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Mort d'Alain Senderens: le monde de la gastronomie rend hommage à un "visionnaire"

"Un visionnaire", "l'un des plus grands": le monde de la gastronomie rendait hommage mardi à Alain Senderens, après la disparition de ce grand nom de la Nouvelle cuisine, qui a formé plusieurs générations de chefs.

Le cuisinier est mort dimanche à l'âge de 77 ans et sera incinéré mercredi en Corrèze où il était installé, a indiqué à l'AFP sa femme, Eventhia Senderens.

De nombreux chefs ont réagi des quatre coins du globe en apprenant la disparition de ce champion des accords mets-vins, très tôt passionné par les cuisines du monde.

Paul Bocuse et sa brigade ont salué sur Twitter la mémoire de "l'un des plus grands de la gastronomie française", l'Américain Thomas Keller "un grand chef", le Danois René Redzepi une source "d'inspiration, une personne toujours élégante et classe".

- 'Honneur de la France' -

"Ce cuisinier était l'honneur de la France, un visionnaire, qui a révolutionné la cuisine française avec son collègue Michel Guérard", a déclaré Paul-François Vranken, PDG du groupe Vranken-Pommery et propriétaire du Lucas Carton, qui s'est dit "très ému".

Alain Senderens, décédé à 77 ans, aura travaillé jusqu'en juillet 2014 dans ce restaurant de la place de la Madeleine, qu'il avait repris en 1985. Il y avait obtenu trois étoiles, avant de les rendre en 2005 à la surprise générale, pour "supprimer le tralala et les chichis".

- 'Un compagnon qui s'en va' -

Michel Guérard, l'un des principaux chefs de file avec Alain Senderens, Paul Bocuse, Alain Chapel et Pierre Troisgros du mouvement de la Nouvelle cuisine dans les années 1970, s'est dit "effondré" par la disparition d'"un vrai ami".

"C'est un compagnon de plus qui s'en va. J'aurais aimé qu'il reste là un peu plus longtemps", a déclaré le chef du restaurant triplement étoilé Les Prés d'Eugénie, dans les Landes.

"Tous les deux, nous mettions un point d'honneur à ne jamais copier l'autre. A celui qui avait l'idée, on disait, bravo, je regrette de ne pas l'avoir eue avant toi, mais on se respectait d'une manière suprême, c'était un code de bonne conduite auquel on n'a jamais dérogé."

"La Nouvelle cuisine française, c'était une armée de copains qui avaient du talent mais ne se prenaient pas au sérieux et vivaient joyeusement leur métier", a rappelé Michel Guérard, 84 ans, à propos de ce mouvement qui a révolutionné la cuisine en l'épurant et l'allégeant.

- 'Un Monsieur' -

"C'était un Monsieur, et on l'appelait Monsieur", a raconté Christopher Hache, 35 ans, chef des cuisines de l'Hôtel de Crillon, qui a travaillé aux côtés d'Alain Senderens de 2004 à 2006 au Lucas Carton, où il a été chef de partie rôtisseur puis sous-chef.

"C'était des moments très intenses, très durs, mais tous ceux qui ont fait l'école Senderens sont aujourd'hui de grands chefs. Il nous a transmis énormément de choses."

"Il s'est beaucoup inspiré des cuisines du monde, que ce soit les sauces thaï, les cuissons à l'étouffée", a-t-il rappelé. "Et il avait ce regard en plus sur le vin. Au Lucas Carton il mettait toujours en avant le vin. Il nous disait: un vin, on ne peut pas le changer, par contre ce plat, il faudrait changer ceci, modifier cela. Il avait cette capacité à créer des accords assez exceptionnels."

"Le canard Apicius était l'emblème de la maison. On le pochait dans un bouillon épicé, il était ensuite rôti entier, on le glaçait avec un miel épicé", dit M. Hache qui se "rappelle du dernier service trois étoiles comme si c'était hier. On avait fait un sacré menu!"

- 'Un poète' -

"On a perdu l'une des plus belles mains de la cuisine française. C'était la précision, la justesse, l'originalité, la créativité. J'avais en face de moi un peintre, un poète", a réagi Alain Passard, 60 ans, qui a travaillé à ses côtés de 1977 à 1979, rue de Varenne, à l'Archestrate. Passard rachètera ensuite le restaurant de son maître, rebaptisé l'Arpège (trois étoiles Michelin).

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