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Houda, refugiée syrienne à Liège depuis 3 ans: "La sécurité est la chose la plus importante"

HOUDA| 50 ANS | LIÈGE | ARRIVÉE EN JUIN 2013

Houda a traversé la mer entre la Turquie et la Grèce avec ses deux enfants, Abir, 2 ans à l'époque, et Abdallah, 16 ans. En Syrie, elle occupait une fonction d'assistante sociale à Qudsaya, une ville située à l’ouest de Damas, sous contrôle du régime de Bachar el-Assad. Cette mère craignait pour la vie de sa progéniture, c’est la peur qui l’a poussée à partir. Aujourd’hui, elle prend des cours de français et suit une formation de traductrice. Elle cherche à donner un bon avenir à son fils et sa fille avant tout, mais aussi aider les nouveaux arrivants qui ne s'expriment qu'en arabe.



Pourquoi as-tu quitté la Syrie ?

Je m’inquiétais beaucoup pour mon fils. Quelqu’un l’emmenait à l’école, il fallait franchir plusieurs check-points. Je sentais que les conditions allaient empirer à cause de la guerre. Je suis de nature peureuse et quand j’entendais les bombardements, avec ma fille qui n'avait que deux ans, je restais debout sans savoir où aller. Je me demandais quoi faire si une bombe tombait ici, je gardais son lit près du mien. C’est cette peur qui m’a poussé à quitter la Syrie.


Comment êtes-vous arrivés en Belgique ?

Nous avons gagné Lattaquié (est de la Syrie, au bord de la mer) avant de rejoindre la Turquie puis la Grèce. Je pensais que le passage par la Méditerranée se ferait dans un vrai bateau (rires), je ne m’attendais pas à l’embarcation dans laquelle nous avons dû grimper. On a pris le large par deux fois. Le premier jour nous avons échoué et fait demi-tour. Le second jour, je voulais juste arriver, je ne savais pas nager et j’avais ma fille qui était si petite, j’avais très peur.

Mon fils qui avait 16 ans a dû rester en Grèce et j’ai poursuivi le voyage seule avec ma fille: Rome en avion, la France et enfin le train jusqu’en Belgique.


Pourquoi la Belgique ?

J’étais en contact avec quelqu’un ici. J'ai songé que mes enfants pourraient y faire des études. Les Belges avaient la réputation d'être des gens simples et amicaux, ça m'a encouragé, j'ai pensé que mes enfants ne sentiraient pas qu’ils étaient expatriés.


Te souviens-tu du jour de ton arrivée ?

C'était à Bruxelles. J’étais très fatigué et ma fille aussi. Il faisait froid, je me sentais confuse, je ne sentais rien. Je ne savais pas à quoi m’attendre. Je ne savais pas où aller, je ne savais pas ce que c’était que la demande d’asile ou le nom des centres. J’ai appris tout ça au fur et à mesure.

Mon amie m’attendait à l’arrivée. Elle m’a dit comment aller au commissariat. Ce qui m’a aidé, c’est que je parlais un peu le français. Je l’avais un peu appris en Syrie, donc pour lire, demander ou lire les noms des rues, c’était plus facile

Nous sommes restés dans un centre après avoir introduit une demande d’asile. Mon fils nous a rejoints un mois plus tard. On a été déplacés vers un autre centre à Banneux pour 7 mois. Ensuite, nous avons pris la direction de Liège, et nous avons occupé deux logements sociaux, le premier à Seraing, le deuxième à Saint Léonard. Nous nous sommes définitivement installés dans une habitation à Liège en 2014, quand on a reçu nos papiers. C’est petit et tranquille ici. A Bruxelles, il y a beaucoup de gens et de bruits, et je suis par nature une personne qui aime le calme.



Qu’espérais-tu trouver ici pour toi et tes enfants ?

La sécurité est la chose la plus importante. On ne peut pas avoir peur tout le temps et les enfants doivent mener une vie normale. Mes amis en Syrie me racontent que parfois leurs enfants ne dorment pas à cause des bruits. On m'avait dit que l’Europe était dangereuse, que c’était risqué de sortir se promener, mais moi je n’ai jamais été confrontée à une telle situation, au contraire je peux sortir à tout moment.


Que fais-tu actuellement ?

Je cherche du travail et suis une formation d’interprète français-arabe. Et évidemment je continue à apprendre le français, je ne le maitrise pas suffisamment.


Que font tes enfants?

Mon fils fait des études d'infographie. Ma fille va à l’école primaire.


Ils parlent bien le français ?

Mon fils l’a bien appris. Il est inscrit à l’école depuis qu’on est au centre. Le problème est que quand tu es dans une école mixte avec d’autres personnes qui ont la même langue maternelle que toi, c’est compliqué d’apprendre le français. Par contre, ma fille, beaucoup plus jeune, a quasiment oublié l’arabe.



Qu'est-ce qui est mieux ici?

Autrefois on vivait en sécurité chez nous. Désormais c'est en Belgique que nous vivons en sécurité.

Ici, on accorde plus d’importance aux droits de l’homme. Si on nous avait traités en Syrie comme on nous traite ici, à mon avis on n’en serait pas là aujourd’hui. En Belgique, il y a des aides qui facilitent la vie des citoyens, on prend soin d'eux. Que demander de plus?


Vous recevez des aides ?

Oui, on vit avec les CPAS.


Ça suffit ?

Pas vraiment pour le début. On donne la même somme à une famille qu'à une personne isolée. Les prix ici ne sont pas donnés, si tu veux meubler ta maison par exemple. Là mon frère demande un regroupement familial, et les prix sont très élevés pour faire les demandes.

Il y a beaucoup de personnes inactives qui veulent travailler. Elles ont de l’énergie et de la motivation, mais on ne les aide pas assez à trouver du travail.


Tu penses quoi des Belges qui estiment qu'il faut d'abord aider les pauvres qui vivent ici avant d’aider les réfugiés ?

C’est normal, une personne aura plutôt tendance à approcher quelqu’un de son pays plutôt qu’un étranger. Néanmoins, le gouvernement ici n’abandonne personne.

En Syrie, pendant la guerre en Irak, tout le monde voulait aider les Irakiens, tout comme on avait aidé nos voisins libanais qui ont aussi connu des conflits. Mais ce sont des cas particuliers, généralement on aide plutôt d’abord les personnes de son pays.

Je n’aurais jamais imaginé tout qui se passe aujourd’hui en Syrie. Lorsqu’on accueillait les Irakiens, on se disait "Oh les pauvres". On ne peut jamais prévoir l’avenir. La guerre ne connait ni identité, ni race, ni pays.



Gardes-tu des contacts en Syrie, quelle est la situation là-bas ?

Le pays est fatigué. Il n’y a pas d’issue. La plupart des gens songent à partir, mais tous n’en ont pas les moyens. Il y a cette peur permanente, celle que ton fils ou ton mari sorte et ne revienne pas, celle de voir une bombe tomber lorsqu’on marche dans la rue. Le peuple vit dans la peur. Sans parler des coupures d’eau et d’électricité.

Après toutes ces années de guerre, tu ne reconnais plus ton voisin, celui que tu connais pourtant depuis 20 ans. Les choses ont beaucoup changé…


Te sens-tu intégrée ici ?

Depuis que je suis arrivée, l’ambiance est amicale, personne ne nous a fait sentir quoi que ce soit. On est à l’aise. Plusieurs personnes nous demandent notre origine lorsqu’on discute, et les personnes sympathisent avec nous. J’ai des amis qui ont été confrontés à certaines situations difficiles mais pas moi.


À quoi penses-tu le plus souvent?

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