Bashing"

A l’époque, les magistrats aussi sont ciblés. L’une d’entre eux en particulier, Martine Doutrewe. Elle est alors juge d’instruction, son contact avec les parents n’est pas facile, mais son rôle lui impose l’impartialité. Aujourd’hui, elle est décédée. Pour ses proches, les attaques ont précipité sa maladie. "Aujourd’hui, On parlerait probablement de 'Martine Doutrewe Bashing'. Elle a focalisé sur sa personne toute une série de ressentiments sur l’institution de la Justice", explique Guy Wolf, veuf de Mme Doutrewe.


René était le premier à descendre dans la cache, sans y trouver Julie et Melissa

Dernier visage, celui d’un gendarme, René Michaux, le premier à être descendu dans la cache, sans rien y trouver. Julie et Melissa y étaient toujours. Accusé de toutes parts, et rongé par les regrets, lui aussi est décédé. Pourtant il est l’un de ceux qui a fait le plus progresser l’enquête. "Lorsque Dutroux a été interpellé le 13 août 1996, les enquêteurs de Neufchâteau vont aller perquisitionner à la route de Philippeville, à Charleroi, à ce moment-là se trouvent dans la cache Sabine Dardenne et Laetitia Delhez. Et les enquêteurs de Neufchâteau, que tout le monde a portés aux nues, en disant que c’étaient les meilleurs policiers du monde, se trouvent exactement dans la même position physique que Michaux, avec deux jeunes filles qui sont également dans cette cache, et les enquêteurs de Neufchâteau ne trouvent pas", explique Jean-Philippe Rivière, avocat de René Michaux.

Beaucoup d’autres acteurs du dossier ne veulent plus parler. Par honte, par dégoût, parce qu’ils ont tourné la page, ou simplement parce qu’ils ont trouvé aujourd’hui un anonymat, dont ils ne veulent plus sortir.

À la une

Sélectionné pour vous