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Dix ans après avoir "humilié" Sarkozy, Poutine a-t-il croqué Macron à Versailles?

Le président français Emmanuel Macron a reçu ce lundi le président russe Vladimir Poutine pour leur première entrevue. La rencontre intervient 10 ans après l'entretien entre Nicolas Sarkozy et le même Vladimir Poutine lors d'un G8 en Allemagne. En 2007, le comportement de Nicolas Sarkozy lors de la conférence de presse suivant la rencontre avait interpellé. Les analystes avaient d'abord pensé que le président français de l'époque était ivre, mais des informations ultérieures ont révélé que Nicolas Sarkozy avait été "mis KO" oralement par Vladimir Poutine (rappel des faits en fin d'article).

Pour cet entretien, la donne semble avoir changé. Vladimir Poutine et Emmanuel Macron ont eu un dialogue musclé sur la Syrie et les droits de l'Homme, le président français avertissant son homologue russe qu'il y avait "une ligne rouge" à ne pas franchir dans le conflit syrien.


"J'ai rappelé au président Poutine l'importance de plusieurs sujets"

Les experts et les citoyens français attendaient donc de voir comment leur nouveau président, Emmanuel Macron, allait gérer cette rencontre cruciale. Durant la conférence de presse qui a suivi l'entretien, Emmanuel Macron est apparu calme, décidé et ferme. Devant les journalistes, le président français a expliqué avoir discuté avec Vladimir Poutine de la situation en Syrie, de la vigilance de la France quant à l'utilisation d'armes chimiques et du maintient des accès humanitaires, du terrorisme, qui a été défini comme un point commun de préoccupation... Et puis, Emmanuel Macron a affirmé avoir "rappelé au président Poutine l'importance de plusieurs sujets, qui touchent particulièrement à la fois nos valeurs et nos opinions publiques. J'ai rappelé l'importance pour la France du respect de toutes les personnes, de toutes les minorités, et de toutes les sensibilités. Nous avons évoqué le cas des personnes LGBT en Tchétchénie, mais également le cas des ONG en Russie", a-t-il dit, alors que Vladimir Poutine se tenait à ses côtés, écoutant la traduction dans son oreillette.

Cette intervention montre que la relation qui s'est établie ce lundi entre Emmanuel Macron et Vladimir Poutine semble être bien différente du contact qui s'était créé en 2007 entre Nicolas Sarkozy et le président russe. Pour Laurent Neumann, éditorialiste politique pour BFM TV, "quelque chose a changé dans la tête de Poutine". "Les sanctions commencent à peser (NDLR: les sanctions européennes suite à l'intervention russe en Ukraine). Puis le G7, dont il a été exclu, il rêve d'y faire son retour. Et puis le fait qu'avec Trump ça ne se passe pas aussi bien que prévu. Et enfin, il y a la question de la lutte contre le terrorisme. Moscou a besoin des services de renseignements européens", a expliqué l'éditorialiste suite à la conférence de presse.


Syrie: les armes chimiques et l'accès humanitaires comme lignes à ne pas franchir pour Macron


"Une ligne rouge très claire existe de notre côté, l'utilisation d'armes chimiques, par qui que ce soit", a prévenu le chef de l'État français, lors d'une conférence de presse commune avec M. Poutine.

"Toute utilisation d'armes chimiques fera l'objet de représailles et d'une riposte immédiate, en tout cas de la part des Français", a-t-il averti, alors que Moscou soutient ouvertement le régime de Bachar Al-Assad, accusé d'avoir plusieurs fois utilisé des armes chimiques dans le conflit.

M. Macron a toutefois souhaité un "partenariat" renforcé avec Moscou pour lutter contre le terrorisme dans ce pays.

"C'est le fil directeur de notre action en Syrie et ce sur quoi je veux, qu'au-delà du travail que nous menons dans le cadre de la coalition, nous puissions renforcer notre partenariat avec la Russie", a-t-il dit.

Le nouveau président français s'est prononcé en faveur d'"une transition démocratique" dans ce pays, "mais en préservant un État syrien".

Il a ainsi insisté sur le fait que les discussions en vue de cette transition devaient englober "l'ensemble des parties prenantes du conflit syrien, y compris les représentants de Bachar al-Assad".

"Dans la région, les Etats faillis sont une menace pour nos démocraties et on l'a vu, à chaque fois, ils ont conduit à faire progresser les groupements terroristes", a-t-il souligné en référence notamment à la Libye.



Ukraine: les sanctions n'arrangent rien selon Poutine

Concernant l'Ukraine, le dialogue a été plus ouvert entre les deux dirigeants. A la fermeté de M. Poutine pour qui "les sanctions" contre la Russie ne contribuent "aucunement" à régler la crise ukrainienne, le président français a répondu en rappelant qu'il y aurait "une discussion" au format Normandie, réunissant Russie, Ukraine, France et Allemagne, dans les "prochains jours ou semaines" pour éviter "une escalade" des tensions dans ce pays. "Sur ce sujet, c'est donc un processus qui doit perdurer, mais sur lequel nous avons l'un et l'autre partagé nos vues et en tout cas, j'ai pour ma part rappelé la volonté que nous puissions aboutir dans le cadre des engagements de Minsk à une désescalade", a-t-il aussi affirmé.


Droits de l'homme

Sur la question épineuse des droits de l'Homme, évoquée ouvertement, le président français a en revanche été très ferme indiquant qu'il serait "constamment vigilant" sur leur respect en Russie et en Tchétchénie. Selon lui, M. Poutine a promis la "vérité complète" sur la répression des homosexuels en Tchétchénie et indiqué "avoir pris plusieurs initiatives sur le sujet des personnes LGBT" pour "régler les sujets les plus sensibles".


Le rôle de la Russie dans l'élection française

Les soupçons d'ingérence des hackers russes dans la campagne présidentielle française n'ont en revanche selon les deux présidents pas été abordées. "On n'en a pas parlé et de mon côté ça n'existe pas comme problème", a affirmé M. Poutine.

En revanche Emmanuel Macron a accusé des journalistes de deux médias russes, Russia Today et Sputnik, de s'être comportés en "agents d'influence" lors de la campagne présidentielle en répandant "des contre-vérités infamantes".

Vladimir Poutine, de son côté, a justifié sa décision de recevoir la candidate d'extrême droite Marine Le Pen en mars. "Pourquoi refuser une rencontre avec une personnalité intéressante pour nous?" a-t-il lancé, soulignant que "Mme Le Pen a depuis toujours travaillé au rapprochement avec la Russie".

En 2007, Sarkozy avait aussi promis de parler des dossiers compliqués... avant d'être mis KO

Rappelez-vous, en 2007, durant un sommet du G8, Nicolas Sarkozy avait promis qu'il discuterait des dossiers difficiles avec Vladimir Poutine. Mais lors de la conférence de presse qui a suivi leur face à face, le comportement du président français avait laissé croire qu'il était ivre. En réalité, Nicolas Sarkozy était sorti littéralement KO de son entretien avec Vladimir Poutine. 

D'après Nicolas Henin, journaliste au Point, et visiblement bien informé, la rencontre s'était révélée assez brutale. "Avec moi, on va parler des sujets qui fâchent", aurait lancé Nicolas Sarkozy, abordant ensuite les morts en Tchétchénie, le meurtre d'une journaliste russe... dans un long monologue. Après un silence, Vladimir Poutine aurait répliqué avec force. "C’est bon tu as fini là? Bon, je vais t’expliquer. Tu vois ton pays il est comme ça. Le mien, il est comme ça. Alors maintenant, de deux choses l’une, ou bien tu continues sur ce ton et je t’écrase, ou alors tu arrêtes de parler comme ça, et tu verras…", aurait rétorqué Poutine, remettant Sarkozy "à sa place". "Tu viens juste de devenir président de la France, mais je peux faire de toi le roi de l'Europe", aurait ajouté le président russe. 

Le ton de Vladimir Poutine aurait été "ponctué d'insultes, humiliant, de façon à vraiment imposer sa volonté à Nicolas Sarkozy", a témoigné Nicolas Henin sur France 2. "Nicolas Sarkozy va être éberlué. Il n'en revient pas... En conférence de presse, il était KO debout, du fait de l'humiliation que venait de lui infliger Vladimir Poutine", a ajouté le journaliste.

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