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L’inviolabilité du roi pourrait voler en éclats avant sa mort: voici comment

Marc Uyttendaele, avocat et constitutionaliste, a détaillé un point de vue différent de l’autre constitutionnaliste du plateau, le sénateur cdH Francis Delpérée, lui-même soutenu par le sénateur Armand De Decker (MR). Finalement, si l’inviolabilité du roi pourrait tomber sur décision d’un juge, ce qui serait théoriquement possible, les chances pour que cela arrive sont quasi nulles. Voilà pourquoi il faudra peut-être attendre la mort d'Albert II pour que Delphine Boël puisse faire valoir ses droits.

Marc Uyttendaele a commencé par défendre le bon droit de Delphine Boël. "On est dans un état de droit, il y a des tribunaux, il y a du droit positif. Et n’importe qui, qui pour une raison ou pour une autre, a le sentiment de devoir passer par une action en justice pour obtenir satisfaction, y a droit." Et d’enchaîner en dénonçant le procès d’intention "malsain" fait à la jeune femme. "Il y a une égalité qui est consacrée par la Cour européenne des droits de l’homme entre enfants naturels et illégitimes. C’est une égalité qui vaut à la fois sur le plan de la filiation et aussi sur le plan économique. Ça n’a rien de choquant. Je peux comprendre que quelqu’un qui se dit l’enfant de quelqu’un d’autre demande l’ensemble des droits qui sont la conséquence de cette filiation. Et il y aurait quelque chose d’assez malsain, et je trouve que le débat public l’est à cet égard, à essayer de dire que c’est pour des raisons matérielles, parce qu’elle souhaiterait un héritage (qu’elle introduit son action en justice, ndlr). Si elle est la fille naturelle d’Albert II elle y a droit et le débat n’a pas lieu d’être."

Un juge a le droit de faire voler l'inviolabilité du roi en éclat

Selon lui, c’est justement grâce au fait que le droit européen est supérieur au droit belge que voir sauter l’inviolabilité du roi dans ce cas-ci est imaginable. "La jurisprudence a évolué et une action qui était peut-être vouée à l’échec il y a encore quelques années ne l’est plus aujourd’hui. (…) Le roi est absolument irresponsable et l’article 88 de la constitution interdit d’engager sa responsabilité. Mais, tous les jours en Belgique, des juridictions écartent du droit belge parce qu’il est contraire à du droit supérieur. Comme droit supérieur, il est incontestable qu’il y a la convention européenne des Droits de l’Homme. Il est parfaitement concevable, même si je ne sais pas si les juges le feront, qu’un juge belge considère qu’un obstacle à la réalisation de cette égalité entre enfants naturels et enfants légitimes, doit être écarté. L’article 88 constituant cet obstacle et l’inviolabilité du roi constituant cet obstacle. Je vous dis que c’est juridiquement possible. Et ça seront les convictions profondes des magistrats appelés à connaitre cette affaire qui vont les amener à faire une application stricte du droit interne ou faire une application qui fait primer le droit international."

Mais jamais un juge n'osera...

Ce à quoi Armand De Decker a répondu : "Ce que vous dites n’a pas beaucoup de sens. Parce que pourquoi l’inviolabilité de la personne du roi existe-t-elle ? Pour protéger sa fonction. Si un précédent comme celui que vous évoquez existait un jour, toutes sortes de pressions, créées de toutes pièces, de procédures internationales, d’actions en justice, pourraient dès lors dans la même logique, suivre et vider le principe de l’inviolabilité de la personne du chef de l’Etat, qui est d’ailleurs applicable en république comme en monarchie et qui est une évidence. C’est pour protéger la fonction, rendre toute pression sur la personne du roi impossible. Vous pouvez rêver, mais il n’y aura jamais un juge qui pourra contrer cela, jamais", assurait le sénateur MR.

Le roi pourrait tuer Di Rupo de ses mains sans être inquiété

Et M. Delpérée d’ajouter : "Je comprends les réflexions de mes collègues quand on parle de distinctions d’enfants. Le problème n’est pas celui de la distinction entre enfants qui est soulevé derrière la règle d’inviolabilité du roi. Un vieux juriste britannique du 19ème siècle, qu’est-ce qu’il disait ? Si la reine tue de ses propres mains son Premier ministre, elle ne pourra jamais comparaitre devant un tribunal. Pour toute infraction commise par le roi, il y a cette règle de l’inviolabilité."

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