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Radio France: le chef Emmanuel Krivine prend les rênes du "National" dans un climat apaisé

Oubliés, la raideur et les emportements: c'est sous le signe de la "volupté" que le chef Emmanuel Krivine aborde son premier concert jeudi soir à la tête d'un des deux orchestres de Radio France, l’Orchestre national de France.

A 70 ans, la silhouette s'est arrondie comme le caractère: Emmanuel Krivine a appris de son passage mouvementé à la tête de l'Orchestre national de Lyon, redressé au prix d'une réputation d'autocrate.

"C'est vieux ... ça remonte à 1987! Je n'avais pas encore compris le truc de Bettelheim (psychologue américain) sur la satisfaction différée, je voulais tout, tout de suite", sourit-il. "Je ne suis plus du tout comme ça, peut-être par expérience. Je fais quand même de la direction depuis 65, j'ai l'habitude que ça ne vienne pas tout de suite!"

Deux ans après la grave crise qui avait secoué la maison ronde, mettant en cause l'existence même de deux orchestres en son sein, le climat s'est apaisé. Certes, une cure d'amaigrissement a été imposée au Philharmonique comme au National (passé de 122 à 114 musiciens) mais leur maintien ne fait plus débat.

C'est dans un climat détendu qu'ont débuté lundi les répétitions avec Emmanuel Krivine, premier chef français à la tête d'un des quatre grands orchestres du pays depuis le départ de Jean Martinon, directeur musical de 1968 à 1973.

Au pupitre, Emmanuel Krivine sifflote quelques notes et donne ses indications à mi-voix. Au programme, la "volupté assumée" des quatre derniers Lieder de Richard Strauss, la "volupté transcendée" de la Symphonie en ré mineur de César Franck et la "volupté souffrante" d'Anton Webern, avec une Passacaille pour orchestre de 1908 qui précède sa période sérielle.

Un programme manifeste, qui balaye trois époques, néoclassique (Strauss), romantique (Franck) et pré-sérielle (Webern).

- Du soja et des fraises -

Pour Emmanuel Krivine, cantonner un orchestre à un répertoire n'a pas de sens. "Que des missions soient plus ou moins précises, d'accord, qu'un orchestre soit plus orienté vers telle ou telle période du répertoire soit, mais on ne peut pas faire tourner toute l'année un orchestre uniquement avec de l'opéra, un autre dans du contemporain, le troisième dans du Mahler ... ça n'existe pas, ce serait comme quelqu'un qui ne boirait que de l'eau toute la journée ou ne mangerait que du soja et des fraises!"

On reconnait là le franc-parler du chef dont les saillies ont dans le passé fait la joie des journalistes. Prudent, il demande désormais à relire ses citations.

Pas question de troubler la sérénité qui l'a accueilli dans ses nouvelles fonctions. "C'est tout neuf, les musiciens sont pleins d'espoir, ils sont très sympas, en outre ils étaient d'accord avec la direction pour ma venue. Donc, c’est une situation très favorable", souligne-t-il.

Le déclic date de 2015, lorsque Emmanuel Krivine dirige l'Orchestre national de France à Montreux: "ça a été vraiment une rencontre, il y a eu un langage commun", raconte-t-il.

Pour l'instant, tous les voyants sont au vert: deux orchestres solidement dirigés, le Philharmonique par le jeune chef finlandais Mikko Franck et le National par Emmanuel Krivine et une hausse "significative" des abonnements à la saison musicale de Radio France, qui dément les diagnostics d'un trop plein d'orchestres et de salles, avec l'ouverture de la Philharmonie et de la Seine Musicale

"Quand on entend qu'il y a trop d'orchestres, c'est faux. Plus il y a d'orchestres dans un pays, mieux ça fonctionne, plus il y a de public. Regardez la Philharmonie, ça remplit tous les soirs et ici les abonnements ont considérablement augmenté."

S'il n'avait pas été chef, Emmanuel Krivine aurait peut-être fait de la philo -il cite Nietzsche et Platon au détour d'une phrase - ou sommelier.

"La dégustation du vin a beaucoup de choses en commun avec l’approche de la musique par l'attitude, les sensations, les mots qu'on cherche pour les décrire, le partage, la métamorphose de la vigne en vin ... c'est de l'art", s'émerveille-t-il.

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