Accueil Actu

Les moineaux n’ont pas disparu, ils sont dans le jardin de Josiane à Rebecq: qu’est-ce qui les attire tous là ?

Si la population des moineaux s’est désormais stabilisée, entre les années 70 et la fin des années 90, elle a pris un sérieux coup dans l’aile. Entre les nouvelles constructions, la disparition des espaces verts et des insectes qui vont avec, ces petits oiseaux si typiques de nos régions ne trouvent plus leur compte... Heureusement, ils ont le jardin de Josiane pour se consoler!

Autrefois très communs, les moineaux domestiques se sont raréfiés ces dernières décennies, partout en Europe, et principalement dans les milieux urbains. Josiane, elle, a du mal à y croire: "On dit qu’il n’y a plus de moineaux dans notre pays ! Je peux vous dire que dans mon jardin il y en au moins une centaine... si pas plus", nous écrit-elle via la page Alertez-nous. Nous l’avons contactée, et elle nous a raconté comment son jardin, à Rebecq (Brabant wallon), s’est transformé en véritable paradis des oiseaux. "L’arbre de mon voisin devient assez immense, et ils se sont fourrés partout", nous explique-t-elle, assurant qu’elle peut observer colombes, pigeons et moineaux piailler à leur guise chaque jour, non loin du poulailler qu’elle a installé.








Josiane a également placé plusieurs nichoirs: "Je leur donne à manger, j’achète un mélange pour oiseaux de la nature". Tout a commencé lorsqu’elle a reçu une visite inhabituelle dans son jardin: "Il pleuvait à pierre fendre et tout à coup j’ai vu un écureuil. J’ai d’abord acheté un nichoir à écureuil, et tous les oiseaux sont venus". Elle ne le regrette pas: "Tous les matins je me réveille avec le chant des oiseaux, et ça, c’est merveilleux", nous explique-t-elle, vidéo à l’appui, pour nous faire part de la mélodie qu’ils émettent.


Les moineaux n'ont pas disparu... ils sont dans ce jardin!


Pour Corentin Rousseau, Directeur de la Ligue Royale belge de la Protection des Oiseaux (LRBPO), cette concentration n’a rien d’étonnant: "C’est un comportement assez habituel pour le moineau. Il est grégaire, cela signifie qu’il vit en groupe. Dans certains endroits, où il y a assez de possibilités de nidification et de ressources alimentaires [qualités que présente le jardin de Josiane, ndlr], les groupes peuvent être assez importants. Cela peut arriver d’observer des groupes de 100 ou 200 individus, mais plus, c’est rare". Si l’on observe leur déclin dans certains endroits (surtout urbains), d’autres quartiers se voient eux "recolonisés".


Comment recense-t-on ces oiseaux?

C’est également ce que les spécialistes ont observé lors des divers recensements. Anne Werserbs travaille au département Etudes du pôle Aves de l’association Natagora, dédié à l’étude des oiseaux, dont l’une des missions est de faire un suivi des différentes espèces. Pour ce faire, il y a trois types de recensements. Déjà, celui du grand public, organisé chaque premier week-end de février depuis 2004, où les particuliers sont invités à renseigner les oiseaux qu’ils observent dans leurs jardins en hiver. "A côté de ça, on organise des recensements au printemps, avec des ornithologues et des bénévoles, dans ce qu’on appelle des points d’écoute. Ce sont différentes stations, et on retourne aux mêmes endroits et à la même période chaque année. Ça nous permet de suivre la plupart des oiseaux chanteurs, dont le moineau".

Enfin, il y a les atlas, réalisés tous les trente ans et ce sur une durée de 5 ou 6 ans, qui permettent de balayer tout le territoire: "Ils permettent d’avoir une vision beaucoup plus complète, mais cela demande un travail énorme. On découpe le territoire en carrés, et les ornithologues vont prospecter l’entièreté de chaque carré", explique Anne Weiserbs.


Photo: Damien Hubaut


Pourquoi ce déclin?

Le dernier atlas des Oiseaux Nicheurs de Wallonie, publié en 2007, fait état d’une population de 180.000 couples de moineaux domestiques: 16% de l’effectif aurait disparu en trente ans. A Bruxelles, la population a parfois perdu jusqu’à 10% de son effectif chaque année. Entre les années 70 et la fin des années 90, l’espèce a connu un gros déclin, principalement dans le nord et le nord-ouest de l’Europe, pour maintenant connaître une stabilisation. Qu’est-ce qui a causé cette diminution de cette espèce ? Il y a plusieurs facteurs...

*La modification de l’habitat: "On a beaucoup rénové les bâtiments, ce qui est bien pour la consommation d’énergie, mais pas pour les moineaux qui se logent habituellement dans les trous et qui manquent de sites de nidification", explique Corentin Rousseau. "Toutes les petites fermes disparaissent, les espaces verts en ville diminuent, et chaque année cela contribue à l’érosion des populations".

*Le manque de nourriture: "Les moineaux sont granivores, mais au printemps, pour nourrir leurs petits, ils vont plutôt chercher des insectes et des invertébrés, ce qui est idéal pour la croissance des jeunes". Or la population de papillons – et donc de larves, dont se nourrissent les moineaux – a fortement baissé.

*Les prédateurs: les chats ont pour habitude de croquer ces petits oiseaux... En Grande-Bretagne, où la population de l’espèce a drastiquement, baissé, on évalue à 9 millions le nombre de moineaux tués chaque année par des chats en Angleterre durant la période de nidification (Voir un article très complet sur le site de la LRBPO).


Le moineau fait partie de notre patrimoine

Faut-il s’inquiéter ? D’après Corentin Rousseau, "Ça a été préoccupant, mais ça va mieux". Si la population des moineaux ne baisse plus de manière significative, c’est parce qu’en gros, il est difficile de détruire leur habitat plus que ce n’est le cas actuellement... Il faut donc désormais faire en sorte que l'espèce ne perde davantage de plumes: "Tout le monde connait les moineaux mais peu de gens en voient. Au niveau du patrimoine, c'est important de garder des espèces et une certaine diversité. D'après une étude, dans les parcs urbains, plus il y a d’espèces, plus les gens sont heureux. Une érosion de la diversité, c'est aussi une érosion du bien-être humain. Donc plus il y a une biodiversité, plus les gens sont heureux, ils voient un peu de vie et pas seulement du béton", estime M Rousseau.


Comme Josiane, vous voulez vous réveiller avec le chant des oiseaux?

"Faut-il valoriser certains arbres pour les attirer ?", nous demande Josiane. Si vous avez ne fut-ce qu'un petit jardin, il est en effet possible de faire en sorte de créer un habitat propice au développement des moineaux. "Vous pouvez planter quelques arbres épineux, comme des aubépines, dans lesquels les moineaux pourront se réfugier s’il y a un prédateur", explique M Rousseau. Mais il y a bien plus simple pour commencer à attirer les moineaux dans son jardin: en le rendant, tout simplement, un peu plus "sauvage". Comment faire ? Le directeur de la LRBPO explique.

*Arrêtez de tondre quelques mètres carrés: "Naturellement, une végétation naturelle va revenir. Il faut du temps, quelques années parfois. Les moineaux pourront aller se nourrir dans la végétation naturelle. Même si les orties, c’est mal vu, beaucoup de papillons vont aller pondre dans les orties, parce que les chenilles se nourrissent de ça".

*Dans cet espace sauvage, faites pousser quelques fleurs: "Dans le commerce, on trouve des mélanges de graines, on peut aussi en planter, pour faire pousser certaines fleurs et plantes. Cela permet d'avoir quelques belles fleurs dans sa friche et ça pousse plus vite si on apporte directement les graines".

*Eventuellement, plantez un lierre: "Les moineaux peuvent nicher dans le lierre s’il est vraiment dense. Il suffit d’une toute petite anfractuosité dans le mur pour qu'il y aille, car il y aura moins de risque de prédation".

*Stoppez les pesticides: "Ca tue beaucoup d’insectes, et les moineaux n’en trouvent plus à manger".

*Comme Josiane, posez des nichoirs: "Ils peuvent être assez proches l’un de l’autre, car ils n’hésitent pas à nicher a quelques mètres l’un de l’autre". Mais attention, ils doivent être hors de portée des chats: "Vous pouvez placer un plateau ou une mangeoire à 2 mètres de haut, les moineaux pourront venir à cette hauteur-là même s’ils aiment manger au sol".

*Si vous avez un chat, faites en sorte qu’il s’annonce: "Mettez une petite clochette autour du cou de votre chat comme ça les moineaux l'entendront arriver".


Moineau domestiques et moineaux friquets: comment les distinguer ?

Le plus facile est de regarder la joue de l’oiseau: "Le moineau friquet a une joue avec une tache noire, le domestique n’a pas de tache. Le dessus de la tête sera roux intense chez le friquet, plutôt grisâtre chez le domestique", explique Corentin Rousseau.



Photos: Damien Hubaut


Deborah Van Thournout

À la une

Sélectionné pour vous