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Abou Dhabi: une reconnaissance et une première pour le Grand Louvre

L'ouverture du Louvre Abou Dhabi cette semaine marque à la fois la reconnaissance de la réussite du Grand Louvre, musée le plus visité au monde, et un défi pour ses équipes engagées dans un projet unique en son genre.

En écho à la pyramide du Louvre d'I.M. Pei à Paris, le remarquable dôme du musée émirien créé par Jean Nouvel est, 28 ans plus tard, comme un symbole des enjeux financiers, muséographiques et d'image que le "Louvre des sables" représente pour l'institution parisienne.

Pas de confusion, affirme d'emblée le président du Louvre, Jean-Luc Martinez. Le Louvre Abou Dhabi "est un musée émirati qui dépend du gouvernement émirati. C'est ce gouvernement qui a souhaité que nous accompagnions ce projet".

"L'ambition du Grand Louvre était d'inventer un musée pour le monde d'aujourd'hui", rappelle-t-il. Il avait été conçu pour deux millions de visiteurs. Il en a reçu 7,3 millions en 2016, dont plus de 70% d'étrangers - Américains, Chinois, Coréens, Japonais...

Même après les attentats de 2015 et la baisse de fréquentation de 15% qui s'en est suivi l'an dernier, le musée parisien continue à devancer nettement ses grands rivaux anglo-saxons.

"C'est cette expertise, fruit de 30 ans de développement des musées français, que les Emiriens sont venus chercher à Paris", estime Jean-Luc Martinez, qui est aussi président du Conseil scientifique de l'Agence France Museums (AFM), entité publique créée en juillet 2007 pour conseiller les autorités des Emirats Arabes Unis. "L'enjeu pour nous, c'est d'être à la hauteur de cette réputation", ajoute-t-il.

- Une marque -

Simple assistance technique ? Démonstration de savoir-faire ? Pas seulement : le spectaculaire bâtiment construit sur l'île Saadiyat porte le nom de "Louvre Abou Dhabi" et l''utilisation de cette marque engage l'établissement parisien.

Elle constitue aussi pour lui un important enjeu financier: le gouvernement émirati doit verser 400 millions d'euros pour avoir le droit d'employer le nom Louvre pendant trente ans et six mois.

Une somme que l'entité parisienne doit consacrer exclusivement à des dépenses d'investissement. "C'est ainsi que nous avons pu financer le Projet Pyramide (réaménagement du hall d'accueil du public), souligne Jean-Luc Martinez, ou créer le centre d’interprétation du Pavillon de l'Horloge", dédié à l’histoire du Louvre et à ses collections et qui porte le nom de Sheikh Zayed bin Sultan al Nahyan, "père fondateur" des Émirats Arabes Unis.

Le Louvre Abou Dhabi est "un musée universel, le premier du monde arabe", affirmé Jean-Luc Martinez. "C'est un cas unique. Nous sommes partis d'une feuille blanche", et d'une certaine manière, le projet a rouvert le débat sur l'idée même d'universalité.

"Il a fallu renouveler l'universalisme du Louvre, dont les valeurs sont partagées par les responsables émiriens", affirme-t-il.

Autre défi de taille, "comprendre le futur public de cette institution, qui sera émirati d'abord mais viendra aussi du Proche-Orient et d'Asie", note le président du Louvre. "Quelle sera sa pratique muséale ? Des visiteurs chinois ou coréens n'ont pas toujours les repères historiques ou géographiques nécessaires".

- Fraîcheur du regard -

L'expérience Abou Dhabi a été l'occasion de développer une réflexion engagée depuis plusieurs années sur la diversité des publics. La perspective a changé: l'Europe n'est plus forcément au centre et une nouvelle approche est nécessaire.

"Nous avons retrouvé grâce à Abou Dhabi une fraîcheur du regard, cette volonté de donner une forme de liberté au visiteur, de lui fournir des clés de compréhension", résume Jean-Luc Martinez, tout en précisant : "le musée aura sa stratégie propre, sa politique du public. L'accord prévoit un transfert de compétences, avec une place importante accordée à la formation".

Le Louvre Abou Dhabi a-t-il suscité des vocations ? "A ce jour, aucun autre pays n'a demandé à bénéficier d'un type d'accompagnement comparable", souligne le président du Louvre.

"C'est une première. Si elle est réussie, ça suscitera peut-être des demandes, mais c'est d'abord d'une démarche émirienne. Il ne s'agit pas de la vente de je ne sais quelle stratégie de développement du musée", assure-t-il.

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