Accueil Actu

"L'intrusa", une héroïne ordinaire face à ses choix à Naples

Droite, le regard franc, Giovanna veille sur un centre pour enfants dans un quartier populaire de Naples. Mais l'irruption de la femme d'un mafieu en fuite, "L'intrusa", va rompre l'harmonie du lieu et obliger Giovanna à faire des choix.

Le long-métrage de Leonardo Di Costanzo, dans les salles mercredi, et présenté à Cannes dans le cadre de la Quinzaine des réalisateurs, s'ouvre sur des enfants réunis dans un vaste jardin pour réaliser un animal en papier mâché. Ce coin de verdure, coloré par des fresques, est entouré d'immeubles décatis survolés par des hélicoptères.

Ce havre de paix dans la périphérie de Naples est dirigé avec douceur et fermeté par Giovanna (Raffaella Giordano). A 56 ans, la danseuse et chorégraphe italienne prête à son personnage sa silhouette élancée, son regard bleu et clair et sa démarche tranquille.

Autour d'elle, les bénévoles du centre, des enfants et des mères, souvent très jeunes. Elles les y emmènent pour leur offrir un espace de jeu, une respiration par rapport à un environnement extérieur très peu montré, mais qu'on devine difficile.

Le calme de l'institution est rompu le jour où Maria (Valentina Vannino) trouve refuge avec sa fillette, Rita (Martina Abbate) et son nourrisson dans une maisonnette située dans le centre d'accueil. Mais la jeune femme a omis de dire qu'elle est l'épouse d'un tueur à gages de la Camorra, la mafia napolitaine, en fuite.

"Je voulais faire un film sur le monde du bénévolat", explique le cinéaste italien à l'AFP. Venu du documentaire, il se renseigne alors en discutant avec des amis qui travaillent dans ce secteur, à Naples et dans ses environs, et s'inspire de faits réels.

"Je me suis toujours intéressé aux figures de médiation sociale. Ils se trouvent dans des zones de conflit" et vu leurs difficultés et les réponses qu'ils apportent, "ont des parcours de héros" romanesques, estime Leonardo Di Costanzo.

- "Bouc émissaire" -

Son héroïne, Giovanna, "est en train d'imaginer de nouvelles manières de créer des rapports aux autres, dans un quartier dominé par une logique mafieuse", raconte-t-il.

Mais sa décision de ne pas expulser la femme du mafieu et ses enfants remet tout en cause. Giovanna doit alors composer entre sa volonté de les aider et de les intégrer, peu importe ce qu'a fait le mari, et l'incompréhension, puis l'hostilité croissante des mères des autres enfants, des bénévoles du centre ou encore des responsables de l'école avoisinante. La petite Rita, elle, s'acclimate petit à petit à son nouvel environnement.

"Faut-il les exclure, comme un danger, en faire un bouc émissaire? Ou est-ce qu'intégrer Maria, comme le dit Giovanna, fait partie des raisons pour lesquelles ces bénévoles sont là?", s'interroge le réalisateur. Pour son héroïne, "il ne s'agit pas tellement de se retrouver entre personnes convaincues" du bien fondé de leur projet, mais de tenter d'"interrompre un mécanisme de reproduction de la mentalité mafieuse" en offrant une chance à Maria et à ses enfants de s'extraire de leur milieu.

Pour autant, Leonardo Di Costanzo n'a pas voulu faire un film sur la Camorra. "Dans un récit il y a souvent des bons et des méchants et chez nous (à Naples) les méchants, ce sont les mafieux", plaisante-t-il.

Hormis Raffaella Giordano, la plupart de ses acteurs, enfants comme adultes, sont des amateurs venus du bénévolat et se révèlent très justes.

Leonardo Di Costanzo signe ici sa deuxième fiction. Il avait réalisé en 2013 "L'Intervallo", qui évoquait aussi la mafia à Naples et la relation entre deux adolescents. Auparavant, il avait tourné plusieurs documentaires sur des sujets sociaux.

À la une

Sélectionné pour vous