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La réforme des titres et fonctions va encore changer: voici ce que prépare la ministre pour éviter des RENTRÉES RATÉES

Florine, 14 ans, est restée sans professeur de néerlandais pendant un mois à Chapelle-lez-Herlaimont. La raison? Une pénurie de professeurs dans le secondaire inférieur qui date de plus de 20 ans. Mais là où avant, les écoles pouvaient facilement demander à des professionnels non enseignants de donner cours, la réforme des titres et fonctions a fortement ralenti les procédures de recrutement. Une lenteur à laquelle la ministre Marie-Martine Schyns répond par des assouplissements, comme une inversion du système Primoweb. De plus, la réforme a créé une Chambre de la Pénurie qui tentera de résorber celle-ci, grâce aux statistiques désormais possibles grâce à l'informatisation.

"RENTRÉE RATÉE", c'est l'appellation, volontairement excessive dans sa formulation, que RTL info a décidé d'attribuer à ces élèves dont les deux premiers mois de l'année scolaire ont été caractérisés par de nombreuses heures de cours annulées faute d'enseignant. Ce sont leurs parents qui nous ont signalé cette anormalité via le bouton orange Alertez-nous. Nous n'avions pas reçu ce genre de témoignages au cours des rentrées précédentes. Même si la fameuse réforme des titres et fonctions ne peut expliquer tous les cas que nous vous relayons ce mardi (notamment celui de Tubize), elle n'a certes pas aidé les directions d'école à trouver rapidement des personnes pour les postes vacants. Sollicitée par notre rédaction, la ministre nous a détaillé plusieurs mesures d'assouplissement de la réforme par la voix de son porte-parole.


Notre série RENTRÉE RATÉE

1. Cet article - Florine, 2e secondaire à Chapelle-lez-Herlaimont (Hainaut): pas de prof de néerlandais, 6h à l'étude par semaine
2. Un garçon anonyme, 1e secondaire à Tubize: 5h de math en 6 semaines
3. Le fils de Marie-France, 3e secondaire à Schaerbeek: plusieurs profs manquants, 65 heures d'étude
4. Sophie, 35 ans, prof de religion et de puériculture: diplôme insuffisant selon la Réforme, ne peut plus enseigner

1. La réforme des titres et fonctions va encore changer: voici ce que prépare la ministre

"Ma fille Florine est en 2ème secondaire à l’implantation de Chapelle-lez-Herlaimont de l’Athénée provincial Warocqué de Morlanwelz. Depuis le début de l’année scolaire, elle passe 6 heures à l’étude par semaine car il n’y a pas de professeur de néerlandais disponible", nous dénonçait Laurence Willame début octobre via notre bouton orange Alertez-nous.

Selon nos sources, cette école est confrontée à deux problèmes. Il faut effectivement trouver un professeur de néerlandais pour toute l’année pour la classe de Florine, mais en plus, le remplacement pour 3 semaines d’un professeur de néerlandais malade pose également problème sur l’implantation principale de Morlanwelz.


La Communauté française manque de professeurs "depuis plusieurs dizaines d’année"

Pourquoi est-ce si difficile de trouver des personnes en Belgique pouvant enseigner la langue de Vondel à nos enfants? La raison, c’est la pénurie de professeurs de secondaire inférieur que connait la Communauté française depuis de nombreuses années. "Des professeurs de néerlandais ou capables d’enseigner, on n’en a aucun", déplore une source au sein de l'établissement, qui a souhaité rester anonyme.

Officiellement, selon la liste des métiers en pénurie disponible sur le site du Forem et mise à jour le 3 juillet dernier, il y a pénurie de professeurs du secondaire inférieur dans les branches suivantes:

- langues germaniques
- mathématiques
- français
- sciences (biologie, physique, chimie)
- sciences humaines (sciences sociales, éducatives, psychologiques)
- sciences économiques
- cours techniques.

"Et même en géographie, on a un mal épouvantable à trouver des professeurs", renchérit notre source. "Ceux qui font la géographie s’orientent vers de nouveaux métiers et ne veulent pas devenir enseignants." Aujourd’hui, l’Athénée de Morlanwelz redoute qu’un de ses professeurs de mathématiques tombe malade, car la situation serait aussi criante que pour le néerlandais.

Ces pénuries d’enseignants, "il y en a depuis toujours", confirme Eric Etienne, le porte-parole de la ministre de l’Enseignement Marie-Martine Schyns. "C’est constant depuis plusieurs dizaines d’années, et c’est effectivement pour les langues germaniques, les sciences et les math qu’il est le plus difficile de trouver un professeur ayant le titre requis avec agrégation".


La réforme n'a pas aggravé le problème, mais a ralenti les engagements de nouveaux professeurs

Pourquoi, alors qu'ils est difficile de trouver des enseignants depuis toujours, reçoit-on justement cette année des dizaines de témoignages de parents inquiets? La raison, c’est la réforme des titres et fonctions. Pour notre source au sein de l’école, si cette réforme est une bonne chose à long terme, elle pose problème à court.

Attendue depuis 40 ans, elle a été adoptée il y a 2 ans par le Parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles quand Joëlle Milquet était encore ministre de l’Enseignement. Elle est entrée en application ce 1er septembre. "Cette réforme était demandée depuis longtemps car la dernière datait des années 70. Depuis, les formations et les noms des diplôme dans l’enseignement ont beaucoup changé, à tel point que dans la plupart des situations, un directeur d’école ne savait plus quand il avait quelqu’un devant lui s’il avait les compétences requises pour enseigner et donc s’il pouvait l’engager", justifie le porte-parole.


Trois types de titres

Désormais place à de nouvelles règles. Premièrement, la réforme a fait un tri dans les diplômes et formations. Elle définit désormais clairement quels diplômes peuvent donner accès à l’enseignement de quelles matières et à quel niveau.

Ils sont classés en 3 types, du plus approprié au moins:

- les titres requis (TR)
- les titres suffisants (TS)
- les titres de pénurie (TP)


Une base de données unique informatisée trop lourde à utiliser

Les directions d’écoles disposent depuis le 1er septembre d’une plateforme en ligne: Primoweb. Tous les enseignants qui cherchent du travail doivent s’y inscrire. C’est la base de données unique dans laquelle les directions doivent aller chercher les enseignants qu’ils recherchent.

Mais ce système tel que prévu au 1er septembre a montré ses limites. En effet, lorsqu’une école recherchait un professeur, le système leur sortait une longue liste d’enseignants disponibles, classés dans l’ordre des 3 titres. Les écoles étaient alors obligées d’appeler dans l’ordre tous ces candidats, jusqu’à en trouver un qui accepte le poste ou le remplacement.

C’est cette lourdeur qui a fait perdre un temps fou aux écoles et laissé durant le mois de septembre beaucoup d’élèves sans professeur, comme à Chapelle. Même si le porte-parole n’est pas convaincu que l’ancien système aurait été plus véloce. "Ce que les directions d’écoles ne disent pas, c’est que si effectivement ils ont perdu du temps administrativement, avant, s’ils n’avaient personne sous la main, ils devaient passer par le Forem et les petites annonces, ce qui pouvait prendre beaucoup de temps aussi."


Le système bientôt plus rapide: ce sont les enseignants sans emploi qui se proposeront aux écoles

Face à ces problèmes et suite à une concertation avec les pouvoirs organisateurs, Marie-Martine Schyns a assoupli le système fin septembre via une circulaire envoyée aux écoles et continue de plancher sur des réglages utiles. "La ministre a été la première à le dire ; il y a des ajustements à faire car il y a des lourdeurs dans le système. Au niveau du site internet Primoweb, nous avons assoupli les démarches administratives en permettant aux directions de rentrer des documents plus tard qu’initialement prévu, sans sanction", explique son porte-parole.

Mais la ministre ne va pas s’arrêter là. La concertation continue pour encore améliorer le système. En ce moment-même, "on est en plein travail avec des représentants de directeurs et pouvoirs organisateurs pour trouver des assouplissements plus de fond. La principale, c’est que dans Primoweb, on va inverser le raisonnement. Avant, le directeur devait encoder le type de cours puis il recevait la liste de toutes les personnes encodées. C’était assez fastidieux de contacter tout le monde. L’idée est maintenant d’inverser. Ce sont les professeurs qui cherchent du travail qui verront les annonces des écoles et se proposeront à elles de manière proactive. Résultat, les écoles n’auront plus alors qu’une liste de deux – trois candidats intéressés à contacter."


Deux solutions de dernier recours pour s'assurer qu'aucun élève ne reste sans professeur

Mais si, comme à Morlanwelz, on ne trouve toujours personne en raison de la pénurie ? Deux autres aménagements interviennent alors.

Premièrement, la possibilité de compléter les horaires non complets des professeurs de l’établissement du secondaire supérieur (disposant d’un master) en leur donnant des classes dans le secondaire inférieur (normalement réservées aux bacheliers).

Deuxièmement, il reste la possibilité d’aller chercher quelqu’un d’extérieur à l’enseignement dont les compétences sont laissées ici à l’appréciation des directeurs "pour leur laisser un minimum d’autonomie", détaille le porte-parole. C’est un 4ème type de titre : le titre de pénurie non listé, ou plus simplement "autre titre".

En quoi ça consiste ? "Pour le français par exemple, autrefois, on faisait appel à des journalistes ou à des historiens de l’art pour donner cours, car le nombre de romanistes purs est extrêmement réduit", donne comme exemple notre source.

Désormais, il faudra obligatoirement avoir épuisé toutes les solutions, donc les listes des 3 types de titres acceptés, pour pouvoir faire appel à ces personnes de l’extérieur.

Eric Etienne résume l'existence de cette dérogation simplement: "Quelqu’un de l’extérieur, ça vaut mieux que personne du tout." Quand une école est arrivée au bout de ses possibilités de recrutement de professeurs de la base de données Primoweb, "à ce moment-là, l’école fait un PV de carence disant qu’ils n’ont trouvé personne. Ils peuvent alors engager des personnes sans titre dans l’enseignement".

La seule différence par rapport à avant, c'est que les écoles recouraient à ces recrutements hors enseignement trop facilement, sans avoir la certitude qu’il ne restait pas de "vrais" professeurs sur le carreau. Ici, le fait d’épuiser les listes prioritaires "prouve qu’on ne lèse personne ayant le titre requis".


Tout est rentré dans l'ordre pour Florine et sa classe

A Chapelle, une solution a finalement été trouvée après un mois et demi sans professeur, via un changement d’attribution de professeurs déjà dans l’école. Depuis lundi dernier, Florine a donc cours de néerlandais. Par contre, pour trouver un remplaçant au professeur malade, ça reste compliqué "spécialement pour des remplacements de courte durée. C’est la loi du marché. Le peu qui sont disponibles et que nous avons contactés ont privilégié des écoles où on leur proposait des remplacements de longue durée, comme 6 mois, et non 3 semaines", nous dit-on à Morlanwelz.


Avant la réforme, impossible de tenir des statistiques fiables sur les enseignants

"Le problème, c’est que l’enseignement attire de moins en moins de jeunes", estime personnellement notre source. "Dans les filières scientifiques, ils semblent plus attirés vers le privé plus rémunérateur. Dans les langues germaniques, trop peu étudient anglais-néerlandais ou néerlandais-allemand pour la province de Liège. Ce qu’il serait intéressant, c’est de savoir pourquoi si peu de jeunes optent pour l’enseignement et d’essayer de remédier au problème."

Les pouvoirs publics ont-ils déjà tenté de remédier au problème ? Eric Etienne le confesse, l’ancien système trop hétéroclite ne permettait pas à la Communauté française de tenir des statistiques fiables et de dégager des raisons à ce constat de manque d’enseignants.

C’est justement le deuxième avantage qu'apportera la réforme des titres et fonctions. "On va pouvoir en permanence évaluer les nouveaux cours et diplômes qui existent et on pourra désormais tenir des statistiques car tout est maintenant informatisé" via Primoweb.


Une Chambre de la Pénurie pour enfin agir contre ce problème 

Une Chambre de la Pénurie est prévue par la réforme. C'est elle qui sera chargée d’analyser les données fiables ainsi recueillies et de trouver les raisons des pénuries, et ce non pas toutes les X années, mais de manière continue. "On va bientôt avoir une vision plus claire" du problème, assure M. Etienne.

Avec en point de mire des actions possibles pour redorer l’image des métiers de l’enseignement dans la société et inciter les jeunes à plus se tourner vers cette filière.

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