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Avec "Prouve-le" et "#vérité", le théâtre contre la désinformation

Après le harcèlement scolaire l'an dernier, la Comédie de Valence a encore tapé dans le mille en choisissant les théories du complot pour ses "Controverses", avec deux pièces créées à l'issue de résidences dans des collèges.

Depuis 2013, la scène nationale organise des "Controverses" dans le cadre de sa mission d'éducation artistique. L'idée, engager un dialogue entre des artistes et des jeunes sur des sujets qui font débat : le genre en pleine polémique sur la Manif pour tous, la monstruosité (jihad et enfants soldats) l'année suivante, le harcèlement scolaire en 2016.

Pour 2017, dans un contexte de "post-vérité", fausses informations et autres "vérités alternatives", le thème des théories du complot est plus que jamais un enjeu d'éducation.

"On a beaucoup de profs qui essaient, qui ne savent pas comment s'y prendre et qui se rendent compte que plus ils essaient de déconstruire des théories du complot, plus ils enfoncent le clou", explique Maïanne Barthès, la jeune metteure en scène de "Prouve-le", jouée à La Fabrique de Valence, une antenne de La Comédie, jusqu'au 17 mars et qui partira ensuite un mois en comédie itinérante.

Et à la veille de la semaine de la presse dans les écoles, alors que beaucoup de journalistes se mobilisent pour l'éducation aux médias, le théâtre prouve qu'il peut aussi être un puissant vecteur de lutte contre la désinformation.

C'est le cas de "Prouve-le". L'auteure, Lucie Vérot, a choisi un sujet très bon client du conspirationnisme: les virus.

Célia et Théo tombent malade en même temps, a priori simple syndrome gastrique classique en hiver. On est en pleine épidémie Zika, "maladie qui te fait immédiatement rétrécir la tête", affirment-ils. En s'imaginant beaucoup plus gravement malades que ça.

De fil en aiguille, ou plutôt de Google en YouTube, ils se mettent à penser que c'est leur prof, Mme Albane, celle qui a d'incroyables "cernes vertes", qui leur a transmis ce virus, probablement avec la complicité du nouveau laboratoire qui vient de s'installer dans le coin.

- Comprendre par l'émotion -

Cette pièce, accessible dès 9 ans, semble d'autant plus efficace sur le jeune public qu'elle n'est pas moralisatrice et ne diabolise pas ces deux jeunes tombés dans le complotisme.

"Qu'ils remettent en cause les théories officielles, ce n'est pas du tout une mauvaise chose, c'est l'esprit critique. Mais à un moment, ils vont s'arrêter de remettre en question. Et c'est là, qu'ils voient des preuves partout", relève la metteure en scène.

Dans cette spirale, le texte montre assez finement la responsabilité des adultes et la difficulté à trouver la bonne réponse, entre la professeure qui essaie maladroitement de prouver aux élèves qu'ils ont tort et leurs parents ou camarades qui les traitent de "paranoïaques".

Sans doute la prise de conscience du jeune public intervient-elle à la fin, quand Théo et Célia réalisent que la diffusion de ces rumeurs a eu des conséquences dramatiques sur leur professeure.

"La fin, elle est triste parce qu'en fait, c'est pas vrai tout ce qu'on a raconté sur elle", conclut candidement une jeune spectatrice lors du débat organisé à la fin de chaque représentation.

Avec "#vérité" (prononcer hashtagvérité), on plonge dans une théorie plus légère, celle des chats, ces stars de YouTube, vus comme des maîtres cachés du monde.

L'écran est sur scène avec un procédé de fausse navigation sur internet et de fausses vidéos ou journaux télévisés tournés avec des collégiens pendant la résidence d'artiste. L'idée est ici davantage d'insister sur les notions de source d'information et de détournement des images.

"#vérité" sera rejouée le 11 avril dans le cadre de la Biennale des Arts numériques de Bron, près de Lyon, et la saison prochaine à Dijon.

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