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Quand Cabadzi électrise la musicalité des dialogues de Bertrand Blier

"Découvrir la musicalité de mes dialogues crée une confusion. C'est la première fois que je suis confronté à ça, à cause d'eux, ces deux malades !", ronchonne auprès de l'AFP le réalisateur Bertrand Blier, qui prête ses mots au projet hip hop-électro du duo Cabadzi.

"Cabadzi x Blier", ainsi s'intitule cet album au concept inédit, dans les bacs vendredi. Le point de départ, ce sont les dialogues cultes des 18 films de Blier ("Les Valseuses", "Tenue de soirée", "Trop belle pour toi"...), qu'Olivier Garnier chante tels quels ou remaniés sur une musique créée par Victorien Bitaudeau.

"Ah ça, il fallait l'avoir l'idée !", disent fièrement les deux Cabadzi installés dans le salon de leur "victime" consentante, Bertrand Blier, tout en flegme derrière sa barbe blanche.

Le déclic s'est produit il y a deux ans, lors d'une soirée télé. "On revoit +Les valseuses+. On trouve les dialogues toujours aussi dingues. Ensuite, +Tenue de soirée+. Même constat. Et on réalise que ça ne s'est jamais fait d'utiliser des dialogues, les réécrire, tout mélanger et d'en faire un disque. On a réussi à contacter Bertrand. On lui a fait écouter notre première maquette, +Bouche+", raconte Garnier.

- 'Flemme de chercher' -

Ce morceau, qui ouvre le troisième album du groupe, pioche ses paroles dans une scène-clé de "Tenue de Soirée" (1986) avec Gérard Depardieu et Michel Blanc. "Moi ta honte, j'la transforme en bonheur/J’en fais un bouquet d'fleurs/C'est ta bouche qui m'inspire, ta bouche et ton cœur/C'est ma bouche qui t'aspire, ma bouche et mon cœur", entend-on sur des beats électro.

"Ca m'a beaucoup plu d'entrée. La démarche, aussi. Quel risque je prenais ? Les films sont là. On peut laisser les jeunes s'amuser avec un peu", dit Blier, pince-sans-rire, tout en reconnaissant: "C'est un peu difficile pour moi: il y a les dialogues, les souvenirs, la musique... Tout se mélange".

Ce mariage incongru fonctionne. "L'écriture de Bertrand est très rythmique. Donc exploitable musicalement, même s'il a fallu changer des temps, des pronoms, certains mots, pour les faire entrer dans le carcan d'un morceau musical", éclaire Garnier, qui affirme avoir dactylographié les dialogues "de presque tous les films, faute d'archives".

Le réalisateur de 78 ans reprend la main: "Si, il y en a, mais j'avais la flemme de chercher. Mon écriture est rythmée. Mais quand j'écris des dialogues, je n'ai aucune musicalité en tête. Que dalle. En revanche, j'en ai quand je dirige les acteurs."

- Poésie brute -

Si une poésie brute se dégage des mots de Blier, certains thèmes restent d'actualité. "Quand on revoyait +Tenue de soirée+, on était en plein dans la +Manif pour tous+. Ce que dit le film sur la relation entre les personnes, sur le genre, replacé à notre époque, c'est assez stupéfiant", souligne Bitaudeau.

"Je ne m'en rends pas vraiment compte. J'ai quand même fait des films sur un pays qui a beaucoup changé en 40 ans", répond Blier qui confesse avoir apprécié lire "Vernon Subutex" de Virginie Despentes. "Je me dis que c'est une copine. Elle n'y va pas avec la dos de la cuillère. Qu'est-ce qu'elle balance sur la France ! On n'est pas éloigné, même si on ne s'exprime pas vraiment de la même manière."

Chanter les mots prononcés par Gérard Depardieu ou Patrick Dewaere "a été assez compliqué" pour Garnier. "C'est impressionnant de se frotter à ces voix. J'ai eu un frein: de quel droit peut-on dire ces mots-là ? Ils font partie du patrimoine du 7e art. Comme Depardieu."

Blier, qui prépare un film avec son acteur fétiche, abonde: "Gérard est un acteur génial et un chanteur génial. Ses reprises de Barbara, c'est formidable. Il est l'artiste complet, total, absolu. On peut lui dire +Tu t'appelles Picasso, fais nous une peinture+, il le fait".

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