Accueil Actu

Face au terrorisme, l'art pour apaiser et fédérer

Face à la violence jihadiste en France, les artistes ont apaisé, fédéré, et aidé à la résilience du pays autour d'une vieille idée humaniste, la foi en "la beauté du monde".

"C'est à Paris que j'ai eu l'accès à l'art, à la musique, à la beauté (...) Vos fontaines de lait et de miel ne valent pas la Seine", écrivait Leïla Slimani, futur Goncourt, à l'adresse des "fous de Dieu", le 14 novembre 2015, au lendemain de la tuerie à la salle de concert du Bataclan mais aussi dans l'est de la capitale et aux abords du Stade de France, qui a fait 130 morts.

"Les attentats m'ont donné envie, en réaction, de réfléchir aux relations humaines et à la chaleur qu'elles génèrent", confie à l'AFP, 12 mois plus tard, l'artiste photographe Catherine Balet.

"Célébrer la beauté du monde plus que jamais, voilà ce qui me semble urgent. Chaque fois que nous le faisons, nous nous remplissons de force pour lutter contre la bêtise et la haine", résume à l'AFP le philosophe et écrivain Charles Pépin.

Logiquement, les dessinateurs se sont exprimés en nombre après la fusillade au siège de la revue satirique Charlie-Hebdo (janvier 2015, 12 morts) tandis qu'à la fin de cette même année, les artistes de rue furent les plus prompts à agir. Leurs fresques et tags, à des fins consolatrices et fédératrices - reprenant notamment la devise de Paris, "Fluctuat Nec Mergitur" ("Il est battu par les flots mais ne sombre pas") - ont frappé les esprits.

Mais, après la sidération, le public a également exprimé son besoin de culture en trouvant refuge chez Voltaire, Hugo, dans le roman d'Hemingway "Paris est une fête", dans des chansons comme "Imagine" de John Lennon, ou les vieux standards de Louis Armstrong.

"L'art est une forme de résistance. Même s'il n'agit pas de manière directe sur les événements, il les accompagne", relève pour l'AFP Céline Lefranc, rédactrice en chef adjointe du magazine "Connaissance des Arts".

Elle cite comme exemple l'exposition itinérante qu'une centaine d'artistes a montée à partir de vieilles affiches du Bataclan, ce qui lui rappelle - sans comparer les situations -, les affiches que les étudiants des Beaux-Arts, à Paris, éditaient en Mai 68 et qui avaient eu un fort impact visuel en aidant à fédérer les foules.

- Le rire contre la barbarie -

On sait qu'aucune œuvre d'art n'éradiquera à elle seule la violence sur Terre. Pourtant, comme l'a souligné sur le site Magistro Cheyenne-Marie Carron, réalisatrice du film "La chute des hommes" (2016) sur le jihadisme : "Quand la guerre est là, les artistes sont peut-être les derniers qui s'accordent une parole de liberté et peuvent faire rayonner cette force dans le peuple. Très modestement, mais très nécessairement. C'est ce qui me permet de me lever chaque matin".

La dessinatrice Catherine Meurisse a donné un témoignage de ce "rayonnement". En retard à la conférence de rédaction de Charlie-Hebdo, elle échappe à la fusillade. Brisée, elle part à la villa Médicis, la prestigieuse institution artistique française de Rome. Dans ses jardins, les statues des enfants de Niobé massacrés par Apollon et Artémis la bouleversent.

"Par la symbolisation, a-t-elle expliqué à l'hebdomadaire culturel Télérama, l'art a permis une médiation entre la violence et moi. J'ai eu ainsi le sentiment d'approcher la mort, les corps de mes amis, en douceur et sans peur". Elle a tiré de cette expérience une BD au titre désarmant : "La légèreté".

La vie culturelle, après un repli inévitable, a retrouvé des couleurs en 2016. La fréquentation des cinémas a atteint son deuxième meilleur niveau depuis 50 ans. Nombre de musées ont tiré leur épingle du jeu et le marché de l'art s'est maintenu. "Il faudrait plus que des attentats pour décourager les passionnés", note Mme Lefranc.

Alors que la grande salle symphonique de l'est de la capitale, la Philharmonie de Paris - inaugurée en janvier 2015 ! -, réussissait ses débuts, la plupart des festivals culturels d'été, exutoires et lieux de partage, ont été des succès.

La plus grosse manifestation de musiques actuelles, "Les vieilles charrues", a attiré à Carhaix (ouest) 278.000 personnes. Record battu. Le 15 juillet, au lendemain de l'attentat de Nice (86 morts), 70.000 jeunes voix y ont spontanément entamé une fervente "Marseillaise".

Sur les planches, les initiatives se sont multipliées. Figure emblématique d'un théâtre engagé, Ariane Mnouchkine montre dans sa pièce "Une chambre en Inde" (sur fond d'attentats frappant Paris), jouée jusqu'en mai 2017 à Vincennes, près de la capitale, que le rire demeure une redoutable arme contre la barbarie.

À la une

Sélectionné pour vous