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Karine Viard éblouissante dans une comédie grinçante au théâtre

Karin Viard, à l'aise dans tous les registres au cinéma, déploie une belle vitalité et une grande justesse en directrice de casting impitoyable dans "Vera" au Théâtre des Abbesses.

La pièce du Tchèque Petr Zelenka situe l'intrigue dans l'ouverture libérale effrénée qui suit la "révolution de velours" de 1989 à Prague.

Il y a dans l'appétit vorace de Vera pour l'argent et le pouvoir une sorte de libération du dogme communiste, une adhésion forcenée à la société de consommation. Elle surfe sans complexe sur la vague libérale, sûre de son instinct, totalement imperméable à toute compassion.

La pièce s'ouvre sur la morgue. Vera vient reconnaître le corps d'une actrice dont elle a été l'agent et qui s'est suicidée, faute de travail. Sans l'once d'un remord, elle jette à peine un regard, saute sur son téléphone et repart en courant sur ses stilettos, son grand sac fourre-tout au bras. On pense au film "Le diable s'habille en Prada", sauf que Vera écrabouille bien au delà de son agence, dans son entourage, sa famille proche, à la façon d'un bulldozer.

"Les temps ont changé", dit-elle en leitmotiv. "Ton physique n'est plus à la mode", lance-t-elle à une actrice sur le retour au téléphone.

L'auteur de la pièce, Petr Zelenka, est aussi cinéaste et l'influence est très nette dans son écriture extrêmement rythmée, comme découpée en plans séquences. La mise en scène de Marcial Di Fonzo Bo et Elise Vigier (la pièce a été créée chez eux, à la Comédie de Caen) mène à un rythme d'enfer Karin Viard et ses comparses, tous excellents (Helena Noguerra, Lou Valentini, Pierre Maillet, Marcial Di Fonzo Bo, Rodolfo De Souza).

Vera croit si fort au libéralisme qu'elle vend son agence à des Anglais, expansion internationale oblige. Plus dure sera la chute: dépossédée, elle dégringole dans l'échelle sociale jusqu'à se retrouver SDF.

Le décor ultra moderne de l'agence de casting joue sur le va-et-vient d'un ascenseur emblématique du parcours de Vera, où elle finira par faire ses besoins dans une scène qui va faire le tour du web, réseaux sociaux oblige.

La satire de notre modernité est aussi féroce que cocasse. Tout va trop loin, et c'est là que la pièce prend toute sa saveur, son mordant. Sur le fond de scène sont projetées des photos de Vera-Karin Viard enfant, innocente fillette aux boucles blondes, qui donnent une profondeur à son personnage cynique: comment en arrive-t-on là?

La pièce, jouée jusqu'au 8 avril au Théâtre de la Ville-Abbesses, sera reprise en tournée au printemps 2018.

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