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Sur Facebook, le MR affirme que Charles Michel a créé 105.000 emplois: vrai ou faux?

Les partis politiques utilisent régulièrement les réseaux sociaux pour diffuser leurs idées et leurs outils de propagande. Parmi ce flot d'informations (plus ou moins vraies), une vidéo publiée par le MR a retenu notre attention. "Plus de 100.000 emplois créés grâce au gouvernement Michel", annonce fièrement la vidéo de deux minutes. Très dynamique et préparée avec soin, elle comptabilise plus de 130.000 vues sur Facebook.

Le parti libéral affirme que l'action du gouvernement Michel a permis de créer 105.000 emplois entre la fin 2014 et la fin 2016. Soit entre l'entrée au pouvoir de Charles Michel et l'année dernière. Mais peut-on croire sur parole le Mouvement Réformateur?


Un chiffre correct

Le chiffre de 105.000 emplois supplémentaires entre fin 2014 et fin 2016 est correct. Il vient de la Banque nationale de Belgique. "C'est un organisme indépendant et sérieux, dont les données sont envoyées à Eurostat, l'organe de la Commission européenne chargé des statistiques. Il n'y a pas de théorie du complot à avoir à ce niveau-là. Le chiffre est fiable", nous indique Philippe Ledent, économiste chez ING.


Des emplois créés par Charles Michel? "C'est trompeur"

S'il y a bien eu 105.000 emplois en plus en deux ans, cela ne signifie pas que c'est forcément grâce au gouvernement Michel. "Vouloir attribuer la création de ces emplois à l'action du gouvernement fédéral, c'est trompeur", commente Muriel Dejemeppe, économiste et professeur à l'UCL. "De nombreux facteurs déterminent l'évolution de l'emploi en Belgique. En particulier dans un pays qui est très ouvert aux échanges extérieurs. Des facteurs comme la santé économique des pays voisins ont un rôle prépondérant dans l'évolution de l'emploi. Tout comme l'action des gouvernements régionaux", explique-t-elle.


La Belgique: une économie très dépendante de ses voisins

Preuve que notre pays est très dépendant de ses voisins, environ 75% des exportations belges sont destinées aux pays européens. "Si l'économie européenne se porte bien, de nouveaux débouchés vont s'ouvrir à la Belgique, et lui apporter de la croissance économique, et donc de nouveaux emplois", précise Muriel Dejemeppe.

Pour l'économiste de l'UCL, c'est surtout la bonne santé de nos voisins qui a permis de créer ces nouveaux emplois en 2015 et 2016. "Le gouvernement Michel s'est mis en place fin 2014, dans une phase de redressement de l'économie européenne, après deux années de croissance atone. L'évolution de l'emploi en Belgique depuis fin 2014 est donc, avant tout, la conséquence de la relance de l'économie européenne", explique Muriel Dejemeppe.


Des emplois ont aussi été créés chez nos voisins… et parfois plus

La Belgique n'est d'ailleurs pas le seul pays européen à avoir connu une augmentation du nombre d'emplois. "Par rapport aux trois pays voisins, Pays-Bas, France et Allemagne, on est dans le peloton. Il n'y a pas de grande spécificité de l'économie belge par rapport aux autres pays, que ce soit en terme de croissance économique ou d'évolution de l'emploi", détaille Philippe Ledent.

D'après les comptes nationaux de chaque pays, l'emploi a progressé de 2,7% aux Pays-Bas et de 2,5% en Allemagne. En Belgique, le pourcentage est de 2,3%. Une augmentation qui se situe bien dans la moyenne de ses voisins, tout en étant légèrement inférieure.


"Une partie des emplois provient des mesures du gouvernement précédent"

Dans sa vidéo, le Mouvement Réformateur fait une analyse trop simpliste. En résumé, le parti estime que si 105.000 emplois ont été créés en 2015 et 2016, c'est à mettre sur le compte du gouvernement en place durant cette période. Pourtant, il faut rappeler que le gouvernement Michel n'a mis en place sa réforme fiscale, le fameux "tax shift", qu'à la fin 2015. "Et il faut savoir que la majorité des dépenses prévues pour le tax shift n'avaient pas encore été engagées au terme de l'année 2016. Donc, si ces mesures ont des effets sur l'emploi, ils ne se matérialiseront seulement dans les années à venir", précise Muriel Dejemeppe.

"Comme l'effet de nouvelles mesures ne se ressent généralement qu'après 2 ou 3 années sur le marché du travail, on peut aussi penser qu'une partie des créations d'emplois observées dans les années récentes provient encore de mesures qui avaient été mises en place par le gouvernement précédent, dans le cadre notamment du pacte de compétitivité", explique l'économiste de l'UCL.

L'effet du tax shift ne se ressentira pleinement que dans les mois et les années qui viennent. Pour 2016, les conséquences sur l'emploi seraient plutôt limitées. "Les seules estimations qu'on a sur l'effet du tax shift sur la création d'emplois en 2015 et 2016 proviennent des projections de la Banque nationale de Belgique et du Bureau du plan. Ils prévoyaient de l'ordre de 6.000 emplois supplémentaires en 2015 et 2016. On est très loin des 100.000 emplois créés sur cette période", ajoute Muriel Dejemeppe.

Notons que le MR n'a pas tardé à réagir à la publication de cet article. Le responsable de la cellule communication nuance cette prise de position. "Il est réducteur de ne citer que le tax shift: toute une série de mesures ont été prises par le gouvernement pour soutenir les entreprises, soutient Gaëtan Vanhove. Par exemple, les mesures de simplification administrative ou bien la mesure "zéro cotisation" pour le premier emploi. Tout cela a permis aux entreprises d'aller mieux et de créer de l'emploi".


Quelles régions enregistrent le plus de nouveaux emplois?

Pour terminer, nous pouvons également nous demander où ces emplois ont été créés en Belgique. D'après les statistiques, les 105.000 emplois créés se répartissent uniformément entre les trois régions. Un tiers pour la Flandre, un tiers pour Bruxelles, et un tiers pour la Wallonie. Mais étant donné que Bruxelles et la Wallonie ont une population plus faible, la conclusion est que la croissance a été plus forte dans ces deux régions qu'en Flandre.

David Fourmanois

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