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Le 70e Festival d'Avignon fouille les plaies de l'Europe

Le 70e Festival d'Avignon propose 40 spectacles du 6 au 24 juillet, dont de nombreuses pièces en résonance avec l'actualité brûlante, de la montée des populismes au drame des migrants.

"LES DAMNES"

Le Flamand Ivo Van Hove ouvre le festival dans la Cour d'honneur du Palais des Papes avec la Comédie-Française dans cette adaptation du scénario du film sulfureux de Visconti (1969).

L'histoire, qui raconte la descente aux enfers d'une grande famille allemande propriétaire d’aciéries convoitées par les nazis, montre comment une société civilisée bascule dans la barbarie.

"Il y a beaucoup de raisons sur le plan politique de faire ce spectacle aujourd'hui", dit Ivo Van Hove: "On voit partout en Europe mais aussi dans le monde, en Amérique, une montée des populismes et de l'extrême droite."

Le metteur en scène, virtuose dans le mélange savant de théâtre et de séquences filmées, accompagne le grand retour après 23 ans d'absence de la Comédie-Française dans la Cour d'honneur.

'PLACE DES HÉROS'

Un autre grand maître du théâtre européen, le Polonais Krystian Lupa, s'empare des "vieux démons" de l'Europe avec "Place des héros" de l'écrivain autrichien Thomas Bernhard.

Le professeur Josef Schuster, qui a fui en 1938 l'Autriche de l'Anschluss, revient à Vienne dix ans plus tard, et se suicide sur la "Place des héros".

Pour Krystian Lupa, la pièce s'inscrit aujourd'hui dans le contexte de "la nouvelle marée de xénophobie et d'antisémitisme qui traverse l'Europe", "le nouveau renfermement de la société face au progrès humaniste".

'TRISTESSES'

L'artiste belge Anne-Cécile Vandalem, 37 ans, est partie "d’une inquiétude énorme sur la montée des nationalismes, sur la survenue de la guerre civile" pour cette pièce qui relate le retour de la chef du Parti du Réveil Populaire, en passe de devenir Premier ministre du Danemark, sur son île natale, pour enterrer sa mère retrouvée morte. La pièce, traitée comme un polar scandinave, associe musique et travail vidéo.

'CEUX QUI ERRENT NE SE TROMPENT PAS'

Science-fiction ou réalité? Dans la pièce écrite par les jeunes trentenaires Kevin Keiss et Maëlle Poésy, c'est le déluge et la population désenchantée se détourne massivement de la politique. 80% des citoyens votent blanc, le gouvernement en proie à la panique décrète "l'Etat d'inquiétude" et soumet les citoyens à des interrogatoires à la recherche d'un complot.

'LE RADEAU DE LA MÉDUSE'

Thomas Jolly, 34 ans, avait subjugué le Festival d'Avignon 2014 avec son "Henry VI" en 18 heures. Il monte avec les élèves du Théâtre national de Strasbourg "La radeau de la méduse" de Georg Kaiser, dénoncé comme un "écrivain dégénéré" par les nazis, et mort en exil en 1945. Pour Thomas Jolly, cette histoire de 13 enfants réunis sur un radeau de fortune après le torpillage par un sous-marin allemand du navire anglais qui les transportait "fait tristement écho aux images qu'on voit dans les journaux sur les migrations de populations".

'2666'

C'est le marathon de cette année: le "livre monde" du Chilien Roberto Bolano, publié après sa mort en 2003, est monté en douze heures par Julien Gosselin ("Les Particules élémentaires" de Michel Houellebecq en 2013). Le roman foisonnant, près de 1.400 pages en cinq livres qui convergent tous vers une petite ville du Mexique où sont assassinées des dizaines de femmes, est un "défi", reconnaît Julien Gosselin. Pour lui, il s'agit rien de moins que de "rendre théâtralement la violence du monde".

'KARAMAZOV'

Autre roman fleuve, "Les frères Karamazov" de Dostoïevski sont adaptés en 5 h par Jean Bellorini, le jeune directeur du Théâtre Gérard Philipe de Saint-Denis, dans le cadre impressionnant de la Carrière Boulbon.

Autour du parricide de Fiodor, le roman déploie la saga des frères Karamazov, dont Aliocha, le jeune frère dévoué et pieux. Pour Jean Bellorini, "Dostoïevski pose la question de la nécessité de Dieu. (...) Je pense qu'il y a vingt ans, ces questions résonnaient moins fort. Depuis les années 1970, on en était libéré. Aujourd'hui, on ne l'est pas du tout".

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