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"Les Parisiens" d'Olivier Py, comédie acide au trash assumé

Le directeur du festival d'Avignon Olivier Py livre une pièce exubérante de presque 5 heures, où le lyrisme le dispute au trash le plus cru, "Les Parisiens", peinture acide d'un monde où l'entre-soi règne en maître.

"Il y a là dedans tout ce qu'on me reproche" affirme-t-il, sourire en coin. Son lyrisme échevelé, son mysticisme et son homosexualité affichée, son humour aussi, et une bonne dose d'autodérision.

La scène s'ouvre sur un décor très haussmannien, de beaux immeubles autour d'un sol en damier noir et blanc.

Le début est brillant, spirituel, moquant ces "Parisiens" que l'auteur divise en deux catégories: les perdants et les gagnants. Les premiers sont "les directeurs d'Opéra sur le départ (...) metteurs en scène caractériels qui croient avoir inventé la roue (..) ratisseurs désespérés des soirées de première" etc.

Les valeurs montantes sont "les crabes supérieurs du panier", ministres arrivistes, petits Rastignac à l'assaut de la capitale, éminences grises, comme "Jacqueline" (Mireille Herbstmeyer) redoutable vieille pie en tailleur moutarde qui se targue de faire et défaire les princes.

Olivier Py brode là sur un thème familier: la corruption du pouvoir, la bassesse des courtisans, déjà évoqués dans "Orlando", la comédie brillante qu'il avait montée pour sa première édition du festival en 2014.

Déjà, on pouvait reconnaître l'ex-ministre de la Culture de Nicolas Sarkozy, Frédéric Mitterrand, qui l'avait évincé de la direction du théâtre de l'Odéon pour y placer Luc Bondy.

Le revoici, encore plus ridicule, mais l'allusion paraît rassie. Pourquoi resservir ce plat refroidi, alors qu'Olivier Py est désormais directeur du festival d'Avignon?

- roman de 600 pages et 80 personnages -

"Les Parisiens" sont l'adaptation à la scène de son roman éponyme de 600 pages et 80 personnages (Actes Sud), que la critique n'avait pas épargné ("Roman illisible et infantile ... Invraisemblable logorrhée" pour Jérôme Garcin de L'Obs).

De ce roman fleuve, Olivier Py a retenu pour la pièce l'intrigue de la nomination d'un directeur d'Opéra, doublée de l'ascension d'un jeune metteur en scène virevoltant, redoutable séducteur, Aurélien, et de la chute aux enfers de son double douloureux, Lucas.

Les deux personnages, qui reflètent la dualité d'Olivier Py comme on l'aura deviné, étaient déjà là dans "Le Cahier noir", son journal d'adolescent adapté en novembre 2016 au Centquatre à Paris. Un texte émouvant, exalté, encore empreint d'innocence.

Dans "Les Parisiens", cette innocence est loin, et la pièce en devient terriblement cynique, voire trash pour ses nombreuses allusions sexuelles.

Rien n'est épargné au spectateur des turpitudes des personnages, qui rivalisent de perversions dans leurs pratiques, jusqu'à une scène pathétique où Philippe Girard se retrouve à aboyer en chien pour mimer une scène de zoophilie.

La "grande comédie noire, grinçante" voulue par Olivier Py est certes parfois drôle mais n'évite ni la vulgarité, ni la répétition.

Comme toujours chez lui, le besoin de rédemption le dispute aux turpitudes, et un frère dominicain (le même Philippe Girard) prêche longuement l'absence de Dieu et la joie de l'amour, sous une toile peinte représentant un Christ en croix.

Au final, l'intrigue semble faire des boucles, allant toujours plus loin dans la provocation et tombant dans le piège de ce "théâtre ampoulé" que l'actrice déchue reproche dans la pièce au jeune metteur en scène arrogant. On n'est jamais mieux servi que par soi même.

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