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Ils considèrent leur chien comme leur enfant: "Je ne pars pas en vacances, je préfère rester avec eux"

En Belgique, ils sont près d’1,5 million et un ménage sur quatre en possède un: le chien est le meilleur ami de l’homme, c’est connu. Mais certains ont poussé cet adage à l’extrême. Ils les dorlotent, les coiffent, les parfument, ils mangent à la même table et dorment dans le même lit… De très bonnes intentions, mais certains spécialistes ne sont pas du même avis que les maîtres. Ce vendredi à 19h45 sur RTL-TVi, Reporters vous propose d’aller à la rencontre de ces propriétaires qui considèrent leur chien comme leur enfant.

"Elles ont leur manteau de pluie, leur manteau d’hiver. Quand il fait très froid, elles ont un petit manteau de fourrure chacune. Elles ont une casquette pour le soleil et pour les occasions, elles ont un déguisement pour Noël, le carnaval ou un match de foot, elles ont leur tunique pour la Belgique". "Elles", ce sont Lizzie, Lilou et Chloé, les trois chihuahuas de Véronique. Pour elle, ses chiens ont autant besoin d’affection, d’attention et de coquetterie que n’importe quel enfant.



Même son de cloche chez Ingrid, propriétaire de deux imposants bulldogs. "Mes chiens représentent tout pour moi. Après ma fille, ce sont mes bébés. Je ne pars pas en vacances, je préfère rester avec eux, ici il n’y a pas de restaurants, pas de soirées. Et puis, rester avec eux moi, ça me suffit". Cette relation (trop) fusionnelle avec ses chiens, la fille unique d’Ingrid n’en peut plus: "Des fois, elle parle plus à ses chiens qu’à moi. Je comprends qu’on puisse aimer son chien, mais à ce point non". 




Mais pour Ingrid, c’est un besoin irrépressible. Son amour pour eux est inconditionnel et elle est prête à tous les sacrifices. Quitte même à refuser de vivre une histoire d’amour avec un homme. "S’il ne m’accepte pas avec ma relation avec mes chiens, c’est hors de question. Il doit accepter tout le packaging. Il doit m’accepter, moi et mes trois enfants". Et si son amour pour ses deux chiens est "incommensurable", ils le lui rendent bien. "Je sais qu’ils m’aiment et qu’ils sont demandeurs".


Gare à l’anthropomorphisme


Vinciane Despret, spécialiste des relations entre l’humain et l’animal, met en garde. "Quand on prête à l’animal des pensées qui sont humaines, l’anthropomorphisme, on en arrive à des dérives, comme penser que la coquetterie est importante pour eux par exemple". Autrement dit, en interprétant des réactions canines selon les codes propres à l’humain, le maître prive le chien de sa véritable nature.

Destruction, malpropreté, troubles obsessionnels, agressions...

Joëlle Hoffman, vétérinaire-comportementaliste, ajoute même que l’anthropomorphisme peut être dévastateur pour l’animal. "Il arrive parfois que l’investissement émotionnel du propriétaire envers son animal soit trop élevé. Parce qu’un chien est un chien. Un chien n’est pas un enfant, n’est pas un amant, n’est pas un faire-valoir". Le mal-être du chien peut alors se décliner sous différentes formes. L’animal peut développer tout d’abord une forme excessive de dépendance "à force d’être constamment accompagné de son maître, de dormir, de manger avec lui. L’attachement, c’est quelque chose de normal pour un chien, l’hyper attachement par contre, c’est pathologique".

Deuxième risque: une mauvaise intégration sociale. "Sous couvert que le chien est petit donc il est fragile. Donc je dois le couver, j’ai peur pour lui, je ne le laisse pas rencontrer d’autres chiens, chats, humains... Néanmoins, si le chien n’a pas ces rencontres-là, il ne va pas apprendre à communiquer avec eux. Et donc ce il sera handicapé à vie. Et un chien qui a peur, qu’est-ce qu’il fait ? Il a trois possibilités: soit il est pétrifié et il déprime, soit il fuit, soit il agresse".

Partager le même lit ?

Comme Ingrid, près d’un Belge sur cinq déclare dormir avec son chien. "Moi j’adore ça, les sentir près de moi, et eux aussi sont bien avec moi. C’est un équilibre. C’est juste normal pour moi, leurs place est avec moi. Exactement comme un bébé serait aux côtés de sa maman la nuit, c’est pareil. J’ai besoin de les avoir près de moi"

Joëlle Hoffman insiste: dormir avec son chien n’est conseillé ni d’un point de vue sanitaire ni psychologique. "D'abord, un chien ça a des puces, ça a des tiques, ça a des poils. Ce n’est pas très sain, ni pour lui, ni pour nous. Et d’autre part, certains chiens vont en tirer profit. Et qui vont croire qu’ils ont un rôle plus important. Et si par exemple, le mâle dort avec une maîtresse, il va "défendre sa femelle", ce qui va générer des agressions avec d’autres chiens, ou un compagnon éventuel". 



Ce qui est considéré comme une preuve d’amour pour les maîtres, peut être interprété  différemment par les chiens. Par exemple, un petit chien porté à bout de bras dans la rue, ne se sentira pas seulement protégé, il se sentira dominant. "En étant en hauteur, il a un rapport différent, de domination sur les autres et est donc très agressif et aboie sans cesse et une fois au sol, il est complètement vulnérable". 

Prêter des émotions humaines aux animaux n’est donc pas dans leur intérêt. Que dire alors des artifices humains, comme les vêtements ou les produits cosmétiques ? Une chose est sûre, bénéfique pour l’animal ou pas, les commerçants sautent sur l’occasion. Dans un pays où près d’un quart des ménages possèdent un animal de compagnie, le marché des produits pour chien est plus florissant que jamais. De plus en plus de gadgets exclusivement canins tout aussi surprenants les uns que les autres sont proposés : des consoles de jeux, des brosses à dent, des sous-vêtements, du verni à ongle, de la crème solaire, des chaussons antidérapants…

Si les maîtres prennent un réel plaisir à faire les emplettes pour leurs toutous, qu’en est-il du plaisir de l’animal ? "C’est complètement égoïste, rétorque Joëlle Hoffman. Clairement, c’est pour leur plaisir à eux et rien d’autre. L’animal n’est pas respecté dans son intégrité. Il s’en fout complètement lui de porter des rubans ou un verni assorti à son pelage".

Rien n’est irréversible

Même si les quatre premiers mois sont cruciaux, ni le maître ni le chien ne sont condamnés à cette relation toxique. Joëlle Hoffman en est persuadée, tout est récupérable. "Il suffit de le rééduquer, de lui réapprendre à se comporter et à être considéré comme un chien. Rien ne les empêche de l’aimer sincèrement, mais il doit avoir sa place, manger dans sa gamelle, marcher sur ses quatre pattes, dormir dans son panier. Ce n’est pas compliqué, un chien doit rester un chien". 

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