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Attentats à Bruxelles: un constat "sévère" pour les services de renseignement

La commission d'enquête sur les attentats a présenté ce matin son rapport sur les structures de sécurité. Les parlementaires ont essayé de comprendre pourquoi on n'a pas pu arrêter les terroristes avant le 22 mars. La commission a remis des recommandations pour améliorer le fonctionnement des services de renseignement, de police et de justice. Mais que vont-elles devenir?

La commission d'enquête sur les attentats terroristes a constaté des dysfonctionnements dans l'architecture de sécurité belge qui n'ont pas permis de démanteler à temps le réseau terroriste impliqué dans les attentats de Paris et de Bruxelles, ressort-il des conclusions qu'elle a présentées jeudi à la presse.

"La Belgique n'est pas un Etat défaillant", insiste la commission. Dans les années 2000, elle a pris des mesures concrètes pour lutter contre le terrorisme et le radicalisme et a joué un rôle de pionnier dans l'échange européen et international d'informations. "La commission constate toutefois certains dysfonctionnements au niveau de l'architecture de la sécurité, à la suite desquels on a raté l'occasion de démanteler à temps le réseau terroriste en question", dit-elle. La commission pointe du doigt la mobilisation insuffisante ou inefficace de certains moyens, l'isolement ou l'insuffisance de la coopération et de l'échange d'informations au sein des services judiciaires, de sécurité et de renseignement, des procédures et une réglementation inefficaces, une coopération internationale limitée et l'absence d'approche intégrée. La commission formule plusieurs recommandations, dont la nécessité pour les différents services d'évoluer vers une "véritable chaîne de sécurité", un échange d'informations et une collaboration plus intensifs, une utilisation plus efficace des moyens humains et financiers, notamment un renforcement du budget là où cela s'avère nécessaire.


"Le constat est sévère pour les services de renseignements"

De manière générale, la commission s'attache à la gestion de l'information. Dans la période qui a précédé le 22 mars 2016, les services disposaient d'une multitude d'informations concrètes mais celles-ci n'ont pas été utilisées de façon optimale. "L'absence d'une culture du partage de l'information constitue la principale lacune", dit la commission qui vise aussi bien la prolifération des banques de données que l'"infobésité" ou l'absence d'analyse de certaines informations. Il est recommandé de créer une "banque-carrefour sécurité" entre les différents services. "Le constat est sévère pour les services de renseignement: on ne savait pratiquement rien et ça n'est pas acceptable", a souligné l'une des commissaires, Laurette Onkelinx (PS).

Selon la commission, les deux services -Sûreté de l'Etat et les renseignements militaires du SGRS- manquent cruellement de moyens si on les compare avec leurs homologues étrangers. Leur mode de fonctionnement est également remis en cause, en particulier la collaboration insuffisante. "Il faut l'imposer en changeant les structures", a ajouté la députée. La commission plaide pour un déploiement plus important des agents sur le territoire et un travail de concert avec les polices judiciaires, l'OCAM et autres services dans le cadre de "joint intelligence centre". A l'étranger, il serait bon que des les services de renseignement intègrent certaines ambassades.


Un manque de policiers

Un manque d'effectifs policiers est également visé. A l'heure actuelle, le cadre de la police fédérale n'est pourvu qu'à 11.000 emplois sur 13.500. Il doit être complété, demande la commission. Le fonctionnement des cinq polices judiciaires fédérales en charge du terrorisme doit être optimisé tandis que la DJSOC-Terro, la section terroriste de la direction générale de la lutte contre la criminalité organisée, doit être réorganisée afin qu'elle joue pleinement le rôle d'appui des autres services. La commission recommande par ailleurs une certaines souplesse dans la capacité de recherche affectée par les polices judiciaires au parquet fédéral.

A côté des "joint intelligence centre", la commission recommande la création de "joint decision centre" dans les cinq arrondissements des PJ en charge du terrorisme afin d'organiser une concertation hebdomadaire associant la police fédérale, les renseignements, l'OCAM et le parquet pour mieux déterminer qui fait quoi dans quel dossier. "La séparation stricte entre la police, les services de renseignement et la justice est dès lors abandonnée et remplacée par une approche circulaire et collégiale".

Après l'épisode de l'arrestation en Turquie d'Ibrahim El Bakraoui, l'un des kamikazes de Zaventem, la commission veut également réformer l'exécution des peines. Il est demandé que le tribunal d'application des peines (TAP) motive davantage ses décisions lorsqu'il déroge aux avis du directeur de prison et du ministère public. Les libérés conditionnels coupables de faits de terrorisme devaient être soumis à une interdiction de voyage, sauf décision contraire du TAP.

Les recommandations de la commission présidée par Patrick Dewael sont nombreuses. Elles ont fait l'objet d'un consensus entre les groupes de l'opposition et de la majorité.

"Les Belges n'auraient pas compris qu'un peu plus d'un an après les attentats, le monde politique ne puisse se mettre d'accord pour améliorer le modèle", a expliqué Denis Ducarme (MR).


Le gouvernement fédéral affirme qu'il "poursuivra" le renforcement de la sécurité

Le premier ministre Charles Michel a salué jeudi l'"important travail" réalisé par les membres de la majorité et de l'opposition de la Commission d'enquête sur les attentats de Bruxelles qui a permis d'aboutir à un nouveau rapport intermédiaire sur le volet "Architecture de sécurité". Le gouvernement s'engage à "poursuivre les réformes" nécessaires afin de répondre à la menace terroriste et garantir la sécurité à l'ensemble des citoyens, selon un communiqué. Le gouvernement fédéral et le conseil national de sécurité analyseront rapidement et minutieusement les recommandations de la Commission d'enquête, ont-ils annoncé. Le gouvernement fédéral "travaillera main dans la main avec le Parlement pour renforcer notre arsenal législatif dans les matières qui le nécessiterait".

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