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Pression, compétition entre collègues, passagers mystères: le témoignage d'une ancienne employée de Ryanair

Huit témoins, tous anonymes par peur d'un licenciement immédiat, ont livré leur histoire au journal "La Libre" dans une enquête au cœur de la compagnie low cost. Ils pensaient vivre leur rêve professionnel chez Ryanair, ils ont rapidement déchanté. 

Sur Bel RTL, une ancienne employée de la compagnie aérienne a accepté de témoigner. Après sa formation au sein de la compagnie, Marta (prénom d'emprunt) nous raconte avoir été envoyée en Angleterre. Au début, "on fait notre formation sans savoir où on sera placé. Je n'ai pas du tout aimé l'endroit…". "J'ai toujours eu l'impression de n'être qu'un numéro (…) c'était l'impression générale" confie-t-elle.

Une course contre la montre

Harcèlement, chantage et pression constante. "Chez Ryanair, tout est minuté, comptabilisé", racontent les stewards. Chaque fois qu’un avion se pose, c’est le début d’un sprint. 25 minutes pour désembarquer les passagers, nettoyer l’appareil, faire les contrôles de sécurité et embarquer les nouveaux voyageurs. 25 minutes, pas une de plus, sous peine de retarder le décollage et d’être convoqué par la direction. "Fermer à l'heure surtout, c'est toujours une pression!" témoigne l'hôtesse.

Des objectifs à atteindre

En vol, l’équipage est soumis à des objectifs de vente très stricts: boissons, snacks, parfums et… billets de loterie, un des produits les plus rentables pour la compagnie. Pour les meilleurs vendeurs, une prime, pour les moins bons, un avertissement. Et s'il y a un trou dans la caisse, c'est retenu sur salaire.

Notre témoin confirme qu'"une fois qu'on atterrit, on avait un debrief où le manager nous demandait 'combien on a fait en vente, pourquoi on n'a pas vendu plus?'". "C'était dur, de temps en temps on avait une lettre pour nous demander d'améliorer notre performance", ajoute-t-elle.

"Une compétition entre collègues"

Marta dénonce l'instauration d'une compétition de vente entre collègues. Chaque employé a ses objectifs commerciaux à présent, "avant c'était pour l'équipage entier, maintenant chacun à sa propre machine"."On travaillait ensemble pour la même prime et là, chacun travaille pour sa propre prime", explique l'ancienne hôtesse.

Les passagers mystères

A bord, chaque fait et geste est contrôlé par des passagers mystères qui notent l’attitude et le respect des procédures. Un salarié qui contrôle tout en voyageant incognito. "On peut avoir un passager mystère, on ne le sait pas. Après on reçoit une lettre d'évaluation", explique Marta. "Des collègues qui jugent d'autres collègues, ça fait un peu bizarre…", ajoute-t-elle.

L'équipage est à bout. "L'élastique a été tendu pendant des années. Là, il craque de partout", explique une autre hôtesse dans le journal la Libre. 

"Pire qu'avant"

Marta a changé de compagnie désormais, elle constate alors que plusieurs choses chez Ryanair n'étaient pas normales: "Le fait de payer notre formation, de ne pas recevoir à manger à bord, de payer son propre parking… Les uniformes sont également à charge des employés". L'hôtesse dénonce également les conditions de travail qu'elle juge "pire qu'avant".


Une enquête sur les conditions de travail 

La commissaire européenne en charge du Transports, Violeta Bulc, s'est engagée devant le Parlement européen à lancer l'année prochaine une étude sur les conditions sociales et les droits du personnel navigant dans le secteur de l'aviation. 

A l'occasion d'un débat en plénière mardi soir, plusieurs eurodéputés ont estimé que les conditions de travail des transporteurs aériens à bas coûts devraient faire l'objet d'une enquête de la Commission. La compétitivité ne peut pas se faire au détriment des droits des travailleurs et des mauvaises conditions de travail peuvent aussi entraîner des problèmes de sécurité, ont-ils pointé.     

Mme Bulc a reconnu cette problématique et s'est donc engagée à mener une étude sur la question en 2018.     

Lors du débat, de nombreux députés ont par ailleurs fait part de leur consternation face aux difficultés éprouvées par les passagers de Ryanair suite à l'annulation récente de milliers de vols par cette compagnie irlandaise à bas coûts.


La réaction de Ryanair aux témoignages

Suite à notre article, la compagnie Ryanair a souhaité réagir. Voici leur communiqué.

"Ces affirmations sont fausses. Il n'y a pas de « pression » ou de « harcèlement » sur les équipages. Ryanair respecte pleinement toutes les lois de l'UE et n'a pas de contrats « zéro heure ». Nous engageons des personnels navigants en cabine entièrement qualifiés auprès d'agences agréées (les équipages ne doivent pas payer de formation). Les personnels navigants en cabine de Ryanair gagnent jusqu'à 40,000 € par an et bénéficient d’excellentes conditions, y compris la sécurité de l'emploi, un nouvel accord salarial récemment négocié sur 5 ans comprenant des augmentations de salaire garanties, une tableau de service de 5 jours de travail suivis de 3 jours de congés (un week-end prolongé toutes les semaines), un maximum légal de 900 heures de vol par an (seulement 18 heures par semaine), de très bonnes commissions sur les ventes qui augmentent encore la rémunération, en plus de la formation gratuite et d’un paiement annuel pour les uniformes allant jusqu'à 425 €. C'est pourquoi nous avons actuellement une liste d'attente de plus de 3,000 jeunes qui espèrent rejoindre les personnels navigants en cabine de Ryanair, alors que d'autres compagnies aériennes et leurs syndicats négocient des suppressions d'emplois, des réductions sur les cotisations de retraite et des réductions de salaire".

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