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A la Maison de la Danse de Lyon, la désillusion de l'Afrique du Sud post-apartheid

Dans leur création "Via Kanana", présentée à la Maison de la Danse à Lyon à partir de mardi, la compagnie Via Katlehong et le chorégraphe Gregory Maqoma s'associent pour exprimer la désillusion de l'Afrique du Sud post-apartheid.

"C'est une création sur les promesses non tenues, mais aussi sur ce que nous laissons comme héritage aux prochaines générations", déclare Gregory Maqoma, chorégraphe originaire de Johannesburg, à l'AFP.

"On nous a promis que la démocratie apporterait le changement, mais beaucoup d'entre nous n'ont toujours pas de terre, le taux de chômage est à son plus haut, et il n'y a jamais eu autant de corruption et de meurtres insensés de femmes et d'enfants", déplore-t-il.

En langue sotho, parlée en Afrique du Sud et au Lesotho, "Kanana" évoque une terre sans corruption, ni avidité, et dont l'espoir a été déçu.

"Via Kanana" est la première collaboration entre Gregory Maqoma, issu de la danse contemporaine, et la compagnie Via Katlehong, qui pratique notamment la danse "pantsula".

Pratiquée depuis les années 1970 par des jeunes du township, le pantsula, qui se danse habituellement sur fond de house music, mêle des tapements de pieds et des mouvements de jambes rapides.

M. Maqoma, lui-même venu à la danse grâce aux danses de rue, a accueilli l'invitation des Via Katlehong "à bras ouverts".

Pour Buru Mohlabane, directeur artistique des Via Katlehong, "notre travail vient de la rue. Le pantsula, le gumboot (danse de mineurs à base de frappes des mains sur les cuisses et les mollets, ndlr) sont plutôt des formes naturelles de danse que nous n'avons pas apprises à l'école" et auxquels Gregory Maqoma apporte un "regard académique".

- 'Une réponse de vitalité' -

Sur scène, des images en noir et blanc des townships sont projetées sur deux écrans, sur lesquels s'ajoutent, telles des ombres chinoises, les silhouettes des six danseurs et deux danseuses, vêtus de chemises chatoyantes.

Alternant les styles de danse sur des musiques électro mêlées de rythmes africains, les différents tableaux évoquent la corruption qui séduit, qui manipule, qui fait perdre la raison et qui tue.

Les Via Katlehong sont "des passeurs", estime la directrice de la Maison de la Danse Dominique Hervieu. "C'est une danse de révolte post-apartheid, qui réagit à la violence du monde, mais le discours ne l'emporte pas sur la danse et leur réponse est une réponse de vitalité et non une contestation stérile".

Avec cet échange avec Grégory Maqoma, la compagnie sud-africaine, née en 1992 et qui occupe pour la troisième fois la scène de l'institution lyonnaise, franchit "une étape supplémentaire" en confrontant "la tradition urbaine avec la création actuelle", relève Mme Hervieu.

Après cinq représentations à Lyon jusqu'à vendredi, "Via Kanana" partira en tournée en France et en Belgique jusqu'en février 2018. Ce spectacle sera notamment présenté à La Villette à Paris du 6 au 9 décembre.

Et pourquoi pas se produire ensuite en Afrique du Sud ? "C'est ce que nous voulons faire. Cela parle aux Sud-Africains, même si cela pourrait déranger beaucoup de personnes ; c'est la vérité", assure Grégory Maqoma.

"Ce que nous a apporté la démocratie dans notre pays, c'est la liberté d'expression : nous pouvons nous exprimer et commenter la politique, notre culture, nos traditions, notre société et nous devons le faire, cela fait partie de notre responsabilité en tant qu'artistes", poursuit le chorégraphe.

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