Accueil Actu

Secteur de l'agriculture en crise: "Il faut que le lait soit vendu à un prix convenable"

René Collin, Ministre wallon en charge de l’Agriculture (cdH), était l’invité de Bel RTL ce matin. Il y a notamment déclaré être favorable à une augmentation du prix du lait dans les supermarchés.


Antonio Solimando (Bel RTL): Soyons concrets, ça veut dire qu’il faut augmenter le prix du lait dans les supermarchés ?

René Collin: "Ca veut dire, en tout cas, que l’agriculteur doit avoir le prix qui lui revient pour sa matière première. Et ça veut dire aussi que, dans certains cas, les supermarchés ne doivent plus considérer le lait comme un produit d’appel, banalisé, qu’on vend à peine plus cher que l’eau... Je pense que le consommateur est adulte. On ne lui demande même pas une forme de civisme parce qu’il a compris l’importance de la matière première et je pense qu’il mesure l’enjeu de société qu’est la défense de l’agriculture de qualité. Il faut donc que le lait soit vendu à un prix convenable."

Antonio Solimando (Bel RTL): Dites-le clairement, êtes-vous favorable à l’augmentation du prix du lait dans les supermarchés ?

René Collin: "Ça peut passer par une augmentation du prix du lait et, en tout cas, ça doit passer par une meilleure transparence entre la part du prix qui revient au producteur, à l’industrie et au distributeur."

"La Commission européenne doit reconnaitre qu’elle s’est trompée"

Le Ministre wallon en charge de l’Agriculture (cdH) a accusé la Commission européenne de s’être trompée quant à la suppression des quotas laitiers.

Antonio Solimando (Bel RTL): le prix du lait, des viandes de porc, notamment, sont trop bas. Les agriculteurs vendent à perte. Les différents mécanismes d’aides qu’on a mis en place depuis l’été dernier, essentiellement des aides financières, ça n’a pas suffi, ça n’a pas servi ? 

René Collin: "On le dit depuis le début. On dit à l’Europe que la suppression des quotas laitiers, c’était évidemment une mauvaise chose, surtout qu’on n’a pas mis de solution de remplacement. La Commission européenne a dit qu’elle faisait confiance au libéralisme, confiance au marché,... Elle est maintenant dans le mur, elle doit reconnaitre qu’elle s’est trompée, elle doit venir avec des mécanismes de régulation. Lorsqu’on a une augmentation de la croissance de la consommation, et tant mieux, mais que la croissance de la production est plus importante, il faut qu’on prenne des mesures de régulation. Il faut qu’à un moment donné, lorsque le marché est saturé, on puisse amener à une réduction de la production. Les Hollandais, en 2015, ont accru leur production de 6%, alors que la consommation a été, au niveau mondial, d’un peu plus d’1,5% en hausse. Ça ne peut évidemment pas nous amener à réguler seul, au niveau wallon par exemple, il faut que des mesures soient prises au niveau européen. C’est de cela aussi que je veux discuter avec les associations professionnelles."

"L’Europe doit considérer l’agriculture comme un domaine spécifique"

Le Ministre wallon en charge de l’Agriculture (cdH) a notamment évoqué les 500 millions d’euros d’aide d’urgence pour les agriculteurs débloqués par la Commission Européenne. Une somme répartie sur 28 pays qui est insuffisante selon lui.

Il y a eu 500 millions d’euros débloqués par la Commission européenne, ça parait énorme et ça n’a pas suffi à ramener le prix du lait à des niveaux suffisants pour que l’agriculteur y gagne quelque chose. Il continue à perdre sur le prix du lait au litre vendu.

René Collin: "On l’avait dit, c’était insuffisant, c’est sur les 28 pays. Pour la Wallonie, ça a représenté 4.815.000 euros et c’était déjà un effort conséquent du gouvernement wallon de venir amener le même montant au surplus. On est d’ailleurs la seule région belge à l’avoir fait. Et on est sans doute la seule région d’Europe à avoir même mis l’équivalent du montant qui nous était alloué."

Donc ça fait 9 millions au total pour les agriculteurs wallons, ça n’a servi quasi à rien ?

"Je ne vais pas dire que ça n’a servi quasi à rien."

On a monté le prix du lait de 0,25€ à 0,30€ le litre, alors que ça coûte 0,40€ minimum pour en produire...

René Collin: "Sans oublier des aides ponctuelles et ciblées qui ont été données notamment aux jeunes producteurs, parce que je pense que c’est très important d’assurer leur avenir. De manière plus fondamentale, on le dit depuis le début, c’est un problème structurel. Et donc l’Europe doit accepter au niveau politique de considérer que le problème est structurel et donc venir avec des mécanismes qui vont contrecarrer le libéralisme effréné dans lequel, pour l’instant, elle fait aveuglément confiance."

Votre président de parti au cdH, Benoit Lutgen, avait proposé de faire une exception, donc de protéger les agriculteurs. Ça en est où de cette proposition, était-ce un effet d’annonce ?

"Ce n’était pas un effet d’annonce. C’est d’ailleurs une conviction qui nous est forte. On pense que dans les négociations internationales, l’Europe a aussi beaucoup à perdre dans le TTIP (Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement) et on veut absolument que l’Europe considère l’agriculture comme un domaine spécifique, protégé. Il ne s’agit pas d’un enjeu sectoriel mais d’un enjeu de société. La défense de nos agriculteurs, ce n’est pas la défense d’une catégorie professionnelle. C’est un modèle de vie, un modèle de société que l’on veut défendre, une agriculture de qualité, de proximité qui entretient aussi une des plus belles régions d’Europe. On y tient et on va continuer à la défendre."

À la une

Sélectionné pour vous