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Louis-Noël Bestion de Camboulas, l'archéologue du baroque

Jeune, il se rêvait archéologue. Devenu chef d'orchestre, Louis-Noël Bestion de Camboulas, en concert dimanche au 39e festival d'Ambronay (Ain) avec l'ensemble "Les Surprises", s'est fait une spécialité de fouiller le répertoire baroque français pour exhumer des œuvres oubliées.

Les fonds musicaux de la Bibliothèque nationale de France et une aile de l'Opéra Garnier où sont conservées les partitions jouées depuis le XVIIe siècle, c'est là qu'il déniche, dans l'ombre de Lully et Rameau, les pièces de compositeurs comme André-Cardinal Destouches et Michel-Richard Delalande, dont il a ressuscité il y a trois ans "Les Éléments", un opéra-ballet de 1721.

"C'est toujours passionnant de jouer une musique que l'on n'a pas dans l'oreille, que l'on refait émerger soi-même, et pour le public, sa découverte est aussi un moment privilégié", confie le chef de 29 ans. Le programme, dans l'abbatiale d'Ambronay, empruntera notamment à Antoine Dauvergne et Jean-Marie Leclair, autres noms sortis des oubliettes, pour accompagner les chants de la soprano Véronique Gens.

Cette démarche de recherche historique n'est pas nouvelle, elle a nourri le renouveau du baroque depuis 40 ans. "Mais il y a aujourd'hui deux écoles: ceux qui considèrent que les pionniers ont tout défriché et ceux pour qui il reste encore plein de choses à découvrir", explique Nicolas Bucher, directeur du Centre de musique baroque de Versailles.

C'est le cas de Louis-Noël Bestion de Camboulas et de l'ensemble "Les Surprises", que ce claveciniste et organiste a cofondé en 2010 avec une joueuse de viole de gambe, Juliette Guignard, sa compagne. "On joue seulement un quart, peut-être, de ce qui a existé", estime celui qui a recréé avec succès, cet été à Montpellier, une pastorale héroïque de Destouches, "Issé".

- Les clés de la cathédrale -

"Les Surprises" ont vu le jour au Conservatoire national supérieur de Lyon, sous l'œil de M. Bucher, directeur des études. Nommé en 2011 à la tête de la Cité de la Voix à Vézelay, il y accueille l'ensemble pour un projet. L'année suivante, c'est au tour du Centre culturel de rencontre (CCR) d'Ambronay. Depuis, la formation baroque a édité plusieurs disques dans l'Ain et en 2014, elle a reçu le prix "Révélation musicale" du Syndicat professionnel de la critique de théâtre musique et danse, une première en 50 ans de palmarès.

Mais ce n'est là qu'un volet de l'activité débordante de Louis-Noël Bestion de Camboulas, dernier né - à Rodez - d'une fratrie de cinq garçons tous devenus musiciens professionnels. Virus familial ? Les parents ne jouaient pas d'un instrument mais faisaient du théâtre et très tôt, les enfants participent à des spectacles en musique. Le père est fan de Bach, qu'ils écoutent en voiture, et il y a un piano à la maison: ils s'y mettent tour à tour.

A Luçon (Vendée), leur professeur leur apprend aussi l'orgue à la cathédrale, où il officie. "Très vite, on a eu un double des clés, on y allait quand on voulait, c'était mieux que les jeux vidéo. A l'âge de 8 ou 9 ans, ça marque", raconte le musicien.

Passé aussi par le Conservatoire supérieur de Paris, lauréat de plusieurs prix, il poursuit, parallèlement à son travail de chef d'orchestre, une carrière de soliste "au répertoire très vaste, tous azimuts", admire Daniel Bizeray, directeur du CCR d'Ambronay. "Il a des horizons musicaux très divers": ses disques vont de Bach et ses contemporains à des compositeurs d'aujourd'hui, en passant par Debussy et Fauré.

Après trois ans de résidence à la Fondation Royaumont, dans le Val-d'Oise, Louis-Noël Bestion de Camboulas vient d'y enregistrer un témoignage sur l'orgue Cavaillé-Coll de l'abbaye, un instrument de 1864 utilisé en musique de chambre - dialoguant avec d'autres - comme c'était la mode dans les Salons du XIXe. Projet financé, deux siècles plus tard, par une campagne participative sur internet.

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