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L'humanité à poil de l'Italienne Emma Dante au Festival d'Avignon

L'Italienne Emma Dante, qui avait triomphé avec ses "Soeurs Macaluso" il y a trois ans à Avignon, revient avec une fable, "Bêtes de scène", où 14 acteurs nus comme des vers tentent de survivre tels Adam et Ève chassés du paradis.

Aux antipodes de ces "Sorelle Macaluso" à la verve sicilienne, la pièce minimaliste se joue sans texte, sans décor et sans costume dans une "boîte noire" fermée par de lourds rideaux.

Traqués dans cet espace aride, 14 hommes et femmes, grands ou petits, maigres ou gros, se déshabillent sous le regard du public.

D'abord gênés, apeurés, ils oublient bientôt leur nudité devant les objets qui leur sont lancés des coulisses: bidon d'eau, poupée parlante, ballons, etc.

Le projet initial d'Emma Dante était de "travailler sur la condition de l'acteur qui a renoncé à tout", a-t-elle expliqué à la presse avant la pièce. "Ça s'est transformé en condition humaine".

C'est donc une humanité primitive, confrontée à la peur, à la faim, à la soif, qui doit survivre sur le plateau.

"C'est comme une naissance", dit-elle. "Comme s'ils repartaient à zéro, comme des nouveaux nés".

Ces hommes des premiers temps réagissent mécaniquement aux stimuli envoyés des coulisses. La poupée parlante déclenche des mouvements d'automate chez une comédienne. Une boite à musique en fait tourner une autre sur elle même comme une ballerine.

Le spectateur, d'abord médusé, est captivé par ce reflet de lui-même en homme de Cro-Magnon.

Quelques uns rient comme on rit nerveusement aux grimaces du singe, si proche de nous.

- 'Pas d'espoir' -

Il n'y a pourtant pas de quoi rire, si l'on en croit Emma Dante, qui assure qu'"il n'y a pas d'espoir dans ses pièces". "Bien sûr, la communauté est solidaire, il y a de la haine, de l'amour, tout ce que nous avons dans la vie. Mais pour moi, il n'y a pas d'espoir".

La dramaturge italienne, née à Palerme, est très connue en Italie comme sur la scène internationale pour ses pièces d'avant-garde, jouées en sicilien.

Elle a travaillé pour "Bêtes de scène" avec la plupart des comédiens présents dans "Les soeurs Macaluso", avec qui elle dit avoir "un langage commun". Une langue qui passe beaucoup par le rythme.

Les acteurs-danseurs de "Bêtes de scène" évoluent d'abord habillés sur le plateau, comme lors d'un échauffement de théâtre. Ils marchent, courent, dansent en rangs serrés, martelant le sol des pieds, dans une rythmique vitale.

Plus tard, dénudés, ils vont aussi fonctionner en groupe compact, jusqu'à la toute fin où chacun invente son comportement singulier, dans une cacophonie qui annonce peut-être une humanité plus diverse.

S'il n'y a pas de quoi rire, il y a de quoi réfléchir sur ces hommes si dociles, répondant promptement aux injonctions extérieures, comme l'acteur répond aux demandes du metteur en scène, ou comme chacun de nous, bien dressé, répond aux sollicitations de la vie.

"A la fin du parcours, même s'il est terrible, le spectateur doit être un peu changé", espère la metteuse en scène italienne. "La pièce raconte la nécessité de revenir à quelque chose de sauvage, qui nous permette de recommencer à raisonner".

La public a suivi Emma Dante dans sa démarche radicale, applaudissant à tout rompre à la fin de la représentation. "Je cherche quelque chose que je ne trouverai jamais", a convenu l'Italienne. "Le plus important, c'est de chercher".

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