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Bouleversante adaptation d'"Un amour impossible" de Christine Angot

Une mère, une fille: Bulle Ogier et Maria de Medeiros offrent une interprétation bouleversante du texte de Christine Angot "Un amour impossible" au Théâtre de L'Odéon - Ateliers Berthier jusqu'au 26 mars.

L'adaptation à la scène du dernier roman de Christine Angot était délicate: comment faire passer l'intimité de cette écriture sèche, incisive, jamais mélodramatique, sans tomber dans le mélo, justement?

Célie Pauthe, qui était tombée amoureuse du roman à sa parution en 2015, a longuement travaillé avec Christine Angot, qui a adapté elle-même son texte, le ramassant sans presque rien ôter de l'histoire qui court sur trente ans, de la naissance de Christine de "père inconnu", parce que le grand amour de sa mère refuse de l'intégrer à sa famille bourgeoise, jusqu'à l'inceste, le silence de la mère et finalement la réconciliation.

Bien sûr, cette histoire de mère et de fille est d'abord celle de Christine Angot, étendard de l'autofiction en littérature, mais au-delà, chaque spectateur pensera à sa propre mère, au moment où on arrête de dire "maman", où on s'agace, où on espace les coups de fil, bref, où on devient cruel avec celle qu'on a tant aimée.

Dans une scène particulièrement violente, Christine met sa mère à la porte au moment du dîner, tant elle trouve insupportable de s'assoir devant elle à table, de faire semblant de mener une conversation quand tout lui est torture.

Maria de Medeiros réussit à incarner Christine dans l'enfance, dans les jeux innocents avec sa mère, les chatouilles et les grimaces. Elle est aussi Christine l'adolescente mutique, incapable de dire le viol, enfin Christine adulte, blessée par le silence de la mère: n'est-elle pas complice, celle qui l'envoyait aveuglement passer les week-ends chez son père?

Bulle Ogier, gracieuse et fragile, campe la mère sous toutes ses facettes: la grande amoureuse, la mère aimante mais aveugle, à jamais étouffée par la culpabilité. Dans une mise en scène bien rythmée, Célie Pauthe tisse adroitement les scènes jouées sur le plateau, de courtes vidéos où chacune raconte comme dans un flashback un épisode précis, et les coups de fils entre la mère et la fille.

Rien n'est jamais superflu ou ridicule, ni le décor très "seventies" des appartements à Châteauroux puis à Reims, ni l’utilisation parcimonieuse de la vidéo. La pièce, juste à l'extrême, rend justice au roman de Christine Angot, sans doute son plus émouvant.

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