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Miquel Barcelo: "je n’ai pas encore accompli mon oeuvre"

Chaque jour, Miquel Barcelo travaille jusqu'à l'épuisement. "Je n’ai pas encore accompli mon oeuvre", confie à l'AFP le prolifique artiste espagnol de 58 ans, qui présente à Paris une nouvelle série de toiles, "L’inassèchement", avant d'autres expositions internationales.

Barcelo, dont le travail n'avait pas été montré à Paris depuis 2008, est de retour, cette fois à la galerie Thaddaeus Ropac, avec 17 nouveaux tableaux de grande taille qui viennent du bleu de la mer et du sable rose de Majorque (Baléares) où il a grandi.

Poulpes, seiches, pieuvres, poissons surgissent dans l’épaisseur des pigments qu’il prépare lui-même.

"Je peins mes tableaux à plat par terre et à la fin, on croirait de grandes flaques", dit-il en français avec un fort accent, dans son atelier installé depuis 1991 dans le Marais. "Ca met longtemps à sécher, et à Majorque, c'est deux fois plus long", explique l'artiste qui partage sa vie entre la France, l'Espagne et le Mali.

Il a même fallu retarder le transport des oeuvres qui devaient être acheminées pour l’exposition "L'inassèchement". "Il y avait une flaque qui séchait millimètre par millimètre, qui concentre des minéraux, du mercure, c’était très beau d’ailleurs, et cela a donné ce titre, un peu à la Michaux", s'amuse-t-il. "J’aime bien Henri Michaux".

Quand il n’est pas attelé à sa création, il est plongé dans les livres, encyclopédies, dictionnaires des symboles, de zoologie, monographies, romans.

Son ami, romancier et compatriote Enrique Vila-Matas a rédigé le catalogue de l’exposition. Comme Patrick Modiano, Agnès Varda et beaucoup d'autres, l'écrivain a posé récemment pour le "cabinet de portraits" réalisés à l’eau de javel sur fond noir. Ils occupent les deux tiers de la pièce, en recouvrent les murs du sol au plafond. Il ne les a jamais exposés. "Ils font beaucoup trop peur !", dit Barcelo en riant.

- 'Pas envie de mourir' -

"Il y a un an, mes tableaux étaient tout blancs, ultra-blancs", note-t-il. Une série dont il n'a montré pour l’instant que quelques exemplaires à New-York où il exposera à l’automne 2016. "C’était comme une espèce de rigueur imposée, un défi que de tenir cela pendant presqu'un an ".

Puis il dévoile la maquette d’une grande peinture bleue "de 16 m qui sera terminée à la fin de l’été, pour une fondation" dont il tait le nom.

Une autre toile de Barcelo sera exposée au Grand Palais à la rentrée dans l’exposition "Picassomania", organisée par le musée Picasso et le centre Pompidou. Dans la foulée, il inaugurera le nouvel espace de la galerie Bruno Bischofberger à Zurich en octobre.

En 2016, il est attendu en Amérique latine, au Pérou et surtout au Brésil, à Inohtim, le plus grand musée à ciel ouvert, dans la jungle de Belo Horizonte, où il dévoilera ce qu’il appelle "un dessin infini".

Barcelo explore sans cesse de nouvelles techniques. "Je les réinvente". Dans une même journée, il fait de la peinture, de la gravure, du plâtre, dessine dans ses carnets. "Je n’ai pas signé de contrat pour travailler comme ça bien sûr. Chercher, c'est ce que l'on est censé faire en art, sinon c’est chiant".

Il évoque la disparition en 1988 de son ami, le peintre Jean-Michel Basquiat. "Je n’ai pas envie de mourir, j’ai besoin de beaucoup d’années pour ma peinture (...) ce n’est pas une boutade. Je n’ai pas encore accompli mon oeuvre". "Je fais ça depuis 50 ans, ce n’est encore qu’un début".

Une vingtaine de gravures sur le thème récurrent de la tauromachie s’amoncellent sur la table : eaux-fortes, pointes sèches, arènes tournoyantes, taureaux noirs face aux matadors qui ressemblent à la mort. "Je sais que la tauromachie est finissante", lâche-t-il.

Barcelo songe à les montrer à la Bibliothèque nationale (BNF) en mars 2016. Il exposera simultanément de nouvelles oeuvres au musée Picasso.

"On va voir si j’assume tout ça ou pas (…) Picasso a toujours été une présence, Miro et Duchamp aussi mais Picasso est mon préféré. Je suis de sa branche".

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