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Desplechin: de la difficulté d'être français à Cannes

"Ca ne se dit peut-être pas, mais je ne trouve pas facile d'être un réalisateur français à Cannes", estime Arnaud Desplechin, qui aura l'honneur d'ouvrir le 70e Festival de Cannes mercredi soir, avec son dixième film, "Les fantômes d'Ismaël".

A Cannes, "il y a une tension, une pression avec la presse, les spectateurs... Il y a moins de bienveillance (envers les réalisateurs français), car on est en France", affirme-t-il à l'AFP.

Cette pression repose cette année sur les épaules de Jacques Doillon ("Rodin"), Michel Hazanavicius ("Le redoutable"), Robin Campillo ("120 battements par minute") et François Ozon ("L'amant double"), tous en lice pour la Palme d'or, tandis qu'Arnaud Desplechin est hors compétition.

"L'ouverture du festival, c'est plus protégé", souligne le cinéaste de 56 ans, grand habitué du festival avec huit films montrés sur la Croisette toutes sections confondues.

"La première fois que je suis venu à Cannes, c'était pour +La sentinelle+ (1992), un film qui était loin d'avoir fait l'unanimité.

Première question: +vous n'avez pas honte de montrer un film pareil en sélection officielle?+", se remémore-t-il, dans un demi-sourire.

Vingt-cinq ans plus tard, Arnaud Desplechin est une figure incontournable du cinéma d'auteur, consacré en 2016 d'un César du meilleur réalisateur pour "Trois souvenirs de ma jeunesse", présenté à la Quinzaine des réalisateurs à Cannes l'année précédente.

Avec "Les fantômes d'Ismaël", il raconte l'histoire d'un triangle amoureux entre un réalisateur (Mathieu Amalric), sa compagne actuelle Sylvia (Charlotte Gainsbourg) et sa première femme Carlotta (Marion Cotillard), qui resurgit vingt ans après.

Aux côtés de l'habitué Mathieu Amalric, deux nouvelles têtes s'invitent dans l'univers romanesque de Desplechin, pétri de références cinématographiques (Truffaut, Hitchcock...).

"Quand je repense aux performances de Marion et Charlotte, j'ai été empli de gratitude", confie-t-il. "Ce sont deux stars internationales et pourtant elles se placent à un endroit" de leur palette de jeu "qui est si différent... Avoir les deux dans le même cadre, c'était vertigineux. J'en avais des frissons."

- Amalric, l'alter ego -

S'il s'interdit de "séparer l'une de l'autre", Desplechin confesse une admiration sans borne pour l'interprète de "La môme". Il lui avait offert un petit rôle il y a 21 ans, dans "Comment je me suis disputé... (ma vie sexuelle)".

Sans imaginer qu'il serait totalement ébloui par sa performance, onze ans plus tard, dans le rôle d'Edith Piaf qui la consacra. "Je ne savais pas qu'une actrice de cette génération pouvait avoir un tel appétit de jeu", déclare-t-il.

Desplechin ne tarit pas non plus d'éloges pour Mathieu Amalric, son alter ego et frère d'armes qui joue dans sept de ses longs-métrages.

"Sur ce film, je lui ai baisé les pieds. Je ne sais plus ce qui est à lui, ce qui est à moi. On a arrêté de faire les comptes. J'ai l'impression là qu'on a fait tous les tours de prestidigitation qu'on avait appris à faire l'un avec l'autre".

Pour celui qui aime à entrêmeler les fils narratifs et joue avec des personnages récurrents, passer à la réalisation d'une série n'est toutefois pas une option.

"L'avenir me fera peut-être mentir, mais je ne sais pas si j'aurais le courage de donner autant d'années de ma vie pour une série télévisée", dit-il.

Il a pourtant failli réaliser un épisode du "Bureau des légendes", la série d'espionnage, et n'hésite pas à voir en "Carlos" "l'un des plus beaux films d'Olivier Assayas", et en "The Wire" ("Sur écoute") "l'un des plus grands films américains, presque plus important que Tarantino", qui a "changé l'histoire du cinéma".

Après ce nouveau film, Desplechin confesse "avoir les poches vides" et se dit "incapable" de travailler à un nouveau projet avant de connaître l'accueil réservé aux "Fantômes d'Ismaël".

Il aura un premier aperçu mercredi soir à Cannes, débarrassé de toute pression liée à la compétition. Le film sort également en salles en France le même jour.

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