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Malgré une condamnation, Francken refuse de donner un visa à une famille d'Alep: Amnesty international réfute ses arguments

Le secrétaire d'Etat à l'Asile et à la Migration, Theo Francken, a maintenu son refus d'accorder un visa humanitaire à une famille syrienne malgré un arrêt de la Cour d'appel de Bruxelles assorti d'une astreinte, a-t-il indiqué à la Chambre. Amnesty international réfute les arguments du ministre.

La Cour d'appel de Bruxelles a condamné mercredi l'Etat belge à exécuter une décision du Conseil du contentieux des étrangers du 20 octobre qui impose aux autorités de délivrer des visas ou laissez-passer à une famille syrienne qui tente de fuir Alep. Cette condamnation, immédiatement exécutoire, est assortie d'une astreinte de 1.000 euros par jour de retard et par membre de la famille.

"Ce visa ne sera pas délivré", a lancé M. Francken. Le secrétaire d'Etat n'entend pas se soumettre à la décision de justice car il s'agirait, selon lui, d'un "précédent dangereux" qui ferait perdre à la Belgique "le contrôle de ses frontières". "Cela menace de déclencher un afflux devant nos consulats à Beyrouth et Ankara. Ça, je ne le veux pas", a-t-il ajouté.

M. Francken soutient également que s'il se pliait à cet arrêt, il réduirait à néant le recours pendant devant le Conseil d'Etat contre la décision du Conseil du contentieux des étrangers. Il n'entend pas céder et se pourvoira en cassation. "Le combat durera aussi longtemps que cela est nécessaire", a-t-il poursuivi. Quant à l'astreinte, qui s'élèvera dans ce cas à 4.000 euros par jour d'inexécution, elle ne semble pas l'arrêter. Il usera de toutes les voies de droit pour ne pas la payer, a-t-il assuré.


Amnesty international réfute les arguments du ministre: "Ça ne créera pas d'appel d'air"

Nous avons contacté le directeur francophone d'Amnesty international Belgique. Pour Philippe Hensmans, les arguments de Theo Francken ne tiennent pas la route. "Ça ne va pas créer d'appel d'air. Si on détermine de façon plus claire quelles personnes ont droit à un visa humanitaire, et qu'il y a des règles bien précises, il n'y aurait pas ce problème. Mais même édicter un cadre précis, monsieur Francken refuse de le faire", explique-t-il. Pour le représentant de l'organisation de défense des droits de l'homme, "accepter cette demande de visa humanitaire créera peut-être quelques files devant certains consulats, mais ça ne veut pas dire que toutes ces personnes viendraient forcément en Belgique" étant donné qu'elles ne répondront pas toutes aux conditions.

D'après Philippe Hensmans, un des critères pourrait être qu'une personne privée en Belgique se porte garant des individus auxquels un visa humanitaire serait décerné. C'est d'ailleurs le cas pour cette famille d'Alep. Une famille belge est en contact avec elle et s'est déclarée prête à les accueillir.

Philippe Hensmans rappelle qu'en 2015 il y a eu 843 visas humanitaires accordés pour 3.990 demandes d'asile. Actuellement, ce type de visa n'est accessible qu'aux personnes qui ont déjà un lien avec la Belgique. "Pourtant, ce serait une façon d'aider des personnes qui, actuellement, doivent venir clandestinement vers l'Europe via des routes très dangereuses, alors qu'elles fuient la guerre et n'ont pas d'autre endroit où aller", explique le directeur de l'ONG.

Suite à l'expansion de l'Etat islamique en Irak et en Syrie, ainsi que la guerre qui oppose Bachar al-Assad aux rebelles syriens, des millions de personnes ont fui les violences, et en premier lieu vers les pays limitrophes. "En Turquie, il y a plus de trois millions de réfugiés, et 400.000 enfants ne vont plus à l'école. 500.000 Syriens ont trouvé refuge en Arabie Saoudite, même si ce pays n'a pas vraiment de statut de réfugié... Il n'y a plus de place dans la région", explique Philippe Hensmans.


L'opposition choquée: "Complète irrationalité"

L'opposition était médusée devant ce refus d'appliquer une décision judiciaire. "Nous attendons de vous que vous vous pliiez à une décision de justice comme n'importe quel citoyen", a clamé Julie Fernandez-Fernandez (PS). "Votre refus obstiné d'accorder ce visa relève de la plus complète irrationalité. Il ne s'agit pas ici de dizaines de milliers de personnes mais de la possibilité de sauver une personne de l'enfer d'Alep. Saisissez-la", a exhorté Wouter De Vriendt (Groen-Ecolo), avant d'accuser le secrétaire d'Etat de mener une "campagne d'image personnelle".


La N-VA derrière son ministre

La N-VA a en revanche pris fait et cause pour M. Francken. Sarah Smeyers a accusé la justice de ne pas respecter la séparation des pouvoirs, l'octroi d'un visa humanitaire relevant, dit-elle, de la prérogative discrétionnaire du secrétaire d'Etat. Sur Twitter, le parti a pris le relais. "Les juges doivent appliquer strictement la loi et pas ouvrir nos frontières", a-t-il lancé sous le hashtag "IkSteunTheo" (Je soutiens Theo).

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