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"Ludwig" à Avignon: consécration de 30 ans de travail avec des handicapés

En accueillant "Ludwig, un roi sur la lune" du 8 au 13 juillet, le Festival d'Avignon apporte une "consécration" au travail singulier mené depuis 30 ans par la metteure en scène Madeleine Louarn avec des handicapés.

"Bien sûr c'est une consécration. On aurait même jamais imaginé être là", confie la Bretonne, qui travaille avec des handicapés au sein de l'atelier Catalyse aux Genêts d'Or, un Etablissement d'Aide par le travail à Morlaix depuis 1994.

A l’origine éducatrice, Madeleine Louarn fait connaissance avec le théâtre à travers les ateliers culturels organisés dans les institutions avec une visée thérapeutique.

Au bout de 7 ans de ce travail, elle change de métier et fonde sa compagnie Entresort. "Quand on est sur le terrain social, il y a toujours ce glissement qui fait que vous êtes censés faire du théâtre pour autre chose, pour que ça exprime des difficultés, que ça vous permette d'aller en un peu mieux, il y a des volontés sociales et thérapeutiques", explique-t-elle.

"Pour moi ça n'a jamais été le but. J'ai toujours pensé que les handicapés avaient une part entière dans le théâtre."

Convaincue que "le théâtre appartient à tout le monde", Madeleine Louarn poursuit deux voies parallèles: un travail théâtral "classique" avec sa compagnie Entresort et une collaboration assidue avec Catalyse, avec une quinzaine de pièces à ce jour avec des comédiens handicapés.

"C'est ce travail qui est le plus repéré, parce qu'il est le plus singulier", reconnaît-elle.

Les acteurs handicapés apportent un "décalage" à l'interprétation classique: "c'est comme si on avait une autre musicalité et une autre partition".

- Des acteurs uniques -

Bousculé dans sa perception du théâtre, le spectateur redouble d'attention. L'imperfection de la diction, la présence de corps différents, marqués par le handicap, font de Jean-Claude, Christelle ou Guillaume "des acteurs exemplaires et uniques".

Leur performance est généralement très bien reçue par le public: "il y a réellement une très grande écoute, le spectateur est particulièrement touché parce qu'il est pris à un endroit inconnu pour lui, il y a un effet émotionnel assez fort", témoigne Madeleine Louarn.

Le spectateur voit autant l'acteur, avec sa personnalité singulière, que le personnage. "On voit l'acteur aux prises avec ses avatars, on voit aussi les ficelles du jeu. Il y a une sorte de genèse du théâtre", explique-t-elle.

Un souffleur rappelle parfois leur texte aux acteurs, "un artifice qui n'existe qu'au théâtre et que je trouve magnifique", dit-elle.

C'est Olivier Py, le directeur du Festival d'Avignon, qui a décidé d'inviter la troupe après l'avoir vue dans "Les Oiseaux" de Frédéric Vossier d'après Aristophane à Vedène l'hiver dernier.

Pour le Festival, Frédéric Vossier et Madeleine Louarn ont décidé de travailler sur la figure de Louis II de Bavière, un roi "handicapé", à la limite de la folie.

"Il y a trois passions essentielles chez Louis II, la musique de Wagner, les châteaux et tout ce qui est de l'ordre de la beauté, et les jeunes hommes, la troisième étant tout à fait inavouée", rappelle Madeleine Louarn.

La musique signée par Rodolphe Burger, fondateur du groupe rock Kat Onoma, est très importante dans la pièce et est interprétée sur le plateau. Deux danseurs, le chorégraphe Loïc Touzet et Agnieszka Ryszkiewicz ont travaillé avec les acteurs de Catalyse.

Le choix de la figure du roi romantique n'est pas anodin: Ludwig, diagnostiqué paranoïaque et destitué pour être interné, pose la question du normal et de l'anormal, comme les acteurs handicapés.

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