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Rétrospective du photographe Irving Penn, le magicien du studio

Irving Penn a photographié des dizaines de personnalités mais aussi les enfants de Cuzco, des images prises pour la plupart en studio. Le Grand Palais consacre une brillante rétrospective à ce maître américain capable de rendre poétiques des mégots de cigarettes.

Cafetière

L'exposition (du 21 septembre au 29 janvier) réunit 238 photographies d'Irving Penn, presque toutes des tirages originaux, depuis ses premiers et rares clichés de rue et ses natures mortes couleur jusqu'à sa dernière image, une cafetière à trois étages. Mort à New York en octobre 2009, Penn a laissé plus d'un millier d'oeuvres (photos et dessins).

Studio

Photos de mode, natures mortes, personnalités, petits métiers ou papous de Nouvelle Guinée : quel que soit le sujet, à une période où la photographie de rue était en plein essor, Irving Penn est resté un artisan du studio.

Une bonne partie de son oeuvre a été réalisée devant un fond un peu râpé, que l'on peut découvrir au côté d'un de ses appareils préférés, un Rolleiflex 3,5. "Il y a quelque chose de magique à voir que tout l'imaginaire qu'il a créé, du top model au guerrier tambul (guerrier de Nouvelle-Guinée), est né devant le rideau le plus simple, le plus usé, trouvé à Paris en 1950", dit Jérôme Neutres, commissaire de l'exposition pour la partie française.

Mobile

En 1948, après une série de photos de mode pour Vogue en extérieur à Lima, Penn loue un atelier à Cuzco et fait des centaines de portraits saisissants d'indiens en tenue traditionnelle.

Lorsqu'il se rend au Dahomey (actuel Bénin) en 1967, il fait fabriquer un studio démontable, une tente de 30 m2 où viennent poser enfants et jeunes villageoises. Il réalisera de la même manière en 1970 d'étonnants portraits des guerriers en Nouvelle Guinée et, l'année suivante, des photos étranges, presque abstraites, de danseuses de Guedra (Maroc).

People

1947 : Penn, 30 ans à peine, a été embauché par Vogue. Le magazine lui commande des portraits de célébrités. Dali, Stravinsky, Hitchcock, Marcel Duchamp... Il se montre tout de suite doué pour l'exercice qu'il pratiquera jusqu'à la fin de sa carrière.

Richard Avedon, autre grand portraitiste, "saisit l'instantané, moi j'essaie de saisir la vérité", a dit Irving Penn. Essai souvent réussi. Exemple : le portrait de 1957 d'Yves Saint Laurent, encore peu connu, dont il enregistre à la fois "la fragilité physique et la détermination".

Même acuité avec Francis Bacon, Audrey Hepburn et surtout Pablo Picasso qui ne lui avait accordé que 10 minutes : suffisant pour capter un oeil du maître sous un chapeau andalou.

Rétameur

Cette attention au sujet, Penn va la manifester avec les petits métiers, sa série la plus fournie. Réalisée en 1950-51 à Paris, Londres puis New York, elle est dans le sillage du travail réalisé par le photographe français Eugène Atget à partir de 1898. Rétameur, chauffeur de locomotive, égoutier, marchande de ballons... tous sont photographiés dans les mêmes conditions que les personnalités de la culture ou de l'establishment.

Rebut

Le plus radical des travaux de Penn est sans conteste sa série sur les mégots, réalisée en 1972 et qui suscita l'incompréhension. Les résidus de tabac sont photographiés en gros plan et présentés sur des tirages grand format au platinium, un procédé difficile à maîtriser mais d'une qualité exceptionnelle. "Il est toujours surprenant de voir comment la poésie put naître dans l'élément le plus repoussant du rebut", dit Jérôme Neutres.

Sculpture

En 1949-1950, en pleine vogue des pin-up, Penn photographie des femmes sans visage, opulentes, dans des postures étranges, à la peau artificiellement blanchie au tirage. Sa vocation de sculpteur apparaît au grand jour. Totalement ignorées en 1950, ces images ne seront exposées qu'en 2002.

- La rétrospective a été présentée au Met de New York et doit aller après Paris à la Fondation C/O de Berlin (24/3/18 au 1/7/18) puis à l'Instituto Moreira Salles à Sao Paulo (21/8/18 au 25/12/18).

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