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"Une vipère avec le vice dans la peau": voici la véritable histoire du "monstre" Dubuisson

Ce n'est pas un livre, c'est un cri de colère contre l'injustice. Le roman fleuve de Philippe Jaenada, "La petite femelle" (Julliard), en librairie depuis lundi, est une des oeuvres les plus intenses de la rentrée littéraire.

"C'est complètement par hasard que j'ai croisé le chemin de Pauline Dubuisson", la "petite femelle" qui, accusée du meurtre de son amant fut la femme la plus haïe de France au début des années 1950, raconte Philippe Jaenada, un écrivain singulier dont l'extrême sensibilité, constante dans chacune de ses oeuvres, s'accorde mal avec son impressionnant physique de colosse.


Après le cambrioleur, l’assassin

Après son roman sur le gentleman cambrioleur Bruno Sulak (qui lui a valu l'an dernier le prix des lycéennes de Elle), "j'avais envie de parler de quelqu'un d'un peu dans la marge, d'une femme", poursuit l'écrivain, rencontré dans un quartier populaire du nord-est de Paris. Reconnaissant avoir eu de "l'empathie" pour la figure du "voyou" Sulak, ce que d'aucuns lui ont reproché, Jaenada espérait rectifier le tir en s'attelant au portrait sans concession d'une criminelle.


Une des grandes criminelles du XXème siècle

"Je voulais écrire quelque chose de plus noir, de plus sombre", insiste-t-il. Il repère Pauline Dubuisson dans un livre de portraits des grandes criminelles du XXe siècle. Ce sera donc l'histoire de cette femme, "présentée comme une vraie vipère qui avait le vice dans la peau". Accusée du meurtre de son amant en 1951, condamnée en 1953, à l'âge de 26 ans, à la prison à perpétuité après une instruction bâclée et un procès vite expédié, Pauline Dubuisson devait être un monstre, se dit Jaenada.


L’histoire n’est pas celle que l’on croit

Sauf qu'au fil de ses méticuleuses recherches, il s'aperçoit que ce portrait à charge de celle qui fut surnommée "la hyène du Nord" (elle était originaire de la région de Dunkerque) ou encore "la ravageuse" ne correspondait pas à la réalité. Une année de recherches a été nécessaire pour rassembler les éléments épars sur Pauline Dubuisson. Jaenada s'est voulu "le plus précis, le plus juste et le plus fidèle qu'on puisse être" pour rendre compte de la courte vie de Pauline. "Je n'ai rien inventé", insiste-t-il.


La vérité rétablie ?

Aucun document, policier ou judiciaire, n'a échappé à sa vigilance. Il a épluché toutes les pièces du dossier, lu quasiment tous les articles consacrés à l'affaire. Cela donne au final un livre de plus de 700 pages rédigé d'une plume alerte qui rend enfin justice à cette femme honnie. En 1961, avec "La Vérité", Henri-Georges Clouzot avait été lui aussi inspiré par l'affaire Dubuisson en offrant à Brigitte Bardot un de ses plus beaux rôles.


Une histoire qui inspire de nombreux romanciers

Le prix Nobel de littérature Patrick Modiano raconte avoir croisé "par hasard" à la même époque Pauline Dubuisson qui venait d'être libérée pour bonne conduite, rue du Dragon à Paris. Modiano affirme avoir reconnu la jeune femme car il avait été "impressionné" par le regard de Pauline, photographiée en Une de Paris-Match au moment de son procès lorsqu'il avait une dizaine d'années. Au début de l'année (alors que Jaenada terminait l'écriture de son livre), Jean-Luc Seigle a publié "Je vous écris dans le noir" (Flammarion) qui reprend, d'une façon très romancée et pas toujours conforme à l'exactitude des faits, l'histoire de Pauline Dubuisson.


Témoin de la misogynie de l’époque

Pour Jaenada, l'affaire Dubuisson illustre la misogynie encore forte dans la France de l'après-guerre. Ce que n'ont pas supporté ni les policiers, ni les juges, ni l'opinion publique, excitée par une presse parfois hystérique, c'est le refus de Pauline de se comporter en femme soumise. "Elle ne fond pas en larmes en demandant qu'on lui pardonne", rappelle-t-il. "Cette résistance frontale, cette insolence, les a rendus fous. Ils l'ont détruite", s'insurge l'auteur.


Elle s’est donné la mort à 36 ans

Exilée au Maroc après la sortie du film de Clouzot, exerçant la fonction de médecin, ayant changé d'identité, elle tentera en vain d'échapper à son destin. Une photo d'elle publiée dans un vieux magazine oublié sur la table de la salle d'attente d'un dentiste fera resurgir son passé et anéantira ses espoirs d'une nouvelle vie. Elle se suicide, à l'âge de 36 ans.

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