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Nine Antico, ne lui parlez pas de BD "girly"!

"Je suis féministe mais je ne fais pas de la bande-dessinée féministe": chroniqueuse de la vie des filles d'aujourd'hui, des groupies des années 1960 ou des égéries déchues de l'érotisme, Nine Antico refuse d'être enfermée dans une case.

BD "girly" "a une connotation péjorative, ça veut dire +kawaii+ (mignonne en japonais, NDLR), un peu niaise", explique à l'AFP dans son appartement marseillais Nine Antico, une des vedettes du festival Rencontres du 9e art d'Aix-en-Provence, qui début vendredi et où elle expose à la galerie ESDAC.

"Oui, mes personnages principaux sont féminins, mais est-ce qu'on +lui+ a dit que c'était +girly+, Madame Bovary ?", demande-t-elle dans un sourire, évoquant Gustave Flaubert. On ne dit pas à un homme "qui fait des BD avec des personnages masculins que c'est une BD +menly+, c'est agaçant", conclut sur le sujet la Marseillaise de 35 ans.

Body noir et rouge aux lèvres, elle préfère dire que "c'est la féminité qui (l)'inspire", depuis ses débuts. Antico s'est fait connaître dans le magazine pour jeunes filles Muteen où elle a lancé son personnage fétiche, Pauline, qui tombe amoureuse comme on tombe d'une chaise.

- "T'imagines si on était grosses?" -

Avec Pauline, chaussées de lunettes de soleil en forme de cœur --"comme dans le +Lolita+ de Kubrick"-- et ses copines Julie et Marie, "je reste sur du superficiel, ce n'est pas militant", explique Antico. Le troisième tome de la série, "America" (Glénat), vient de paraître. Avec ses couleurs pop il dénote dans l'œuvre toute en noir et blanc de la dessinatrice.

"Ces couleurs vives mais un peu passées conviennent à mon récit, mon intention est de mettre un peu de cruauté et de tristesse dans cette légèreté", explique-t-elle. Mais Antico ne soigne pas que ses couleurs: elle fignole aussi parfaitement ses dialogues, qui sonnent juste et drôle. "T'imagines si on était grosses?" demande par exemple Pauline.

Les trois héroïnes sont un "condensé de moi-même et de mes proches", explique l'auteure, "elles sont dans une quête d'indépendance assez difficile, Pauline passe son temps à se dire qu'elle pense trop aux mecs".

Dur d'être "féministe quand on a cette vulnérabilité dans la quête amoureuse", poursuit Antico, qui se retrouve dans Pauline. "Je fais partie des filles qui ont été touchées par les garçons, depuis la crèche j'étais dans la quête de l'amour, je regardais les garçons. Mais il y a des filles pas du tout comme moi, qui ont pensé à l'amour beaucoup plus tard".

Elle l'a raconté dans son premier livre, "Le goût du paradis" (2008, Ego comme X, réédité aux Requins marteaux), qui évoque son enfance et son adolescence à Aubervilliers, les premiers baisers...

- "La société est moralisatrice avec les femmes" -

En revanche Nine Antico est plus militante dans "Coney Island Baby" (L'association), son plus gros succès de librairie, les destins croisés de la pin-up des années 1950 Bettie Page et de Linda Lovelace, l'héroïne du premier film pornographique à grande audience, "Gorge profonde" (1972).

Ces deux fantasmes mondiaux avaient fini ruinées. "Elles en ont chié sur la fin de leur vie", pointe Nine Antico. "Pourquoi deux femmes qui décident de faire carrière avec leur cul sont-elles obligées à un moment de leur vie de se rétracter?", demande Antico. "Parce que le regard de la société fait qu'elles ont besoin de se flageller", alors qu'elles pourraient dire que c'était leur passé "en gardant la tête haute".

Cette fable est "moraliste parce que la société est moralisatrice avec les femmes, clairement plus qu'envers les hommes. Une femme qui couche c'est une pute et un homme qui couche c'est viril", résume abruptement Antico.

Dans "Autel California" (L'association), sa grande fresque en deux tomes, les fans ne se privent pas de coucher avec les stars du rock des années 1960. Inspirée des livres de la groupie Pamela Des Barres, elle brosse l'explosion de cette musique, l'autre grande passion de Nine Antico. "Quand on écoute ça, on a envie de se jeter contre les murs, de baisser notre jupe et de mordre le professeur", lance-t-elle. Elle est rock, Nine, pas girly.

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