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"Ex Libris", les facettes de la bibliothèque de New York sous le regard de Frederick Wiseman

Un récital, un cours de codage informatique, une bourse à l'emploi: dans le documentaire "Ex Libris, the New York Public Library", le réalisateur américain Frederick Wiseman explore les facettes, souvent inattendues, de cette célèbre bibliothèque municipale.

"Dans les archives d'une bibliothèque, il y a toute l'histoire de l'humanité, toutes les idées", fait remarquer le cinéaste pour expliquer son choix de poser sa caméra dans une des plus grandes bibliothèques du monde, présente via 92 sites à Manhattan, dans le Bronx et à Staten Island.

Frederick Wiseman, 87 ans et diplômé en droit, avoue dans un entretien à l'AFP n'avoir guère déambulé entre les rayonnages d'une bibliothèque depuis la fin de ses études. "Mais j'ai pensé que je pourrais (y) tourner un film.".

Pendant trois mois, de septembre à décembre 2015, il s'est rendu dans le majestueux bâtiment central, flanqué de ses deux lions, ainsi qu'au centre Schomburg à Harlem sur la communauté noire, au centre Lincoln pour les arts et dans d'autres annexes.

Le cinéaste, récompensé en 2016 par un Oscar d'honneur, aborde cette question centrale: qu'est-ce qu'une bibliothèque? A quoi sert-elle? "Ce sont des piliers de notre démocratie", répond un intervenant, citant la romancière Toni Morrison. Bien plus qu'un espace de stockage de livres, elles concernent "les gens qui veulent s'instruire", estime une autre.

Une définition qui convient bien à la New York Public Library qui offre aussi bien des cours d'initiation au braille, de codage informatique pour les enfants, des lectures pour les tout-petits, une bourse à l'emploi, que des conférences d'écrivains, des expositions photos ou des visites de ses collections anciennes.

"Il faut un grand service public, particulièrement dans les quartiers pauvres, mais c'est vrai dans tous les quartiers où les gens n'ont pas le même accès à l'éducation et à la culture", estime Frederick Wiseman.

- Licorne -

Comme à son habitude, Frederick Wiseman a travaillé avec une équipe réduite, de trois personnes et "sans lumière ajoutée". "La plupart des séquences sont tournées caméra à l'épaule, quelquefois avec un pied, et nous sommes toujours prêts à tourner", explique-t-il. "Il faut prendre une décision de manière très instinctive, car on ne peut pas prédire ce qui va se passer."

Il en a tiré "150 heures de rush" qu'il a passé un an à monter pour aboutir au long métrage de près de 3h20, sans aucune interview ni voix off, dans les salles mercredi.

Le réalisateur capte avec justesse l'atmosphère studieuse des salles de travail, l'enthousiasme de lecteurs débattant du roman "L'amour au temps du choléra" de Gabriel Garcia Marquez, la patience d'un employé au standard expliquant à son interlocuteur qu'une licorne est un animal imaginaire dont il est fait mention pour la première fois dans un ouvrage en 1225.

Il rend compte des interrogations de la direction de cette institution ouverte à tous: comment assurer l'accueil de sans-abri? Comment récolter des fonds publics et privés pour financer ses programmes? Comment répartir cet argent entre l'achat de livres papier et électronique? Entre best-sellers et publications plus pointues?

Tout au long de son oeuvre prolifique, avec plus de 40 films à son actif, Frederick Wiseman s'est penché sur les institutions, aussi bien aux Etats-Unis qu'en France où il passe "au moins la moitié de l'année" depuis 2000.

"Ce qui m'intéresse le plus, c'est d'enregistrer le comportement humain dans des situations différentes" et "comment les gens réagissent quand il y a des règlements", explique-t-il. Une institution "a les mêmes fonctions que les lignes sur un court de tennis: ça donne une limite", ajoute-t-il.

Frederick Wiseman s'est fait connaître en 1967 avec son premier long métrage, "Titicut Follies". Interdit pendant 25 ans aux Etats-Unis, il montre la vie quotidienne dans un hôpital psychiatrique pour malades mentaux criminels dans le Massachusetts.

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