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Le Lorenzaccio "joué-dansé" de Mesguich et Pietragalla à Grignan

C'est "Lorenzaccio" comme on ne l'a jamais vu: "joué-dansé" dans le cadre magique du Château de Grignan dans la Drôme jusqu'au 19 août dans une mise en scène à six mains de Daniel Mesguich, Marie-Claude Pietragalla et Julien Derouault.

"La danse a nettement pris le pas sur le théâtre", constate, amusé, l'homme de théâtre, rompu au texte de Musset qu'il met en scène pour la troisième fois.

"L'idée première que nous avons eue, Pietra et moi, c'était d'utiliser la danse pour dire le refoulé du texte, en quelque sorte l'inconscient derrière les mots", ajoute Daniel Mesguich.

Onze interprètes, danseurs et comédiens, se déploient sur le plateau pour recréer la Florence débauchée du 16e siècle, sous la férule du tyran Alexandre de Médicis.

Julien Derouault interprète Lorenzaccio, qui incarne "cette folie de Florence, où il est sans doute le plus lucide de tous", note le danseur, qui partage la vie et le travail de Marie-Claude Pietragalla depuis 18 ans et presque autant de spectacles.

Marie-Claude Pietragalla, longue jupe de tulle blanc et redingote de velours noir, est la marquise Cibo. Autour d'eux, un cardinal monté sur roulettes, et des danseuses très dénudées restituent la Florence libertine de l'époque.

A 64 ans, Daniel Mesguich s'est passionné pour cette "invention d'une nouvelle forme de théâtre", même s'il reconnait que "c'est compliqué, ce sont les balbutiements de quelque chose, un sillon qu'il faudrait continuer de creuser".

Le public des Fêtes nocturnes de Grignan, un festival populaire qui a donné ces dernières années "Don Quichotte" ou "Lucrèce Borgia" avec Béatrice Dalle, reste ce lundi soir sur sa faim: la pluie interrompt le spectacle en plein air.

Dans le jardin, des spectateurs déçus se demandent comment tout cela va finir ... Qu'à cela ne tienne, voici Daniel Mesguich lancé dans la magnifique tirade où Lorenzaccio explique avoir tué Alexandre pour sauver ce qu'il lui reste de vertu. Magique.

- Off d'Avignon -

L'homme des grands textes, de Shakespeare à Marivaux, fait "le grand écart" cet été avec ce "Lorenzaccio" à Grignan et un texte contemporain d'Olivier Rolin dans le Off d'Avignon, "Au bout du monde" (Théâtre du Chêne noir).

"C'est la rencontre d'un vieux baroudeur, séducteur, intello, poète - que je joue - et d'une jeune femme très belle, beaucoup plus simple, qui tient un bar. Il y a trois langues aux antipodes, celle très livresque du voyageur, celle plus prosaïque de la serveuse, et celle qui se déverse d'un poste de télévision, sorte de globish vulgaire. Trois langues qui sont la France et l'Europe d'aujourd'hui", dit-il.

Cet amoureux du texte ne cache pas son mépris des nouvelles formes de théâtre, qu'il brocarde sous le nom des "trois V: vocifération, vomi et vidéo".

Au risque de passer pour un "nostalgique", il défend un théâtre "intellectuel" et "qui pense". Une vision qu'il partage dans un recueil de textes publié le mois dernier chez Gallimard, "Estuaires". Le plus intime, "une enfance juive en Algérie", va être développé bientôt dans un autre livre.

L'épisode mouvementé de son départ du Conservatoire national d'Art dramatique, où il n'a pas brigué de troisième mandat en 2013 après la fronde d'une partie des élèves, lui semble loin: "ça a duré trois mois, et j'y ai passé 30 ans (professeur, puis directeur), avec des bonheurs indicibles", rappelle-t-il.

Le "maître" ne dépose pas les armes: il ouvre à la rentrée un "Cours Mesguich" à Paris au petit théâtre de la Boussole.

Et il fourmille d'idées de spectacles. Son rêve? "Monter la pièce de Cyrano de Bergerac +La mort d'Agrippine+. On connait Cyrano à cause de la pièce d'Edmond Rostand, mais c'était un écrivain génialissime", assure-t-il, les yeux gourmands. Une tragédie quasiment jamais jouée, en vers: mais "quel théâtre aura le courage de monter +La Mort d'Agrippine?"

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