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Encore sous-représentées, les femmes chefs à l'affiche d'un documentaire

Elles représentent moins de 5% des étoilés au Michelin et ne sont que deux au classement des "50 Best restaurants". Pourtant "il y a plein de femmes chefs!", assure la réalisatrice Vérane Frédiani qui est allée à leur rencontre aux quatre coins du monde pour les mettre à l'honneur.

C'est une couverture de Time qui l'a convaincue de s'emparer du sujet: en 2013, le magazine américain avait illustré son numéro sur les "dieux de l'alimentation" avec un trio masculin.

"Cette couverture m'a énervée. Il y a des femmes chefs, il y en a plein, beaucoup plus que ce que l'on pense!" affirme à l'AFP Vérane Frédiani, dont le documentaire, "A la recherche des femmes chefs", sort le 5 juillet dans une trentaine de salles en France.

L'ancienne journaliste cinéma de Canal+, également productrice de films, a réalisé une cinquantaine d'interviews pendant un an et demi de tournage dans 10 pays, de la France à la Chine, de la Bolivie aux Etats-Unis.

"J'ai voulu comprendre pourquoi on parle si peu des femmes chefs, pourquoi elles ne sont pas présentes dans les salons ou les festivals culinaires", explique-t-elle au début de son documentaire.

Pour Amanda Cohen, du restaurant végétarien Dirt Candy à New York, ce manque de visibilité est lié au fait que les femmes sont souvent "dans des restaurants plus petits, des restaurants indépendants, familiaux".

Elle est l'une des femmes chefs témoignant dans ce film, tout comme les triplement étoilées Anne-Sophie Pic et Elena Arzak, la "mère" de la nouvelle cuisine américaine Alice Waters, ou encore Jacotte Brazier, petite-fille de la Mère Brazier à Lyon et la sommelière argentine Paz Levinson.

- Forum et réseaux -

En France, les femmes représentent 28% des cuisiniers, et 40% des exploitants des restaurants de moins de 10 salariés, selon les derniers chiffres datant de 2012, fournis par le Fafih, organisme qui gère les fonds de la formation professionnelle dans la restauration et l'hôtellerie.

A l'école Ferrandi à Paris, entre 40 et 50% des effectifs de formations adultes en cuisine sont féminins, mais elles sont nettement plus minoritaires en CAP après la 3e (11%). En revanche la pâtisserie attire une majorité de femmes (entre 53 et 82% en fonction des formations) dans cet établissement réputé.

Pourtant, sur 2.841 restaurants étoilés en 2017 au prestigieux guide Michelin dans le monde, 141 sont tenus par des femmes.

Pour Vérane Frédiani, les femmes pèchent souvent par trop de discrétion. "Les femmes ont du mal à se sentir assez légitimes pour communiquer, à le voir comme une priorité", juge-t-elle, déplorant aussi qu'il n'y ait pas davantage de solidarité entre femmes chefs.

"C'est primordial de s'organiser en réseau, ça ne marche que comme ça", dit-elle, citant le Parabere forum, initiative réunissant chaque année les femmes oeuvrant dans le domaine de l'alimentation, organisé par la journaliste Maria Canabal. "Aujourd'hui il faut de l'activisme, sinon les choses ne bougeront pas", juge Vérane Frédiani.

Interrogée par l'AFP, la chef américaine Cybèle Idelot emploie quant à elle deux femmes et un homme en cuisine dans son restaurant bistronomique, La Table de Cybèle, à Boulogne-Billancourt en région parisienne. Ce n'était pas délibéré, davantage une question d'affinités personnelles, mais "ça me fait plaisir", reconnaît-elle.

Cette chef globe-trotter, originaire de San Francisco, a d'ailleurs comme mentor une femme, Alice Waters, avec qui elle partage le même souci d'une restauration respectueuse de l'environnement et recourant à de producteurs locaux.

Elle-même n'a pas souffert du machisme ou des brimades que certaines consœurs lui racontent avoir vécues.

Même si "on voit de plus en plus de femmes en cuisine", constate-t-elle, "l'image reste souvent dans la tête des gens que chef égale homme". "C'est en train de changer, mais il y a encore pas mal de chemin à faire..."

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