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"Orpheline": un portrait cru de femme servi par un quatuor d'actrices

A mille lieux du marchand de chevaux justicier de "Michael Kohlhaas", Arnaud des Pallières s'attache pour la première fois d'aussi près à un destin féminin dans "Orpheline", avec un quatuor d'actrices remarquables.

Adèle Haenel, Adèle Exarchopoulos, Solène Rigot et la jeune Vega Cuzytek incarnent les quatre âges - 6, 13, 20 et 27 ans - de l'héroïne, en butte à une enfance brisée, une adolescence violentée et une maturité empêchée par un lourd passé.

"On est partis de l'histoire de Christelle Berthevas, ma co-scénariste sur +Michael Kohlhaas+, elle me l'avait racontée par morceaux, comme on raconte un peu de sa vie à certaines occasions", a confié Arnaud des Pallières à l'AFP.

"Ca faisait un petit moment que j'avais conscience d'un manque dans mon travail, un manque de sérieux dans la représentation de personnages féminins", ajoute le réalisateur de 55 ans, dont c'est le cinquième long métrage.

L'histoire crue de cette femme qui se fraye un chemin à travers la violence de la vie est inspirée "quasiment à 100%" de l'enfance et de la jeunesse de Christelle Berthevas, mais le personnage adulte, incarné par Adèle Haenel, a été "principalement inventé".

Le film débute en prison, couloir blanc aseptisé et sortie d'écrou. Tara (Gemma Arterton, impériale) refait surface après avoir purgé sa peine et réclame son dû à Renée (Adèle Haenel), sa complice, qui avait réussi à se faire une place dans la société au prix d'un gros mensonge.

Renée va devoir replonger dans son passé, tandis que le film remonte le cours du temps, vers la jeune fille, l'adolescente battue par son père puis la petite fille confrontée au traumatisme originel.

Ce qui intéresse le cinéaste, ce n'est pas tant le terreau social que la personnalité de son héroïne "aventureuse", plus encline à s'exprimer avec la sensualité du corps qu'avec les mots.

- Dans la peau d'une femme -

"Toute l'aventure pour moi consistait à essayer de vivre et sentir du point de vue du personnage féminin", souligne le cinéaste. "C'est quoi traverser toutes ces épreuves, toutes ces expériences dans la peau d'une femme?"

Ni film psychologique, ni polar, le film "traverse plusieurs univers, qu'on soit dans une casse automobile avec la petite fille, dans une boîte de nuit avec l'adolescente, dans le milieu interlope des hippodromes ou sur les routes en Roumanie", relève le réalisateur.

Avec ses gros plans sur les visages, son cadre serré, son grain brut qui ne cache aucun défaut de peau ou de maquillage, le film réussit à faire de ses quatre actrices un seul personnage, bouche barbouillée de rouge et regard noyé de rimmel. Chacune porte pourtant un nom différent: Kiki, Karine, Sandra, Renée.

Mais c'est bien la même fille qui grandit, murit, se reprend en main silencieusement pour finalement dire "stop" et renverser le cours des choses.

Arnaud des Pallières assume le grand écart entre chacun de ses films: "à chaque fois je suis allé quasiment à l'endroit opposé du film précédent, je pense que j'ai pris l'univers le plus lointain de Kohlhaas", sourit-il.

"Michael Kohlhaas", sélectionné au Festival de Cannes en 2013 où il avait été bien accueilli, raconte l'histoire au XVIe siècle dans les Cévennes, d'un marchand de chevaux victime de l'injustice d'un seigneur et qui met le pays à feu et à sang pour rétablir son droit.

"Je pense aller tout à fait ailleurs après. Le cinéma et pour moi une façon d'apprendre des choses. Je m'ennuie de moi et j'essaie d'aller vers ce qui est l'autre en moi, ça peut être la femme, la nature, le passé, l'histoire..."

Après "Orpheline", qui est "un film extrêmement peuplé avec plus de 70 rôles", Arnaud des Pallières travaille sur un film "autour de la figure d'un homme qui quitte tout pour devenir clochard, vagabond."

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