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Pour être nommé, un prof doit parcourir un chemin long et compliqué: "C’est kafkaïen. J’ai un collègue qui a dû attendre 20 ans"

Etre nommé dans l’enseignement ressemble à un parcours du combattant. Alors que la profession est en pénurie, ce manque de perspective est un obstacle pour recruter de jeunes profs. Mais remettre en question le système de nomination actuel risque d’être difficile.

Les nominations dans l’enseignement en Belgique, c’est la galère, tant les conditions d’accès sont nombreuses et compliquées, épingle l’Avenir ce mercredi. Le quotidien illustre ce constat avec le témoignage de Philippe. Ce traducteur de formation, âgé de 47 ans, habite Tournai. Après avoir obtenu un Certificat d’Aptitude Pédagogique, il s’est lancé corps et âme dans la carrière de professeur. Pendant plusieurs années, il cumule des postes dans différentes écoles situées dans différentes régions.


Habitant à Tournai, il est nommé à... Grâce-Hollogne

Et ce n’est qu’au mois de mai dernier, soit 12 ans plus tard, que l’enseignant décroche enfin le précieux sésame : une nomination. Pas dans une, mais dans trois établissements scolaires. "J’ai vu les postes qui s’ouvraient. Il y en avait trois. Tournai, Morlanwelz et Grâce-Hollogne. J’ai postulé aux trois, en espérant ne pas avoir celui de Grâce-Hollogne", explique-t-il dans les colonnes de l’Avenir. Pour Philippe, difficile en effet de s’imaginer donner cours à l’autre bout de la Wallonie. Et pourtant. Il obtient les trois nominations. Le professeur de langues fait alors appel à une spécificité légale de l’enseignement en Fédération Wallonie-Bruxelles: le congé CFCAB. Concrètement, si un enseignant a des heures mieux rémunérées ailleurs, il peut refuser de prester des heures dans une école. C’est ce que Philippe a fait pour Grâce-Hollogne.

Cependant, malgré son refus, le Tournaisien reste nommé là-bas. Ce qui lui permet non seulement de débarquer dans cet établissement scolaire quand bon lui semble, mais aussi d’éjecter l’intérimaire qui occupe sa place. Par ailleurs, s’il décidait de postuler pour une autre nomination ailleurs, il deviendrait prioritaire. Une situation confortable pour lui, certes. Mais complètement absurde. "Je ne me plains pas. Mais c’est révélateur de ce que les profs sont parfois obligés de faire pour accéder à une nomination. C’est kafkaïen. J’ai un collègue qui a dû attendre 20 ans avant d’être nommé", déplore Philippe.


"Obtenir un statut de nommé à un prix. Et il se paie au détriment des plus jeunes profs"

Et pour cause. 48% seulement des postes proposées aux enseignants, chaque année, sont vacants et peuvent mener à une nomination. Cette situation n’encourage évidemment pas les jeunes professeurs à se lancer dans l’aventure. La précarité de leur statut est provoquée par le bétonnage des nominations. Or, le secteur manque de personnel. Christian Michel, directeur général du Segec (enseignement catholique) dénonce d’ailleurs ce système de nomination qui freine l’ambition des jeunes enseignants. Des postes sont bloqués (parfois virtuellement) et empêchent ceux qui ne sont pas nommés de le devenir rapidement. Par exemple, si un prof nommé décide de quitter l’enseignement pour le privé, il gardera son poste pendant six ans. Une aberration.

"Obtenir un statut de nommé à un prix', regrette Christian Michel. Et il se paie au détriment des plus jeunes profs. Voilà pourquoi nous pensons qu’il faut revoir les statuts de l’enseignant en matière de nomination." Pour mettre fin à cette lutte de places entre les novices et les nommés, le patron du Segec plaide pour un décloisonnement des nominations et une amélioration des conditions d’accès. A cela s’ajouterait la mise en place d’une évaluation des enseignants, quasi inexistante aujourd’hui. L’objectif est de faciliter les nominations et "débétonner" le statut des nommés qui "auraient des comptes à rendre", comme le souligne l’Avenir. Problème: les syndicats sont farouchement opposés à cette idée, assurant que le régime disciplinaire actuel est suffisant.

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