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Hélène Martini, "l'impératrice de la nuit", dit définitivement adieu à Pigalle

Elle a régné pendant des décennies sur le célèbre music-hall des Folies Bergère mais aussi sur le cabaret russe Raspoutine: Hélène Martini, surnommée "l'impératrice de la nuit" parisienne, s'est éteinte samedi à son domicile place Pigalle, à la veille de ses 93 ans.

Elle est décédée des suites d'une longue maladie, a précisé à l'AFP son avocat Hervé Catteau.

Pommettes hautes, yeux bleu-gris très clairs, cheveux impeccablement coiffés en arrière, elle s'était mise en retrait depuis la vente du bail commercial des Folies Bergère en 2011 à Lagardère et Jean-Marc Dumontet pour 9 millions d'euros.

Alors que son grand appartement était juste au-dessus de la boîte de nuit des Folie's Pigalle (qu'elle avait mise en location-gérance), elle n'aimait plus se promener dans le quartier qui avait trop changé à son goût. "Le vrai Pigalle n'existe plus", disait-elle à l'AFP en 2013.

Pendant la deuxième moitié du XXe siècle, Hélène Martini avait bâti avec talent et poigne un empire pour noctambules. D'abord en secondant son époux syrien Nachat Martini qui possédait des cabarets à Pigalle. Puis, après le décès de celui-ci en 1960, en acquérant quatre théâtres - Bouffes Parisiens, Mogador, Comédie de Paris et les Folies Bergère - mais aussi des cabarets-clubs comme le Raspoutine et le Shéhérazade.

Bosseuse, austère, elle a supervisé jusqu'à 17 établissements dans la discrétion et avec exigence.

Au fil des ans, elle s'était séparée de presque tout. Après avoir dirigé pendant 37 ans les Folies Bergère, elle avait vendu aux enchères en mai 2012 les costumes des prestigieuses revues. Sans une once de nostalgie: "l'affaire est close. Je ne suis pas une fille à faire des claquettes sur le passé", avait-elle déclaré en recevant l'AFP dans son château XIXe de Servon (Seine-et-Marne).

"Je liquide. J'ai assez travaillé", ajoutait-elle.

A l'époque, elle disait vouloir écrire ses mémoires. En fin de compte, elle ne l'a pas fait. "C'est une femme qui ne regardait jamais en arrière. Elle voulait toujours aller de l'avant", selon un proche.

- Sauvée par Gogol -

Pourtant sa vie ressemble à un film, avec parfois quelques légères variantes dans les détails du scénario au fil des interviews.

Née en Pologne (dans une région devenue la Biélorussie) d'un père français et d'une mère russe, Hélène de Creyssac a connu le chaos de la Seconde guerre mondiale, avec les occupations allemande et soviétique. Sa famille est décimée.

Alors que la jeune fille se cache à Koenigsberg (devenu Kaliningrad), un chef militaire soviétique, ivre mort, la repère et décide de l'exécuter.

"La balle m'a manquée de peu. J'ai crié +mon dieu+ avec l'accent ukrainien. Cela a retenu l'attention du chef. Je lui ai alors récité un poème de Gogol sur la +petite Russie+. Du coup, il voulait m'épouser (...) Mais je me suis enfuie. Je suis née une seconde fois le 7 avril 1945", a-t-elle raconté.

La jeune fille veut à tout prix aller en France, le pays de son père. Elle commence par faire des petits boulots en province.

De passage à Paris en 1946, elle se rend aux Folies Bergère. "A l'entracte, je me suis dit +chiche+". Le lendemain, elle était engagée comme mannequin nue.

Elle n'y reste pas longtemps: elle gagne "3 millions de francs à la loterie", s'achète de beaux habits et des livres.

Elle rencontre son futur mari Nachat Martini, avocat, ancien agent secret contraint de fuir la Syrie en 1947. Il l'épousera en 1955.

Il commence à acheter des cabarets à Pigalle. Hélène Martini le seconde d'une main de fer pour la gestion. Après le décès de son mari d'un arrêt cardiaque, elle étend son "empire".

Avec le personnel des Folies Bergère, le climat a parfois été très tendu. "Il ne faut pas me marcher sur les pieds", disait-elle.

Une cérémonie religieuse aura lieu jeudi en la cathédrale Saint-Alexandre-Nevsky à Paris. L'inhumation aura lieu ensuite à Thiais, en région parisienne. Hélène Martini sera enterrée aux côtés de son mari.

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