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Quand l'envie d'écrire devient irrésistible

"J'ai toujours eu envie d'écrire", dit l'un, tandis que l'autre reconnaît que "l'envie d'écrire vient de très loin". Pour Jean-Christophe Brochier et Pierre Souchon, cet irrépressible désir a enfin trouvé sa consécration avec la publication de leur premier roman.

"Comme éditeur, je suis un écrivain frustré", admet Jean-Christophe Brochier, au cours d'un entretien avec l'AFP.

Éditeur au Seuil, après avoir œuvré dans "pas moins de 47 maisons", Jean-Christophe Brochier, 58 ans, a sauté le pas en publiant "Petits remèdes à la dépression politique" (Don Quichotte), un livre hommage à l'écrivain Jean-François Vilar, pour dénoncer "le pourrissement accéléré d’une vie sociale déjà blette".

La forme même de son roman est un hommage à l'auteur de "C'est toujours les autres qui meurent", étoile filante du roman noir et militant trotskiste désenchanté, disparu en novembre 2014, et dont les textes étaient remplis d'allusions historiques.

Jean-Christophe Brochier se dévoile (beaucoup) au fil des pages, entremêlant ses confessions d'un éphéméride, "vivier de bons et mauvais souvenirs dont toute personne désireuse de faire valser le vieux monde devrait, je le dis sans prétention, garder la mémoire".

On voyage ainsi du 1er janvier (1959), jour où Ernesto Guevara entra dans La Havane désertée au 31 décembre (1877), date de la mort du peintre Gustave Courbet, en passant par le 25 septembre (1980) jour du dernier concert de Bob Marley.

"Évidemment, l'éphéméride c'est encore un peu parler de moi", dit dans un sourire un peu las Jean-Christophe Brochier, éternel rebelle des causes perdues et grand amateur de rock. Chacun des courts chapitres de son livre est le titre d'un morceau de rock (souvent des Stones).

Comme éditeur, Brochier est notamment à l'origine de la collection "Babel noir" chez Actes Sud. Il a également été l'éditeur du "Dictionnaire universel des Dieux, déesses, démons" (Seuil).

Et ce besoin d'écrire ? "J'ai écrit le début de je ne sais combien de romans. La mort de Vilar m'avait donné un coup. Après la dépression qui a suivi, j'ai compris que ça m'aiderait à en sortir", confie-t-il, en avouant avoir envie de continuer à écrire.

- Journal d'un fou -

Ce n'est pas la dépression, mais carrément la folie qui a poussé Pierre Souchon, 35 ans, pigiste à L'Humanité et au Monde Diplomatique, à se lancer dans l'écriture.

"Encore vivant" (Le Rouergue) est un récit époustouflant, d'une écriture limpide, où il raconte avec rage, humour et une lucidité impitoyable ses internements en hôpital psychiatrique à cause de sa bipolarité.

Le livre a figuré dans la sélection du prix du roman Fnac et compte parmi les finalistes du prix du Monde, décerné mercredi, aux côtés d'écrivains comme Alice Zeniter ou François-Henri Désérable, sélectionnés par le Goncourt et le Renaudot.

"Je suis habitué à beaucoup de marginalité dans mon travail journalistique et je pensais que pour mon premier travail littéraire, ce serait la même chose".

Petit-fils de paysans ardéchois, fils d'un garde-chasse, Pierre Souchon a longtemps été convaincu que ses troubles bipolaires prenaient racine dans ses origines sociales.

"Je pensais que j'avais une dette. J'étais petit-fils de paysans qui avaient crevé la dalle, dont l'exploitation avait été massacrée par le capitalisme. J'étais là pour les venger", dit-il avant d'ajouter : "tout cela n'était pas vrai, évidemment. Je m'étais construit un mythe".

"Toujours vivant" est le récit d'un homme qui longtemps a cru - à tort - ne pas être à sa place. Cette mésestime de soi l'a conduit à la folie. Le livre s'ouvre alors que Pierre Souchon, à moitié nu, mange des branches de buis perché en haut d'une statue de Jaurès.

Ce pourrait être effroyable - la folie et l'enfermement - mais ce qui frappe d'abord, c'est la profonde humanité qui imprègne tout le récit. Humanité à l'égard de ses compagnons d'infortune, de sa famille - en particulier ce père qu'on aimerait tous avoir - et des soignants qui l'ont "sorti de la nuit".

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