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Quand IAM redoublait à "L'école du micro d'argent"

Le groupe marseillais IAM vient d'engager une mini-tournée célébrant les 20 ans de "L'école du micro d'argent". Retour sur l'histoire d'un disque à la gestation douloureuse, qui reste à ce jour l'album de rap le plus vendu en France.

Attente

Lorsqu'il commence à travailler sur son 3e album, IAM est déjà installé. Porté par le tube "Je danse le Mia", il a été désigné "meilleur groupe" aux Victoires de la musique 1995.

"On était attendus", raconte le chanteur Akhenaton dont le disque solo +Métèque et mat+, s'était également très bien vendu. "On a commencé une série de maquettes à Marseille. Il y avait déjà +Petit frère+ et +L'empire du côté obscur+, avec le sample de +Star Wars+".

Un extrait de "La marche impériale" qui ne figurera pas dans la version finale, faute d'autorisation. "John Williams avait lui-même repris +La marche funèbre+ de Chopin, et là, il nous refusait le sample", peste Kheops, un des djs. Cette péripétie ne sera pas la seule.

Insatisfaction

IAM enregistre pendant quatre mois et demi à New York, berceau d'un rap qui les inspire, de Mobb Deep au Wu Tang Clan. Mais au moment de présenter le résultat au label (Delabel), le groupe n'est pas satisfait.

"L'album ne sonnait pas comme on le voulait, explique Akhenaton. Ce qu'on écoutait à ce moment-là, c'était des disques aux rythmes puissants. Le nôtre était trop lisse, on le voulait plus mordant".

Conséquence: le groupe se sépare de son producteur sonore Nick Sansano. "Ils étaient amis, il a mal vécu d'être écarté, selon Olivier Cachin, journaliste spécialisé dans le hip-hop.

Selon Nick, IAM manquait de cohésion, la communication en pâtissait. Il pensait aller dans leur direction, eux se sont rendus compte qu'ils voulaient aller à l'opposé".

Peur

Delabel éditions fait grise mine. "Il fallait voir les têtes. D'autant qu'on avait explosé le budget à New York. Ils ont eu peur. Ç'a été un combat, mais il y avait un capital confiance énorme et ils ont accepté qu'on refasse l'album", raconte Akhenaton.

En un mois et demi, "ils en ont fait quelque chose de dépouillé, analyse Olivier Cachin. Leur nouveau producteur Prince Charles Alexander a été très important, il a épuré le son pour lui donner un côté plus percutant, moins orchestré".

L'album plaît au label, qui le trouve toutefois très sombre, donc moins commercial. "IAM avait gommé ce côté comique qui les caractérisait. Fini de rire, en somme", résume Cachin.

Soulagement

"L'école du micro d'argent" est disque d'or le jour même de sa sortie le 18 mars 1997. Le tout, sans tubes, même si "La saga", "Nés sous la même étoile", "Petit frère" ou "L'empire du côté obscur" sont devenus des classiques.

IAM parle avec finesse de la société, des banlieues et séduit par ses références issues de la culture populaire, comme "Star Wars" ou "Le bon, la brute et le truand". "Cela a évidemment fédéré, assure Akhenaton. Le secret d'un succès c'est quand les gens se reconnaissent dans une oeuvre. On a touché une génération".

"L'engouement a été incroyable, se souvient leur ancien attaché de presse Fawzi Meniri. Jusqu'à la télé, qui avait longtemps hésité à passer le clip de "Petit frère", avant de s'y résoudre. Et les Victoires de la musique en 1998 (Meilleur album) ont couronné le tout".

Postérité

Vingt ans après, le succès perdure (plus de 1,5 million d'exemplaires vendus). "Si on sortait l'album aujourd'hui, les ventes seraient divisées par 20, estime pourtant Akhenaton. Le timing de l'époque était parfait, entre la déperdition de la variété française et l'essor du rap".

"Ils ne pourraient pas sortir cet album aujourd'hui, affirme même Cachin. Aujourd'hui un morceau est avalé, digéré recraché. On est dans une autre logique de consommation, avec des titres sans contenus politiques".

IAM remplit pourtant les salles françaises. Sa tournée passera notamment par Paris Bercy (24, 25 novembre) et se finira à Dijon (5 décembre). Un documentaire sur "L'école du micro d'argent" est même en préparation.

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