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Islam en prison : "La plupart des détenus se convertissent pour avoir la paix"

Le personnel des prisons françaises est confronté depuis longtemps à des détenus qui désirent se convertir à l'islam. Le phénomène n'est pas nouveau mais il fluctue, selon un surveillant interrogé par le journal Le Monde. Pour lui, l'islam est même "une sorte de mode". Pour un ancien détenu, c'est un mouvement à suivre pour "faire partie de la bande". En France comme en Belgique, deux éléments récurrents sont soulignés: des prisonniers en manque de repères et la demande d'encadrement par un personnel adapté.

Pour Emmanuel Guimaraes, un surveillant pénitentiaire français interrogé par le journal Le Monde, le rejet de l’autorité par les détenus qui se disent musulmans est loin d’être un fait totalement nouveau. Le surveillant a remarqué durant sa carrière des fluctuations en fonction de l’actualité, comme par exmple à la mi-2014, lors du regain de tensions dans le conflit israélo-palestinien.

 
Devenir "musulman" pour avoir la paix

Les reconversions et la radicalisation ne sont pas rares dans le milieu carcéral. C’est en tout cas ce qu’a remarqué Emmanuel Guimaraes, qui avance même que "l’islam est une sorte de mode". Pourquoi tant de reconversions ? Selon Le Monde, qui reprend les propos du surveillant, les raisons sont multiples. Certains disent faire le ramadan pour bénéficier de dîners plus copieux, d’autres sont juste en colère.

Mais la raison principale pour laquelle les détenus entament une reconversion serait simplement le fait qu’une fois "musulmans", ils obtiennent une certaine paix au quotidien.


"Faire partie de la bande"

L’ancien détenu Franck Steiger confirme les propos du surveillant. Après avoir passé six années de détention dans huit prisons différentes, il a pu constater qu’étant non-musulman, il faisait partie d’une "minorité" au sein des détenus. "Les musulmans ont le monopole. Alors, pour ne pas avoir de problèmes et être protégés, beaucoup se convertissent, pour faire partie de la bande", raconte l’ancien détenu au journal Le Monde.


Une barbe et un crâne rasé

Selon lui, "le manque de respect, les violences, les mesures de rétorsion, tout ça, ça provoque la haine" et l'envie de se tourner vers la religion. Franck Steiger aurait été "approché" par des musulmans mais ne s’est jamais tourné vers ces groupes. Pourtant, d’autres empruntent ce chemin. Ils changent mentalement, et physiquement. Une barbe pousse, le crâne est rasé, leurs fréquentations ne sont plus les mêmes.


Manque de repères

Richard Payet, surveillant à la maison centrale d'Ensisheim avance que de cette façon "ils se créent une nouvelle famille." Une fois de plus, c’est le manque de repères de certains détenus qui est souligné comme une des causes des reconversions et parfois, de radicalisation. Un encadrement est donc nécessaire pour éviter les dérives.

Pour M. Chaoui, aumônier pénitentiaire en Ile-de-France, des "contaminations" proviennent d’ "imams autoproclamés". L’homme pointe du doigt l’absence ou le manque de référent musulman dans les prisons. "Les jeunes cherchent des réponses et pensent parfois les trouver dans des idées qui n’ont rien à voir avec le culte musulman."

M. Chaoui regrette une certaine "exagération médiatique" du phénomène. Pour lui, certains cas "relèvent plus de la psychiatrie que de l'islamisme. Les radicaux sont très peu" et ne représentent pas les musulmans de France.

 
Répartir les détenus belges de manière "judicieuse"

En Belgique, les informations demeurent floues quant à l'étendue du phénomène, et les différents acteurs du milieu carcéral ont des conceptions parfois divergentes de la réalité. Le ministre de la Justice, Koen Geens, annonçait mi-janvier vouloir effectuer une "répartition judicieuse" des détenus entre les différentes prisons du pays, prenant en compte les risques de radicalisation religieuse. Un appel relayé ensuite par le Premier ministre Charles Michel devant la Chambre, faisant également référence au danger que représentent les détenus influençables lorsqu'ils sont à la merci de djihadistes prosélytes.


Ne pas minimiser, ne pas exagérer

Le monde politique belge a pris le problème de la radicalisation dans les prisons à bras-le-corps, mais le phénomène demeure pourtant assez mal connu. "Nous disposons de très peu d'informations à ce sujet", indique Delphine Paci, président de la section belge de l'Observatoire international des prisons. "Il y a effectivement une série de personnes incarcérées pour djihadisme, mais elles sont le plus souvent placées sous un régime strict et isolées des autres détenus", observe-t-elle. "Il ne faut pas minimiser le phénomène, mais pas le monter en épingle non plus."


Demande de conseillers religieux

En Belgique aussi, on déplore le manque de conseillers religieux en milieu carcéral. Ceux-ci pourraient effectivement jouer un rôle positif dans la résolution de ce problème, notamment lorsqu'il concerne des personnes issues de milieux défavorisés et/ou peu instruites.

Selon un aumônier de confession musulmane, il n'y a actuellement que huit conseillers islamiques pour les seize établissements pénitentiaires de Wallonie et de Bruxelles. "Nous sommes débordés", a-t-il indiqué à l’agence Belga sous couvert de l'anonymat. "Idéalement, il nous faudrait pouvoir nous entretenir deux à trois heures avec les détenus en situation difficile. Mais nous devons nous contenter d'une demi-heure à une heure dans la plupart des cas."

 
Les mauvaises influences ne sont pas seulement religieuses

Didier Breulheid, délégué permanent CSC Services publics, estime qu'il y a des détenus ayant des profils à risque. Si un meilleur encadrement est nécessaire, augmenter le nombre de conseillers religieux ne constitue pas la panacée non plus. "Il y a des bons aumôniers, et des moins bons...", concède-t-il, ajoutant que les nouveaux conseillers doivent notamment obtenir une agrégation de la Sureté de l'Etat.

Le risque qu'un détenu bascule dans le radicalisme est réel, mais la mauvaise influence sur les détenus n'est pas exclusivement religieuse. "Des détenus entrent pour des délits mineurs et côtoient des criminels d'une autre envergure, avec pour conséquence qu'ils peuvent récidiver de pire manière plus tard", conclut le délégué syndical.

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