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RETOUR SUR - Gérald Thomassin, ex-espoir du cinéma français, face à la justice

Il clame son innocence malgré des aveux téléphoniques à des proches: six ans après le meurtre sauvage d'une employée de poste à Montréal-la-Cluse (Ain), Gérald Thomassin, 40 ans, étoile filante du cinéma français, dort en prison.

La fin de l'instruction devrait intervenir en 2015.

Dans cette paisible bourgade de 3.500 âmes, l'agence postale a fait place à une salle de formation. Mais le souvenir de ce 19 décembre 2008 reste gravé dans les mémoires. D'autant que "Kathie", 41 ans, était une "enfant du pays aimée de tous". La fille de Raymond, le secrétaire de mairie.

De Gérald Thomassin, on se souvient surtout d'un "marginal qui habitait en face du bureau de poste". Un "drogué", "client occasionnel" du bar PMU en bas de la rue. Oublié son César du meilleur espoir masculin en 1991, pour son rôle de jeune délinquant dans "Le Petit Criminel", de Jacques Doillon. "On faisait pas attention à lui", confie Jeanne, une octogénaire.

Il ne reviendra sur le devant de la scène qu'en juillet 2013, lors de son interpellation à Rochefort (Charente-Maritime) où il était parti six mois après le meurtre, vivant en SDF avant d'obtenir un hébergement d'urgence en décembre 2012. "Il semblait vouloir s'en sortir", confiera le Centre communal d'action sociale.

- 28 coups de couteau -

Ce matin de décembre 2008, c'est un usager qui découvre le corps de Catherine Burgod, lardé de 28 coups de couteau. Dans la kitchenette au fond du bureau de poste, cette mère, enceinte de cinq mois, gît dans une mare de sang. Le contenu du coffre a disparu.

Très vite, les soupçons des gendarmes se portent sur des marginaux toxicomanes, vivotant de minima sociaux dans un ancien hôtel, en face de la poste. Et notamment sur Gérald Thomassin, qui chaque mois vient y toucher son RMI.

Découvert à 16 ans par le réalisateur Jacques Doillon dans un foyer de la Ddass de Seine-Saint-Denis, promis à une brillante carrière cinématographique, Thomassin a sombré dans l'alcoolisme et l'héroïne, entre quelques petits rôles dans des films d'auteur. C'est après son dernier film avec Doillon, "Le Premier Venu", où il incarne un autre petit voyou, qu'il s'installera, en mai 2007, à Montréal-la-Cluse.

En l'absence de témoins et d'empreintes génétiques, l'enquête piétine. Incertitude aussi sur l'arme du crime. Même si, selon le conseil de la famille Burgot, Me Jacques Frémion, les gendarmes ont retrouvé chez Thomassin un couteau de cuisine "compatible avec les blessures" de la victime. "Mais sans aucune trace de son ADN", rétorque son avocat, Me Benoît Cousin.

Placé en garde à vue en janvier 2009, Thomassin est relâché, faute de preuves. Malgré plusieurs "faits troublants", selon Me Frémion. Comme le témoignage de deux soeurs qui l'ont vu sur la tombe de Catherine Burgot "mimant quasiment la scène de crime".

Dans un entretien au Monde, en juillet 2013, Raymond Burgot raconte que Thomassin l'avait abordé dans la rue pour lui dire qu'il "n'était pas le meurtrier": "Il m'a assuré qu'à la place du coupable, il aurait utilisé une cagoule et des gants et qu'il aurait +volé mais pas tué+".

- 'Il aurait dit n'importe quoi' -

Mais pour Me Frémion, "il y a un lourd faisceau d'indices graves, précis et concordants". Allusion aux écoutes téléphoniques où Thomassin déclare à son frère: "Je vais aller à la gendarmerie dire que c'est moi qui l'ai tuée".

Certes "il est revenu sur ses déclarations" en garde à vue, "mais il faudra qu'il explique comment ça se fait qu'il sait tout au détail près sur l'assassinat, jusqu'au montant du butin jamais communiqué", bouillonne l'avocat.

"Il était tellement excédé et complètement bourré, il aurait dit n'importe quoi", rétorque Me Cousin, qui ajoute que "ses dépenses sont restées les mêmes dans les mois qui ont suivi le drame".

Interpellé à Rochefort, Thomassin a été mis en examen le 29 juin 2013 pour "vol avec arme et meurtre sur personne chargée d'une mission de service public". A la surprise générale, il avait été remis en liberté sous contrôle judiciaire. Le parquet avait fait appel et le 12 juillet la cour d'appel de Lyon ordonnait son placement en détention.

Ecroué à Lyon Corbas, Thomassin, "fragile psychologiquement et physiquement", "vit très mal son incarcération" et est "régulièrement hospitalisé", selon son avocat qui veut croire que la justice rendra un non-lieu.

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