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La maison de verre de Simon Stone donne le tournis au Festival d'Avignon

L'Australien Simon Stone a posé dans la Cour du lycée Saint Joseph d'Avignon une formidable maison de verre, grandeur nature, où se jouent les névroses de ce qu'on appellerait aujourd'hui "une famille dysfonctionnelle", "La Maison d'Ibsen".

Cette si belle maison a été construite par l'architecte et patriarche de la famille dans la pièce, Cees, une allusion transparente à la pièce "Solness le Constructeur" d'Henrik Ibsen.

Ibsen (1828-1906), est pour Simon Stone "un des premiers auteurs modernistes" car il "s'immisce dans les salons de la classe moyenne, faisant ainsi émerger le drame d'une majorité".

La famille suffocante de "La Maison d'Ibsen" s'inspire de plusieurs pièces du dramaturge norvégien, tout en les projetant à notre époque, "Solness", "Une maison de poupée", "Hedda Gabler" ...

"Ibsen Huis" ("maison d'Ibsen en néerlandais, puisqu'il s'agit d'une production d'Amsterdam) éblouit avec sa cuisine américaine, son salon design et sa "suite parentale" à l'étage. En plus, elle tourne, offrant tour à tour chambre ou salon au regard du spectateur.

Mais dans ce décor parfait se joue la saga des Atrides: inceste (on pense furieusement au film "Festen", où le patriarche violait régulièrement ses enfants) et transmission de la malédiction familiale sur trois générations.

"Freud est la plus grande influence sur mon travail", explique Simon Stone. Ce jeune géant barbu de 32 ans au grand sourire décontracté figure parmi les dramaturges les plus prometteurs sur la scène internationale.

"L'idée de Freud d'utiliser la tragédie pour décrire nos névroses contemporaines, comme pour le complexe d'Oedipe est géniale. Moi, je fais la même chose avec le théâtre".

Simon Stone est aussi réalisateur, et l'influence du cinéma est évidente avec cette maison de verre qui expose chaque recoin au regard comme le ferait une caméra.

- Famille toxique -

On pourrait se croire dans un film de Bergman ou dans "The Hours" (2002) de Stephen Daldry d'après Michael Cunningham, pour le personnage de la mère qui abandonne ses enfants, et la mort du jeune Sebastian du sida.

La famille toxique de "La maison d'Ibsen" est intemporelle. Simon Stone dit avoir "beaucoup puisé dans l'histoire de (sa) famille".

Simplement, ici tout est porté au paroxysme, grâce à des acteurs qui semblent vivre en direct leurs déchirements. "Je suis très énervant pour tout le monde en répétition", sourit Simon Stone, "je demande beaucoup aux acteurs, ça frise le sado-masochisme".

On assiste pétrifié à l'enfer familial sous nos yeux, comme des entomologistes qui étudieraient des insectes dans leur boite transparente.

Simon Stone est australien mais très européen culturellement. Il travaille régulièrement avec les formidables acteurs du Toneelgroep d'Amsterdam (la troupe d'Ivo Van Hove). Il a signé avec eux une "Médée" stupéfiante de modernité, donnée au Théâtre de l'Odéon, à Paris, en juin.

Sa "Maison d'Ibsen" déroule une mécanique de précision dont les morceaux se mettent en place comme dans un rubik's cube. La pièce demande énormément de concentration au spectateur: le débit rapide des acteurs en néerlandais, la contrainte des sous-titres sur la durée (3h45) s'ajoutent à la construction en puzzle, dont on doit constamment ajuster les morceaux pour comprendre une histoire qui se déroule sur 50 ans.

Artiste associé au Théâtre de l'Odéon, Simon Stone y donnera du 10 novembre au 22 décembre "Les Trois Soeurs" d'après Tchekhov.

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